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Ce Qu’Ils N’Ont Pas Pu Nous Prendre
Ruta Sepetys
Gallimard Jeunesse, Pôle Fiction, traduit de l’anglais (États-Unis), fiction historique, 421 pages, mars 2015, 7,75€

INCURSION HORS ZONE - CET ROMAN NE TRAITE PAS D’IMAGINAIRE

A priori, « Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre » ne fait pas forcément partie de ces livres que l’on prend sur une étagère sans trop réfléchir. Le quatrième de couverture pointe très simplement un écrit sombre, déstabilisant voire même potentiellement déprimant, si le lecteur ne tient pas compte des impressions tirées d’autres auteurs ou de divers journaux.



« Lina, jeune Lituanienne de quinze ans très douée pour le dessin, voit sa vie basculer une nuit de juin 1941, lorsqu’elle est arrêtée par la police stalinienne. Déportée avec sa famille dans un camp de Sibérie, Lina fait la rencontre d’Andrius. Tous deux résistent avec leurs armes : leur foi en l’humain et leur indéfectible optimisme… » Rien d’affriolant, il faut bien se l’avouer. Avec un résumé pareil, le lecteur est à peu près sûr de déprimer avant la moitié du récit et de pleurer toutes les larmes de son corps avant la fin ! Et pourtant, Ruta Sepetys réussit le tour de force de nous faire complètement adhérer à son récit en moins de 10 pages. Un récit vivant, pétillant pour un sujet pourtant extrêmement lourd et perturbant.

Tout commence par une tranquille soirée de juin, en 1941, Lena, jeune adolescente lituanienne, s’est changé pour la nuit et s’est installée devant son bureau afin d’écrire à sa cousine favorite. C’est le moment que choisit le NKVD (Narodnii Komissariat Vnoutrennikh Diel – ou Commissariat du Peuple aux Affaires Intérieures), la police politique russe, pour faire irruption dans leur appartement et arrêter Lena, son frère et leur mère. En effet, un an jour pour jour après le début de l’invasion de la Lituanie par les troupes soviétiques, la police russe lance, quasi simultanément dans tous les états baltes, une large rafle dont la famille de Léna fait les frais. Vingt petites minutes leur sont octroyées pour ramasser leurs affaires, et c’est en chemise de nuit, enveloppée dans son manteau et traînant une lourde valise que la jeune fille va atterrir dans un camion, puis dans un wagon à bestiaux, triste parallèle avec un autre épisode de l’histoire européenne. Commence alors une sombre descente dans un enfer que seul l’Homme peut inventer pour ses semblables. Un trajet de plus de 40 jours pour des humains entassés sans hygiène et presque sans nourriture jusqu’à un camp de travail en Altaï, une région montagneuse coincée entre la Russie et la Chine où ils rejoignent d’autres déportés venus d’Estonie et de Lettonie. Ils y passeront près de 260 jours avec seulement 300g de pain sec par jour comme tout salaire pour des heures de travail harassant par tous les temps et des nuits blanches régulières où les responsables du camp cherchent à tout prix à leur arracher des aveux. Le vol fera partie du quotidien s’ils souhaitent survivre et Léna aura un ami de poids en la personne d’Andrius dont elle se rapprochera malgré les épreuves. Alors qu’ils commencent seulement à se créer une nouvelle vie, avec son lot de souffrance et de maladies mais aussi un semblant de stabilité, une partie des déportés est de nouveau embarquée dans des wagons à bestiaux puis sur des barges, direction la Sibérie jusqu’au camp le plus septentrional de l’URSS, Trofimovsk. Il semblerait d’ailleurs que ce camp ait réellement existé.
Froid, famine, maladie seront leur lot quotidien. Mais tous tendent vers un même objectif : survivre au premier hiver. D’ailleurs Ruta Sepetys nous abandonnera dès que Léna apercevra le premier rayon de soleil à la fin de la longue nuit polaire.

Il s’agit d’ailleurs du seul point négatif finalement de ce livre : la fin. Abrupte, rapide et qui n’en est pas vraiment une puisque Léna n’est pas encore au bout de ses peines. Heureusement un petit épilogue nous donne quelques réponses tandis qu’une note de l’auteure nous informe que si les personnages du livre sont fictifs, grand nombre d’évènements et de situations rapportées dans cet ouvrage ont été effectivement vécus, puis relatés, par des survivants. Cela donne à cet ouvrage une dimension de témoignage historique qui rend le récit encore plus impressionnant.
Je ne sais pas si, comme le dis le quatrième de couverture, les héros de cette fiction ont pour armes leur foi en l’humain et un indéfectible optimisme, mais la lecture de « Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre » risque de mettre à mal la foi de n’importe qui en l’humanité (et ce, malgré quelques très beaux gestes individuels). Quant à la volonté de survivre et l’espoir d’un futur meilleur, elles semblent être des armes extrêmement efficaces.

« Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre » est un livre touchant, prenant. Un de ces livres qu’il est difficile de lâcher le soir et que l’on a hâte de reprendre à la moindre occasion. un récit haletant et magnifique que Ruta Sepetys sert avec une écriture absolument splendide, très dynamique et, ce qui est bizarre à dire au vue du thème, enjouée.
Une pure merveille, dans le fond, dans la forme mais aussi par sa couverture, magnifique.


Titre : Ce Qu’Ils N’Ont Pas Pu Nous Prendre (Between Shades of Gray, 2011)
Auteur : Ruta Sepetys
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Bee Formentelli
Couverture : Theresa M. Evangelista, Penguin photo © iStockphoto.com/Smitt
Éditeur : Gallimard Jeunesse et si besoin pour les poches notamment (édition originale : Gallimard Jeunesse, 2011)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 421
Format (en cm) : 10,9 x 17,8 x 1,7
Dépôt légal : mars 2015
ISBN : 9782070635689
Prix : 7,75 €



Emmanuelle Mounier
19 octobre 2015


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