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Bâtard de Kosigan (Le), tome 2 : Le Fou Prend le Roi
Fabien Cerutti
Mnémos, roman (France), fantasy historique, 420 pages, mars 2015, 21€

Après les événements de Champagne, la compagnie de Pierre de Kosigan a trouvé un nouvel engagement auprès de Guillaume le Maréchal, sénéchal d’Angleterre. Il s’agit donc de déstabiliser la couronne de France. Mais la tentative d’enlèvement d’Adélys de Quiéret, la fille de l’homme de confiance de Philippe VI, tourne de manière si imprévue que le Bâtard en vient à envisager une trahison de son employeur. Amené devant le roi, il joue son va-tout pour s’épargner une fin anticipée et dévoile l’embuscade anglaise. Ce qui lui vaut, finalement, la confiance du Français, qui va le changer d’une mission : enquêter sur la mort trouble du Dauphin, survenue récemment dans la forteresse de Lens.



Relire la chronique du tome précédent « L’Ombre du Pouvoir »

Malgré les obstacles que dressent devant lui les fidèles du seigneur des lieux, principal accusé, et les hommes du connétable de Quiéret, Kosigan flaire le lièvre : lors de la dernière bataille navale contre les Anglais, la manœuvre du connétable a conduit à une cuisante défaite. Le seigneur de Lens serait un parfait bouc émissaire. Mais pourquoi tuer le Dauphin ?
Plus le Bâtard s’intéresse à Quiéret, plus les questions s’amoncellent. Pire, des relents de vieilles magies parsèment la route du connétable…
Mais à se frotter de trop près au feu, on se brûle, et Kosigan ignore que cette fois, ceux qui tirent les ficelles sont, sinon plus habiles, bien plus puissants que lui, et qu’il ne fait pas bon fourrer son nez dans les affaires des royaumes…

Cinq siècles et demi plus tard, tandis que le descendant du Bâtard est toujours dans le coma, son ami Charles Deighton poursuit leur enquête sur cette histoire de France parallèle que leur révèlent les écrits du Chevalier. Et se voit contraint de se frotter à d’anciennes relations à eux deux, et pas des plus tendres…

« L’ombre du pouvoir » était déjà un coup de maître, nous plongeant dans une Histoire teintée de fantasy, au cœur d’un complot soigneusement ourdi par le Chevalier. Un volume récompensé par le prix Imaginales des Lycéens 2015. « Le fou prend le roi » change complètement la donne du fond, tout en préservant les qualités de la forme : Pierre de Kosigan n’a pas toutes les cartes en main, loin s’en faut, et chaque nouveau coup semble annoncer une défaite plus cuisante encore, dans une partie dont on ne peut pas se retirer. Comme sur un échiquier, la seule échappatoire est de s’annoncer mat.

Fabien Cerutti a tissé un nouveau complot d’une grande complexité, et sait s’appuyer sur l’humanité et les failles naturelles de ses personnages, dans le contexte du Moyen Age, pour le faire parfaitement fonctionner. Malgré toute l’affection du roi, Quiéret n’a pas de titre ni de terre à la hauteur de sa valeur, et rien à transmettre à une descendance masculine qui lui fait défaut. Même si sa fille a du caractère – le Bâtard le constatera, et nous également, grâce à toute l’ambiguïté de l’expression de la jeune femme figurée en couverture par Émile Denis – cela n’a pas la valeur d’un mâle qui transmettra nom, titres et patrimoine. Alors quand on fait miroiter un miracle à un homme désespéré, on peut lui faire accomplir de grandes choses... Mais j’en ai déjà trop dit ! Si l’enquête du Chevalier est un peu nébuleuse à ses débuts, car il faut le temps de trouver le bout du fil à cet écheveau, les pièces se mettent en place suffisamment vite pour faire frissonner quant aux moyens mis en branle pour l’accomplissement du plan, à savoir la décapitation de la lignée française avant l’invasion anglaise. Pas si inconcevable que cela lorsque, comme le Bâtard, on a découvert l’identité des comploteurs.
Si « L’Ombre du pouvoir » prenait place lors d’un tournoi, « Le fou prend le roi » a des airs de thriller. J’hésite presque à y ajouter le terme de médiéval, car les luttes de pouvoir n’ont pas d’âge. Des « Rois Maudits » à « House of Cards », les armes sont les mêmes : fidélité, tentation, moyens de pression, corruption, trahison. L’univers varie, la rapidité des échanges aussi, mais avoir un fils caché ou nourrir une rancune tenace demeurent des situations capables de faire basculer, d’un côté ou l’autre, l’avenir d’un homme et tout, absolument tout ce qui dépend de lui. Plus puissant est l’homme, plus violente sera la secousse…

En plus de l’alternance entre le Lens de 1340 et la France de 1899 (notre France, pourrait-on écrire), au style épistolaire marqué visuellement par des variations typographiques (selon le support de la correspondance), une troisième ligne narrative nous permet de suivre une partie de la compagnie de Kosigan, menée par la métamorphe Dùn, à Bruges. Un peu confuse au début (il convient de prendre quelques notes sur qui est où, entre Lens et Bruges, d’autant que les grands du Royaume ont parfois des surnoms proches. Ce n’est parce qu’ils ont tous de mauvaises intentions qu’il faut les confondre...), elle rappelle néanmoins que les ennemis ne se battent pas que sur un seul front. Une bonne idée qui hausse encore une fois le ligne au-dessus des fictions où chaque joueur met toute sa mise sur un seul coup.

J’ai attendu ce second volume, qui peut se lire indépendamment de « L’Ombre du pouvoir » (mais ce serait se priver d’un grand plaisir), depuis l’an dernier. Mais à lire la fin de celui-là, j’ose espérer que Fabien Cerutti est déjà au travail, car il laisse dans les dernières pages une situation en proie au chaos absolu, dont je suis curieux de voir ses personnages et son Histoire se dépêtrer. La rupture avec notre ligne temporelle semble définitivement consommée, et le raccord avec les découvertes de 1899 n’en sera, je l’espère, que plus surprenant.


Titre : Le Bâtard de Kosigan : Le Fou prend le roi
Auteur : Fabien Cerutti
Couverture : Émile Denis
Éditeur : Mnémos
Collection : Icares
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 420
Format (en cm) : 15 x 21 x 4
Dépôt légal : mars 2015
ISBN : 9782354083038
Prix : 21 €


Premier cycle du Bâtard de Kosigan :
L’Ombre du Pouvoir
Le Fou prend le Roi
Le Marteau des Sorcières
Le Testament d’Involution


Nicolas Soffray
15 mai 2015


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