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Praërie, tome 1 : Le Monde des Sinks
Jean-Luc Marcastel
Scrineo, roman (France), fantastique, 446 pages, juin 2014, 16,90€

Vincent revient dans le village de son enfance. Mais c’est un peu particulier : Vincent fait partie des Forces Spéciales, et le village a « disparu » 20 ans avant, probablement suite à une expérience menée dans le labo de son père. Une expérience de compression de la matière, que des savants ont réussi à reproduire... en partie.
Miniaturisé avec son hélico de combat, Vincent a 16 heures, avant de retrouver sa taille normale, pour retrouver le labo et extraire les données de recherche de son père.
Mais aucune formation ne l’a préparé aux dangers de mesurer 5mm au milieu d’un pré... Et personne n’aurait imaginé que les villageois ont survécu et développé une nouvelle société.
Son hélico attaqué par une libellule, Vincent chute... et tombe en pleine épreuve initiatique de chasse de Lo’Hiss. Le jeune, devenu un homme pour avoir vaincu seul un « brillepinces », un peu aidé par une rafale de fusil d’assaut, ramène cet étranger tombé du ciel à Forroc, la ville fortifiée des Sinks, où ils vivent à l’abri des multiples prédateurs insectoïdes de Praërie.



Les histoires de « miniaturisation » ne sont pas récentes. On citera « Chérie, j’ai rétréci les gosses », « Arthur et les Minimoys » de Luc Besson, les plus anciens penseront aussi à « La Trace des rêves » de Jean-Pierre Andrevon... Ainsi que Jean-Luc Marcastel l’explique en post-face, nourri de ces références, il a développé un univers à la fois très proche, loin des créatures bizarroïdes de la SF du dernier demi-siècle, mais tout aussi terrifiant. Et cela marche du tonnerre.
Tout d’abord parce que l’auteur ne joue pas sur un éventuel suspens initial, mais nous explique dès le début le pourquoi : une expérience qui a mal tourné.
Ensuite, parce qu’en s’appuyant sur quelques éléments scientifiques, comme la relativité du temps, il crée une société cohérente et logique, avec ses Sinks. Si 20 ans se sont écoulés pour nous, c’est 20 générations qui se sont succédées pour ces petits humains. Largement le temps de s’adapter à leur nouvel environnement.

Et au-delà de l’aventure, assez classique jusque dans ses rebondissements (que je vais essayer de taire), c’est dans le détail accordé à cette société que l’auteur fait merveille : des castes (les prêtres, les chasseurs, les femmes, les artisans...) bien définies, des rites qui structurent la vie de chacun.
Ainsi que Vincent le comprendra au fil du temps, ces mutations étaient indispensables à la survie, puis les contrainte se sont changées en traditions, en dogmes, en lois.
On ne s’étonnera pas que les prêtres aient accaparé le pouvoir. Chez les chasseurs, c’est une hiérarchie de prestige et un code d’honneur qui domine. Enfin, c’est presque évident, les femmes sont cloitrées. Initialement surprotégées (sans femmes, point de survie), elles ont vite été mises à l’écart par les hommes (les prêtres) et cantonnées à la reproduction et l’élevage des enfants. Abolie, la notion de famille, on ne vit que pour la ruche. Le mimétisme avec le monde insectoïde est parfait.
Bien entendu, il demeure quelques petites traces d’humanité, d’autrefois, qui font le cœur de cette aventure et permettent à Jean-Luc Marcastel de déployer son talent narratif. Ainsi, Pyr, le maître chasseur mentor de Lo’Hiss, prêche-t-il des idées séditieuses, et ses actes, sa vie durant, lui auront coûté cher : les prêtres le surveillent, attendant un faux pas pour l’accuser. L’exploit de Lo’Hiss ne fait pas leurs affaires, mais la venue de cet étranger est providentielle : c’est un Démon, et pas un Hoam, un dieu disparu, comme certains le murmurent.
Si les Sinks copient les insectes, leurs passions sont très humaines : ambition, jalousie, envie, compassion, fidélité, amour... On serait tenté de jeter un peu la pierre à l’auteur sur les facilités de son intrigue et de ses personnages (le méchant prêtre, le mentor rebelle, le rival jaloux, l’autre chasseur droit dans ses bottes...) mais toute cette mécanique est si bien huilée que les jeunes et les moins jeunes auront grand plaisir à se laisser embarquer dans cette aventure et à s’émerveiller de son vernis « fantasy insectoïde ».

L’auteur a également « créé » une langue pour ses personnages, un Français « compressé » lui aussi. Le procédé est logique, intelligent, et justifie plutôt bien que les Sinks et Vincent se comprennent assez rapidement. Cette compréhension orale, souvent escamotée dans les films, est très présente, chacun devant faire un effort permanent pour comprendre l’autre, ou profite de cette barrière pour ne pas tout expliquer. L’alternance narrative, un chapitre Vincent, un chapitre Lo’Hiss, permet de se couler dans la peau de chacun et de mieux saisir les difficultés des protagonistes.

L’aventure est plus qu’au rendez-vous, avec un Vincent contraint par le temps, et une fuite éperdue de ceux qui ont bravé la lois et les interdits de leur société. Le méchant rival, sans cesse épargné, n’en finit pas de revenir plus enragé encore, et la Nature n’est pas en reste pour fournir des dangers mortels : oiseaux, fourmis à foison, araignées d’eau, même une truite ! (on notera la débauche de moyens dont fait preuve l’auteur). La fin de ce premier volume ne nous laisse qu’une envie, enchaîner sur la suite, « Le secret des Haoms ».


Titre : Le Monde des Sinks
Série : Praërie, tome 1
Auteur : Jean-Luc Marcastel
Couverture et illustrations : Isabelle Dumontaux
Éditeur : Scrineo
Collection : Jeunesse & jeunes adultes
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 446
Format (en cm) :
Dépôt légal : juin 2014
ISBN : 9782367401584
Prix : 16,90 €



Nicolas Soffray
14 janvier 2016


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