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Poison City (T2)
Tetsuya Tsutsui
Ki-oon

Mikio a été repéré par un éditeur américain, et quand ce dernier passe au Japon, il décide de rencontrer le jeune mangaka. Alfred connait bien le système pervers de la classification des œuvres considérées comme nocives et son expérience lui permet d’exposer à Mikio une solution afin de passer entre les mailles du filet. En fait, l’idée est de profiter d’une faille dans l’analyse des oeuvres par les experts. Ces derniers n’ayant pas beaucoup de temps pour étudier une oeuvre, vu la masse de publications chaque mois, ils mettent un post-it sur les pages comprenant un dessin considéré comme nocif. Si l’ouvrages comporte plus de 20% de pages avec post-it, il est signalé comme nocif. L’idée est alors de regrouper toutes les cases à risques dans les mêmes pages. Mikio est plutôt attiré par l’idée mais quand il tente de l’appliquer à sa série, cette dernière perd alors de sa cohérence. Très vite, Mikio choisit d’abandonner cette idée et de continuer son travail, quelles qu’en soient les conséquences



Le couperet est tombé ! “Dark Walker” a été signalé comme étant nocif, mais pire que tout, la commission des experts convoque Mikio à une audition publique afin de savoir s’il doit lui aussi être classé comme auteur nocif. Le coup est rude pour le jeune mangaka qui voit soudain son monde s’écrouler. Son histoire avait rappelé à Alfred le souvenir d’un de ses parents et l’américain envoie au jeune homme un mystérieux cadeau. En fait, il s’agit des comics books que son parent avait publié et qui avaient attiré les foudres des sénateurs inquisiteurs comme McCarthy. L’éditeur n’avait pas su, sur le moment, comment répondre aux accusations de subversivité portées sur les œuvres qu’il publiait. Ce n’étaient pourtant que de simples histoires d’horreur. Mais après réflexion, il avait trouvé une parade. Sa ligne éditoriale fut totalement changée : il ferait dans l’humour. Mais l’humour grinçant qui s’attaquait à ces fameux censeurs. Au sein de la commission de censure nippone, des dissensions se font jour et certains commencent à douter de la justesse de leurs choix.

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Suite et fin de la mini-série de Tetsuya Tsutsui, “Poison City”, dédiée à la censure. Le manga poursuit sa description d’un pays où les oeuvres finissent au pilori pour les raisons les plus fallacieuses possibles. Ce tome va d’ailleurs être clairement une démonstration de la stupidité aveugle de la censure. Le mangaka explique d’ailleurs en fin de tome que la méthode d’analyse des oeuvres qu’il décrit dans sa série s’applique réellement dans certaines régions du Japon. Une méthode qui se moque totalement de ses propres contradictions. L’analyse faite par le personnage de M. Toda en est un parfait exemple : en appliquant la méthode imposée aux mangas à des grands classiques de la littérature nippone, ceux-ci seraient purement et simplement interdits. Mais ce n’étaient que les prémices de la critique virulente de Tetsuya Tsutsui qui atteindra son apogée avec la parodie d’audition publique. En fait, il s’agit d’un tribunale stalinien où l’accusé est non seulement condamné d’avance mais quoiqu’il dise, tout sera retourné contre lui. Et même quand des preuves de leurs erreurs sont apportées, les experts les balaient purement et simplement d’un revers de la main. L’analyse de “Dark Walker” par ce tribunal est édifiante et véritablement inquiétante.

Mais est-ce vraiment de la fiction ? Dans un monde où des films perdent le droit d’être projetés pour faire plaisir à des extrémistes d’une religion ou quand une grosse boite de production bâillonne des critiques sous prétexte de protéger l’histoire de leur film, en est-on vraiment si loin ? Malheureusement, dans un monde édulcoré où la légitime protection des mineurs tournent à l’obsession, en est-on si loin ? J’avoue moi-même porté un regard sévère sur certains mangas classés « tout public » et que je trouve méritant un précision « pour public averti », toutefois c’est ici non pas une censure mais une responsabilisation des parents et des adultes en général sur ce qu’ils autorisent. Pour reprendre le raisonnement du personnage M. Toda que je n’hésite pas une seule seconde à reprendre à mon compte, c’est la couardise des adultes qui génère les lois liberticides comme celles inventées (pas tant que cela) par Tetsuya Tsutsui. C’est la lâcheté de l’adulte, qui refuse de prendre lui-même la décision d’interdire à son enfant de lire tel manga ou jouer à tel jeu vidéo, qui provoque les délires journalistiques sur la perversité de jeux violents comme “Call of Duty” ou sur l’écoute du Heavy Metal. Plus je me lis et plus je me dis que j’ai de grandes chances d’être classé comme chroniqueur nocif, moi qui vous enjoins de lire du Warren Ellis, du Serge Lehman, du Christophe Bec ou bien évidemment du Tetsuya Tsutsui.

Avant que de gentils messieurs avec de belles blouses blanches et des gilets qui s’attachent dans le dos viennent me chercher, je vous dirai oui, lisez “Poison City”, même si Tetsuya Tsutsui demeure plutôt pessimiste malgré sa petite note finale d’espoir. Et surtout, lisez des œuvres « nocives » !


Poison City (T2)
- Auteur : Tetsuya Tsutsui
- Traducteur  : David Le Quéré
- Éditeur français : Ki-oon
- Format : 130 x 180, noir et blanc - sens de lecture original
- Pagination  : 212 pages
- Date de parution : 10 décembre 2015
- Numéro ISBN  : 978-2-35592-896-3
- Prix : 7,90 €


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Frédéric Leray
20 décembre 2015




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