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Bifrost n°78
Rédacteur en Chef : Olivier Girard
Revue, n°78, science-fiction, nouvelles - articles - entretiens - critiques, avril 2015, 192 pages, 11€

Ce trimestre, « Bifrost » nous plonge dans l’univers d’Ursula K. Le Guin à travers un imposant dossier. Entre les articles, les chroniques, l’entretien et les deux nouvelles au sommaire, ce sont plus de 80 pages qui sont dédiées à cette grande dame de l’imaginaire.
Alors que Bruno Para avoue que près de la moitié des cent-cinquante nouvelles qu’elle a écrites sont encore inédites, bizarrement c’est une nouvelle fois “Ceux qui partent d’Omelas” qui est proposée. Même s’il s’agit d’une de ses œuvres majeures en forme courte, il y a de grandes chances que les lecteurs de « Bifrost » la connaissent déjà et ne l’apprécient pas comme la première fois.



Ceux qui partent d’Omelas” nous amène dans une ville idyllique où tout le monde nage dans le bonheur. Vraiment ? En fouillant bien, cette félicité possède un prix, mais que représente une vie par rapport à toute une population ? La narration choisie permet à l’auteure de nous prendre à témoin. Il n’y a pas vraiment de morale, juste un constat. Et c’est là le plus terrible, à nous de juger de la situation. C’est court, la forme est travaillée et ce texte s’ancre dans nos esprits. Forcément, quand on le retrouve, la surprise n’est plus là.

Par contre, “Le mot de déliement” est un inédit, et d’autant plus important que c’est le premier récit à s’inscrire dans le cadre de « Terremer », un de ses deux grands cycles. Emprisonné au fond d’un puits, Festin tente par tous les moyens de s’échapper, mais en l’absence de son bâton le magicien est diminué et ses geôliers le reprennent à chaque tentative. Il ne lui reste qu’un sort, le fameux mot que l’on ne prononce qu’une fois.
Ce récit de fantasy date de 1964 et ressemble au jeu du chat et de la souris. Festin a beau puiser dans son imagination, il existe à chaque fois une parade. Reste l’inimaginable qui permet à Ursula K. Le Guin de révéler le pouvoir des mots. Cinquante ans au compteur, mais se lit toujours aussi bien, sans paraître en quoi que ce soit dépassé.

Le dossier débute par une présentation de Le Guin réalisée par Francis Valéry. Une belle entame qui nous permet d’avoir une vue d’ensemble de sa vie, avant d’y entrer plus en détail à travers la traduction d’un entretien paru dans « The Paris Review » en 2013. Son père était un anthropologue reconnu et son œuvre s’en ressent comme nous le confirme l’article “L’anthropologie et l’archéologie du futur”. Le Guin est surtout connue pour les cycles de « Terremer » et de « L’Ekumen », même si ce dernier n’existe pas vraiment, car il ne vient pas de la volonté de l’auteure. Chaque cycle est bien sûr traité séparément, et comme sa production est loin de se limiter à ces deux pans, des articles traitent aussi de la forme courte, des livres pour un public plus jeune, et des ouvrages indépendants sont aussi chroniqués.
Avec son discours d’acceptation de la médaille de la National Book Foundation, on peut estimer avoir fait le tour, même si l’on peut regretter l’absence de bibliographie détaillée. Pour une raison de place, cela se comprend aisément ; par contre, sauf erreur de ma part, elle n’est pas disponible non plus en ligne.

Laurent Genefort nous gratifie d’une longue nouvelle dans l’univers d’Omale. Le professeur Borigonkar est un scientifique complètement voué à la recherche. Dans le laboratoire monté pour la circonstance, les Hodgqins sont étudiés. Au nom de la science, les cobayes ne font pas long feu, surtout à partir du moment où l’armée prend la direction du laboratoire. Il faut dire que les hommes sont en guerre contre les Hodgqins et que tous les moyens sont bons pour les vaincre.
Le professeur se croit investi d’une mission autorisant tous les moyens. Impossible de le trouver sympathique, car son détachement de la réalité et sa façon de nier l’évidence sont profondément inhumains. Même quand il revient sur le passé, il le fait sans une once de remords. Son cas nous rappelle des individus de triste mémoire, officiant dans les camps de la mort nazis. “Ethfrag” se révèle dur, apporte un regard critique et peu flatteur sur la nature humaine et finalement le lecteur se désolidarise de sa propre reh, ce qui n’est que justice.
Un nouvel aperçu de la richesse d’« Omale » et du talent de Laurent Genefort à faire vivre sa création.

« Que la Force soit avec toi ! » n’est pas la formule la plus appropriée. Roland Lehoucq et Jean-Sébastien Steyer nous prouvent qu’il s’agit plutôt d’énergie que d’une mystérieuse force. Excellent comme d’habitude !
La rubrique critiques est toujours aussi fournie et on peut apprécier à chaque fois que les poches, en règle général les rééditions, ne soient pas omis, même s’ils sont évoqués de façon succincte.

Ce « Bifrost » porte la signature Le Guin. Peut-être plus que ses deux nouvelles, on retiendra l’imposant dossier qui lui est consacré et qui illustre bien toute la dimension de l’écrivaine. Elle nous a livré bon nombre de romans magnifiques, des livres qui marquent les lecteurs et leur montrent que la science-fiction n’est pas seulement l’apanage des sciences dures.
Ursula K. Le Guin est une auteur incontestablement à ne pas manquer, donc ce « Bifrost » est vivement conseillé.


Titre : Bifrost
Numéro : 78
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : Anders Lazaret
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 78, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : avril 2015
ISBN : 978-2-913039-75-9
Dimensions (en cm) : 14,9 x 21
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article :
[email protected]


François Schnebelen
22 mai 2015


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