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Livre des âmes (Le)
James Oswald
Bragelonne, Thrillers, traduit de l’anglais (Écosse), polar avec touche de fantastique, 399 pages, février 2016, 21,50€

Succédant à « De mort naturelle », premier roman qui parvenait à séduire par un juste dosage entre mise en place des protagonistes, intrigue policière et lent glissement vers le fantastique, et dont les près de six cents pages s’avalaient sans jamais lasser, « Le Livre des âmes », permet au lecteur de retrouver l’inspecteur Tony McLean, toujours dans la cité pluvieuse d’Edinburgh. Une cité où rôdent des criminels sanguinaires, où s’accumulent les cadavres, et où se faufilent des ombres qui ne sont pas seulement celles du passé.



«  La liste des contacts faisait pitié. Bob La Grogne, le poste, MacBride et la morgue. »

Ambiance passablement déprimante pour Tony McLean. Tout est là pour lui rappeler sa fiancée autrefois assassinée. À commencer par l’assassin lui-même, qui vient de défunter en prison et à l’enterrement duquel, pour vraiment y croire, il se sent obligé d’assister. Mais aussi parce qu’à plusieurs reprises il aperçoit en ville un individu qu’il jurerait être ledit assassin. Mais encore parce que bientôt de nouveaux crimes ensanglantent la ville, de ceux qui ressemblent de manière hideuse aux forfaits commis quelques années auparavant par l’ignoble meurtrier.

«  Avec la pisse d’âne que les pubs essayaient de faire passer pour de la bière, on pouvait boire un fût entier et marcher droit ensuite. »

Alors, il y a les amis – ceux qui ne sont pas devenus policiers et semblent parfaitement heureux – les pubs, les souvenirs, et une espèce de dérive qui ne dit pas son nom. Parce que vraiment, tout s’y met. McLean peine depuis longtemps à démanteler un réseau de trafic de drogue. Son propre immeuble prend feu, tous ses biens sont détruits. Pire encore : on découvre à cette occasion que les trafiquants qu’il chassait officiaient dans l’appartement situé juste au-dessous du sien. Et puis, autre enquête difficile, peu gratifiante : une série de vieux bâtiments qui semblent prendre feu comme d’eux-mêmes.

« La vieille fabrique voulait mourir, vous comprenez. Alors, elle s’est immolée par le feu. »

Peu à peu, ces enquêtes se compliquent. Une tentative d’assassinat sur McLean, de nouveaux crimes affreux, le désaveu par ses supérieurs, Jayne McIntyre, surintendante en chef, et l’infernal Duguid, l’obligation par McLean, en burnout, de consulter un psychologue, individu d’une bêtise et d’un manque de tact qui apportent au roman une touche d’humour bienvenu. Un psychologue qui est, par ailleurs, un profiler complètement débile, petite touche d’ironie vers un personnage emblématique et souvent passablement surfait du thriller. On sourit aux mésaventures de l’inspecteur, mais l’assassin court toujours, et continue à tuer.

« On ne lit pas le Liber Animorum. C’est lui qui vous lit ! Il soupèse votre âme, et, s’il lui trouve des défauts, il la dévore. Ce qui reste ensuite, c’est le mal à l’état pur. »

Quand un vieux prêtre s’introduit chez McLean pour lui seriner qu’il n’y a pas véritablement d’assassin et que c’est un vieux livre qui tue, cela commence à faire beaucoup. Entre le criminel enterré qui se promène en ville, le livre maudit et les bâtisses anciennes s’immolant, les méthodes scientifiques auxquelles s’accroche McLean pour mener ses enquêtes commencent à en prendre un coup. Fort heureusement, il peut compter sur le soutien de quelques-uns de ses complices habituels, le médecin légiste Cadwallader, les membres de son équipe et une jeune inspectrice bien décidée à faire ses preuves pour venir à bout d’enquêtes particulièrement malaisées.

Si « Le Livre des âmes » apparaît peut-être un peu moins dense que « De mort naturelle » (mais il est aussi plus court), le roman fonctionne tout autant en particulier par le même équilibre entre le soin que met l’auteur à donner vie à ses protagonistes, les aspects dramatiques, l’humour caustique ou un brin désespéré des uns et des autres, et la tension créée par les rebondissements, les errements et les progressions des enquêtes.

Tout comme dans « De mort naturelle », l’auteur fait preuve d’un talent certain pour mêler fantastique et polar, en particulier par la manière dont il introduit ses premières hypothèses, sous forme de délires d’excentriques ou d’illuminés, si bien que le lecteur n’y prête pas plus attention que les protagonistes eux-mêmes. Les uns et les autres auraient même tendance à les oublier avant que, par petites touches, elles ne prennent subtilement consistance, que l’impossible ne puisse être éliminé et que la piste surnaturelle devienne de plus en plus nette – tout en conservant une petite porte de sortie pour une rationalité quelque peu malmenée.

« Le Livre des âmes », « De mort naturelle » : deux romans dont la trame globale est similaire, à savoir, pour simplifier, une trame fantastique venant se mêler à la poursuite d’un insaisissable serial-killer. Deux romans seulement et déjà des personnages que l’on aime à retrouver, des scènes dont on devine qu’elles reviendront comme des rituels : les désaccords avec son supérieur Duguid, les entretiens mi-compréhensifs mi-houleux avec la surintendante en chef Jayne McIntyre, les dialogues pleins d’ironie avec ses collègues. À l’évidence, James Oswald a trouvé un ton, une technique, une trame narrative qui fonctionnent à plein. Il n’y a plus qu’à croiser les doigts pour qu’il sache aussi trouver des intrigues à chaque fois surprenantes, à la différence de bien des rois du thriller ou des reines du crime qui, on s’en rend compte assez rapidement, ne font jamais qu’écrire le même livre avec des atours un peu différents.



Titre : Le Livre des âmes (The Book of Souls, 2013)
Série : Les Enquêtes de l’inspecteur McLean, tome II
Auteur : James Oswald
Traduction de l’anglais (Écosse) : Jean Claude Mallé
Couverture : Ewa Tryniecka / Arcangel Images
Éditeur : Bragelonne
Collection : Thrillers
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 399
Format (en cm) : 15 x 23,7
Dépôt légal : février 2016
ISBN : 9782352949336
Prix : 21,50€


James Oswald et les enquêtes de l’inspecteur McLean sur la Yozone :
- « De mort naturelle »


Hilaire Alrune
25 juillet 2016


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