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Péché mortel
Béhé et Toff
Vents d’Ouest

Peu avant l’an 2000, le virus du VRH est devenu le fléau de notre société. Les contrôles de dépistage sont réguliers et obligatoires. Tous les infectés doivent se signaler au service sanitaire. Une milice a même été créée pour veiller au respect des règles et éviter que ce fléau ne se propage encore plus. Dans un climat d’insécurité permanente où les vertus de la morale redeviennent des valeurs refuges, les gens vivent dans la peur.
À la faculté de biologie de Strasbourg, le professeur Morin entrevoit la possibilité de trouver un vaccin au Péché Mortel, comme l’a surnommé un parti politique évoquant le châtiment divin. Il a plein crédit bien sûr, au grand dam d’un collègue qui ne l’apprécie pas. Morin est loin de respecter le code de bonne conduite imposé et quand son amante est enlevée par la milice, un sentiment d’urgence le pousse à accélérer ses recherches...



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Cette histoire débute à Strasbourg, le siège du Parlement Européen. Ceux qui connaissent un tant soit peu la ville se retrouvent en territoire connu avec la cathédrale, les berges de l’Ill, le campus universitaire... qui sont bien rendus et donnent un plus grand relief à cette anticipation à donner froid dans le dos.

Le premier tome “Le virus du pouvoir” nous replonge dans une société où règne la terreur, où dévier de la stricte morale va à l’encontre de la loi. Tous les moyens sont bons, aussi inhumains soient-ils, pour éviter que le virus ne se propage davantage. Les malades sont tous amenés dans le Centre d’Hébergement et de Soins de la ville, un lieu où tout espoir est banni. Cette entrée en matière est effrayante à plus d’un titre : elle nous renvoie à un passé que l’on pensait derrière nous, mais qui semble-t-il est toujours prêt à ressurgir, elle montre aussi comment certains surfent sur la détresse humaine pour s’élever et que l’espèce humaine ne change finalement jamais.
Animé par la foi en sa théorie, Morin brûle les étapes, aidé en cela par son assistant, le jeune Guy Ruiller qui est infecté mais ne l’a pas signalé.
Un anti-virus ? Quel intérêt pour ceux qui surfent sur la peur du VRH ? Jalousie, soif du pouvoir, bêtise, les raisons ne manquent pas pour couper les ailes de Morin.
Pourtant, il demeure un espoir en la personne de Guy qui a reçu la première injection...

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Alors que l’on croit que les trois tomes suivants (“Un scalpel dans la mémoire”, “Résistances” et “Autopsie d’un mensonge”) vont suivre chronologiquement et nous apprendre comment Guy, en tant que patient zéro, va vaincre le VRH, il n’en est rien. Les deux scénaristes Toff et Béhé, le second se chargeant aussi du dessin et en partie de la colorisation, surprennent avec une construction fort différente, mais très bien vue, car posant une autre problématique.
Ils nous projettent une trentaine d’années plus tard. Le fléau a été vaincu, mais il reste toujours des séquelles de l’ancien temps, car la lutte a été longue pour que son éradication soit une réalité et les néo-fascistes ont gouverné d’une main de fer. Le président de l’Organisation Mondiale de la Démocratie est usé par les critiques et n’aspire qu’à se retirer, mais pour laisser la place à qui ? Soit-disant qu’un des 7, le groupe qui a œuvré dans l’ombre pour diffuser le vaccin et devenu célèbre dans le monde entier, serait un traître. Seul Guy connaîtrait son identité, mais suite à une tentative de suicide, la mémoire lui fait défaut.
En la personne d’une jeune femme agrégée en histoire contemporaine, ils trouvent la personne idéale pour le ramener dans son passé, le pousser à se souvenir. Ils sont peu à savoir qu’il avait une petite amie, Katy morte du VRH, et ils vont se servir de la ressemblance entre les deux femmes pour le culpabiliser d’avoir abandonné Katy et le faire parler.

C’est ainsi que les lecteurs vont apprendre le déroulement des événements passés. Dans le même temps, le présent est aussi révélateur et la population cherche toujours des coupables. Suite à une période obscure, un gouvernement à l’échelle de la planète a été bâti, mais il est toujours fragile et repose sur ce que Guy pourra révéler pour l’assainir.
Le procédé s’avère des plus habiles, il rend l’ensemble passionnant, les révélations sont légion et la fin ne déçoit pas avec une ultime surprise.

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Joseph Béhé excelle aussi bien dans le scénario que dans le dessin, il met d’ailleurs admirablement en scène la ville de Strasbourg, une cité présente dans les quatre tomes et théâtre de bien des horreurs. Dans l’avant-propos à l’intégrale, le Dr Georges Yoram Federmann présente quelques caractéristiques de Strasbourg, dont la proximité du camp de concentration du Struthof. L’allusion n’est pas gratuite, comme on le découvre dans les pages de “Péché Mortel”.
Cette intégrale nous happe d’entrée, elle débute par une rafle, ce qui nous immerge directement dans le drame. Histoire d’amour, lutte de pouvoir, alerte sur le rejet de l’autre, cette bande dessinée ne manque pas d’atouts pour plaire. Bien sûr, le virus n’est pas sans rappeler celui du Sida. VIH, VRH, même les noms sont voisins, ce qui rendait le sujet d’autant plus d’actualité lors de la sortie des quatre albums de 1989 à 1999.
Aujourd’hui, il s’agit plus d’une uchronie, d’un regard sur les craintes d’un virus tout puissant qui mettait à mal une certaine liberté. Mais ce n’est pas si loin et le virus n’est de loin pas vaincu...

D’une grande force visuelle et scénaristique, “Péché Mortel” séduit par les questions soulevées. Les dérives extrêmes conséquentes au fléau instaurent un climat de malaise, propice à une remise en question. Une fois commencée, l’intégrale se consomme jusqu’à la dernière page pour connaître le fin mot et avoir le droit de souffler. C’est passionnant et bien mené, car évitant la routine dans le traitement.

15 euros pour 224 pages rendent cette intégrale très accessible et, même si le format est plus petit, il serait vraiment dommage de ne pas s’y intéresser.


Péché mortel
- Scénario : Toff et Joseph Béhé
- Dessin : Joseph Béhé
- Couleurs : Joseph Béhé et Camille Meyer
- Couverture : Joseph Béhé et Gilles Scheid
- Éditeur : Vents d’Ouest
- Collection : Les Intégrales
- Dépôt légal : mars 2010
- Pagination : 224 pages couleurs
- Format : 24,3 x 18,4 cm
- ISBN : 978-2-7493-0533-2
- Prix public : 15 €


© Vents d’Ouest & Béhé - Tous droits réservés



François Schnebelen
29 juillet 2015




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La couverture du tome 4 “Autopsie d’un mensonge”, avec Guy portant Katy



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