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Septième Guerrier-Mage (Le)
Paul Beorn
Bragelonne, Fantasy, roman (France), 523 pages, mai 2015, 25€

Une guerre ravage le monde. À la tête de l’armée, un guerrier-mage, qui ne laisse derrière lui que cendres.
Un jeune soldat, qui a choisi de s’appeler Jal, comme l’un des sept dieux elfes, a déserté, emportant avec lui une statuette en or volée dans un temple et une curieuse compagne, Gloutonne, une gamine sang-mêlé capable de se métamorphoser en écureuil. Sa fuite l’a conduit dans une vallée encaissée encore épargnée par la guerre. On s’est lancé à sa poursuite. Ses deux camarades sont morts, mais lorsqu’il se réveille, les cadavres de leurs traqueurs recouvrent le sol.



Paul Beorn, en quelques romans, nous a habitués à chercher plus dans la fantasy classique. En reprenant dans « Le Septième Guerrier-Mage » moult éléments somme toute classiques, il nous prouve une fois encore que c’est l’artisan, plus que la matière, qui fait l’œuvre.

Ces ingrédients classiques, quels sont-ils ?
Un héros amnésique, hanté par des cauchemars qui nous révèlent, simultanément, qu’il est un personnage beaucoup plus puissant qu’il n’y paraît. Et que son amnésie, accidentelle ou volontaire, a étouffé, dissimulé ses capacités, qui vont lentement ressurgir, avec ses souvenirs.
Une jeunesse difficile durant laquelle, après avoir été arraché à sa famille, on le forme à la guerre et à la mort.
Une magie « de groupe » où on puise dans les forces et les talents de ses compagnons pour accroître ses capacités. Et donc un groupe qui se forme, une unité toujours vacillante, des conflits internes...
Une vallée-village menacé par une grande armée, un siège qu’il sera impossible de tenir, une victoire qu’il serait impossible de remporter. Et pourtant...

Mais la recette de Paul Beorn n’est pas très orthodoxe. Jal est davantage un anti-héros qu’autre chose. Déterminé à fuir, il n’a initialement que des éclairs de bravoure, très ponctuels et provoqués par l’injustice ou le danger menaçant ses proches. Loin de l’esprit de sacrifice, il pense d’abord à sa pomme et celle de sa protégée. En même temps, l’attitude des villageois n’est pas pour l’encourager. Il faudra du temps aux deux camps (Jal/tous les autres) pour simplement dépasser la simple frontière du racisme.

Soigné, rejeté, agressé, manipulé par les habitants de la Thorkel, Jal n’a qu’un rêve : filer en douce. Mais derrière ses airs de solitaire, il est un jeune homme de parole et de (quelques) principes : ses promesses, il les tient, et ceux qui lui font des crasses, il s’en venge.
Le roman se déroule sur une courte période (une grosse semaine, ce qui est un peu déroutant), durant laquelle Jal va néanmoins se lier à quelques personnes, pour le meilleur et le pire. Lorsqu’il lui faudra former son cercle, ce sont ces personnes qui se battront à ses côtés. Pas les plus fortes, apparemment incapables de rivaliser avec les cercles des guerriers-mages de l’armée qui marche sur eux. Apparemment.

Car Jal ne laisse personne indifférent. Surtout pas les femmes. Elles sont quelques-unes dans le roman. Nola, son amie d’enfance, ambigüe jusqu’au bout ; dame Rikken, noble déchue et protectrice de la vallée ; Alrune, une jeune femme prête à donner de sa personne pour ne pas travailler les pieds dans la gadoue...

« Jal, sa conception du bonheur, ce serait vivre dans une grande maison avec plein de femmes. »
Paul Beorn, Imaginales 2015


Hélas, trois fois hélas, si Jal ne dirait pas non, les événements ne lui laissent guère d’occasions de s’a(ban)donner à la chair, comme si le destin s’en mêlait et refusait ces petits plaisirs simples à notre anti-héros, le gardant pur. Il y a un peu de cela, comme on le découvrira dans une fin très mystique, où le puzzle de croyances savamment éparpillé prend tout son sens.

La religion est toujours importante dans la fantasy. Dans son roman Paul Beorn construit et détruit son panthéon en 500 pages, rappelant que toutes les croyances ont un fond de vérité, vérité que le temps et les hommes déforment pour créer la légende et bâtir la foi. Ici il est question d’Elfes, entités supérieures venues guider les hommes, s’étant sacrifiées pour eux. Ou pas. Les corrélations entre les personnages et les dieux se devinent. Jal lui-même, en prenant le nom de celui-qui-ose, se présente à nous comme une incarnation des valeurs de ce dieu.

Je pourrais continuer à décortiquer ce livre, tant il y a à dire. Mais ce serait moins joliment tourné, moins distrayant, et donc moins agréable à lire pour vous. Il y a des auteurs qui font de très bons bouquins menés tambour battant pour cacher la relative pauvreté du fond (comme certaines films américains, tiens). Ou des auteurs qui créent de tels mondes qu’ils se croient obligés d’écrire dix volumes pour montrer toutes les bonnes idées qui ont germé dans leur imaginaire fécond.
Avec Paul Beorn, c’est presque tout le contraire : beaucoup de fond,
En fait, je n’ai que deux réserves à apporter : sur le fond, cette compression temporelle sur une semaine, qui ne laisse pas à Jal le temps de souffler (quant à nous...), et sur la forme, le découpage en 72 courts chapitres qui donne un côté « page-turner » totalement superflu tant l’intrigue et l’écriture nous happent.

Bref, lisez « Le Septième Guerrier-Mage », vous ne serez pas déçu. Lisez même tout Paul Beorn, tiens.


Titre : Le Septième Guerrier-Mage
Auteur : Paul Beorn
Couverture : Marc Simonetti
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 523
Format (en cm) : 24 x 15 x 4
Dépôt légal : mai 2015
ISBN : 9782352948377
Prix : 25 €


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Nicolas Soffray
7 novembre 2015


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