Initialement, il y avait “Du rififi entre les oreilles”, une nouvelle d’Anne Fakhouri parue dans l’anthologie des Imaginales « Elfes et Assassins », qui posait les bases, avec beaucoup d’humour, d’une Prohibition féérique et d’une poignée de malfrats pas forcément d’élite, mais très attachants.
L’humour noir est toujours présent, quoiqu’à faible dose, car c’est la noirceur qui prédomine dans « American Fays ». Le microcosme urbain ne semble accueillir personne d’honnête, ou si peu, et les rapports de force sont nombreux. Le représentant de Capone attend des résultats rapidement, poussant les No Ear Four à certains contacts avec des forces féériques dont ils mesurent mal la puissance. Cela donnera lieu, entre autres, à un petit voyage au pays des contes, dont ils ne sortiront pas indemnes (et nous non plus).
Si les fays sont au cœur de l’intrigue, il ne faut pas perdre de vue que dans cette grande nations d’immigrés, ils sont au bas de l’échelle, sauf à avoir une utilité spécifique liée à leur nature. Tout comme les Noirs ont été exploités, les fays doivent servir. Au fil de l’enquête, c’est ce que les No Ear Four vont découvrir (et que je tairai). L’ennui, c’est que les fays ne sont pas une race qu’on peut impunément réduire en esclavage sous quelque forme ou procédé, magique, mécanique ou psychologique, que ce soit. Et le retour de bâton va être violent, dans un finale où toutes les forces en présence vont s’affronter à mort, les chefs de clan étant de la partie. On éventera rapidement le secret de l’ascendance de Rachel, le lecteur ayant, contrairement aux gangsters, la totalité des indices sous les yeux. Du coup, les conséquences de l’enlèvement de l’héritière laissaient présager quelque chose... d’excessif.
Xavier Dollo et Anne Fakhouri usent des fays pour refaire le portrait d’une Amérique, et des hommes, où le pouvoir de l’argent vaut loi. Un monde de progrès technique mêlé de magie, où rien ne semble impossible, infaisable. Rien d’interdit, pour qui y met le prix. Et dans une période telle, les inégalités font que tout est à vendre, corps et âmes. L’allégeance d’Old Odd à Capone, la dette de Bix... et d’autres pratiques moins reluisantes.
Extrêmement riche, teinté d’un peu de jazz (trop peu ?) et de cette double mythologie Contes de fées et Prohibition, « American Fays » souffre peut-être d’une intrigue initiale un brin complexe et dispersée, qui met quelque temps à s’éclaircir. Il faudra une immersion totale dans le texte dense pour ne pas risquer de se perdre en route, mais c’est finalement chose facile tant l’écriture est prenante.
Les auteurs se replongeant dans l’univers, on attendra la suite avec impatience.
On aura noté l’excellente facture de l’ouvrage, au dos toilé et à la couverture rigide illustrée par Xavier Collette, qui donne magnifiquement le ton.
Titre : American Fays
Auteurs : Anne Fakhouri & Xavier Dollo
Couverture : Xavier Collette
Éditeur : Critic
Site Internet : fiche du roman
Collection : Fantasy
Pages : 419
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 3,5 (couverture rigide, dos toilé)
Dépôt légal : 2014
ISBN : 9791090648333
Prix : 23 €