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Chemins de fer et de mort
Philippe Gontier (dir.)
La Clef d’Argent, anthologie (France), fantastique, 170 pages, février 2016, 9€

Après une première anthologie de terreur ferroviaire composée de textes classiques, Philippe Gontier fait cette fois appel aux plumes gravitant autour de la Clef d’argent pour aborder les mystères et frayeurs liés au train. Résultat : un recueil hétérogène captivant.



« Trains de cauchemar » faisait la part belle au auteurs des siècles passés. Il était temps que les auteurs d’aujourd’hui s’emparent du thème. Revue de détail, en suivant le sommaire :

- “Un train à prendre”, de Jean-Pierre Andrevon
Un texte d’angoisse pure, où nous suivons un VRP affolé d’avoir peut-être manqué son train. Puis d’avoir laissé ses affaires à l’hôtel. Puis que le monde ne semble pas tourner rond. Andrevon distille goutte à goutte des éléments de réponse à cette folie, mais c’est dans le rythme, le souffle même de son narrateur, qui se transmet l’angoisse, initialement naturelle et compréhensible (qui n’a jamais craint de rater son train ?) puis de plus en plus étrange...

- “Quand le train s’arrête”, de Patrice Dupuis
Au sommaire de son premier recueil, « Dans le désert et sous la lune », cette histoire de femme enceinte abandonnée, maudite ? dérange. La poésie de la plume n’y change rien, on en ressort brassé...

- “Le train des ouvriers”, de Jean-Pierre Favard
C’est, l’auteur aurait du mal à s’en défendre, un vibrant hommage à Stephen King. Passé un début très « humain » où le narrateur décrit les rituels du train du matin, avec ses habitués, ses gens calmes et ses pénibles, arrive la rupture : un arrêt prolongé dans un tunnel. Plus de lumière. Début de panique. Et la sensation que quelque chose rôde dehors... Et puis l’horreur. La mort, le sang. Comme le maître de Bangor, Favard sait retourner ses personnages, dépasser les a priori initiaux du narrateur, nous redonner foi en certains, désespérer pour d’autres.
L’un de mes textes préférés.

- “Le contrôleur ferroviaire”, de François Fierobe
Ah, il est court, mais truculent, celui-là. Bourré d’humour noir, avec un fonctionnaire droit dans ses bottes qui n’hésite pas jeter les fraudeurs par la fenêtre. Cruel, grinçant, jusqu’à la pirouette finale. J’adore.

- “Les voyageurs”, de Philippe Gindre
Le patron de la Clef d’Argent nous plonge dans le smog avant un intérieur chaleureux avec son couple Coulter et Quincampoix, spécialistes des situations sidérantes mais, à leurs yeux, parfaitement explicables.

- “La gare”, de Philippe Gontier
Un texte bref, qui nous plonge dans le mystère nocturne d’une gare abandonnée. Et puis passe un train. Le temps d’un frisson.

- “La friche”, de Stéphane Mouret
C’est au récit d’une vie que nous invite Stéphane Mouret. Son personnage va trouver, au cœur de la friche où les pré-ados du village vont s’amuser, des rails. Et à la façon d’Alice qui passe de l’autre côté du miroir, il va croiser les passagers d’un train qui fait une brève pause, le temps de trancher les ronces qui encombre le chemin. Veut-il monter à bord ? Non, ce n’est pas son heure... Et l’auteur de dérouler son existence, sa routine, ses espoirs et ses regrets, qui toujours le ramène à la friche et sa voie, qu’on parle de réhabiliter, voire la Grande Vitesse qui désenclaverait la région. Il faut y retourner, une dernière fois avant que cela ne soit plus possible, prendre le dernier train... Du fantastique léger, un texte d’une grande sensibilité, débordant d’une douce poésie. C’est tout simplement beau.

- “Surclassement”, de Bruno Pochesci
Nouvelle assez brève, et véritable éloge du passé, d’un “c’était mieux avant” indéniable pour le train, tandis qu’un passager, qui fait tache dans le compartiment, remonte les wagons, et le temps, laissant derrière lui climatisation et connexion pour le confort et le calme d’un siècle révolu.

- “Le coup du lézard”, de Timothée Rey
Le 3e long texte de cette anthologie, et la première à nous emporter ailleurs, dans un monde de dark-fantasy futuriste, avec un train aérien de marchandises dont le capitaine appréhende que la fin du trajet ne sera pas de tout repos. Épique, très immersif malgré une bardée de vocabulaire spécifique.

- “Stations”, de Jérôme Sorre
Plongée en pleine SF avec un train futuriste qui va dérailler. L’accident est programmé, et le narrateur est à bord pour collecter et analyser les données. Enfin, son avatar virtuel est présent, pour étudier cette aberration de notre société qui nécessite un accident de temps en temps pour prouver la fiabilité du moyen de transport. Mais avant la fin du compte à rebours, l’ingénieur se rend compte qu’autre chose a déraillé...

- “L’escarbille”, de Brice Tarvel
Un policier fait du zèle pour arrêter un tueur en série et impressionner ses supérieurs. Il a remonté la piste jusque dans ce train. Il a dans son compartiment une charmante jeune femme qui ferait un appât idéal. Il attend le bon moment. Puis s’inquiète, ses rêves de triomphe en péril. Et tout s’emballe lorsque ouvrant une fenêtre, il prend une escarbille dans l’œil... Une nouvelle à pirouette finale facile, un rien décevante après la montée en tension très bien maîtrisée.

La mort fait partie de la vie, ainsi pourrait-on résumer pour différencier clairement ce volume de « Trains de cauchemar ». La vie est un voyage, le train un moyen de la traverser, plus vite ou à rebours. La très grande hétérogénéité de cette anthologie fait que chacun y trouvera son compte. A mon goût, “La friche” de Jérôme Mouret et “le train des ouvriers” de Jean-Pierre Favard, dans deux genres totalement différents, tirent largement leur épingle du jeu, mais des textes plus surprenants comme “Le coup du lézard” et “Stations” marquent durablement le lecteur, par leur forme (je n’avais jamais lu de Timothée Rey, il est temps que je m’y mette) ou leur fond (Jérôme Sorre (« Cellules ») manie très bien la SF).


Titre : Chemins de fer et de mort
Anthologiste : Philippe Gontier
Textes et auteurs :
- « Un train à prendre », Jean-Pierre Andrevon
- « Quand le train s’arrête », Patrice Dupuis
- « Le train des ouvriers », Jean-Pierre Favard
- « Le contrôleur ferroviaire », François Fierobe
- « Les voyageurs », Philippe Gindre
- « La gare », Philippe Gontier
- « La friche », Stéphane Mouret
- « Surclassement », Bruno Pochesci
- « Le coup du lézard », Timothée Rey
- « Stations », Jérôme Sorre
- « L’escarbille », Brice Tarvel
Couverture : Philippe Gontier
Éditeur : La Clef d’Argent
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 170
Format (en cm) : 20 x 13 x 1,5
Dépôt légal : février 2016
ISBN : 9791090662278
Prix : 9 €



Nicolas Soffray
19 mars 2016


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