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Je m’appelle Livre et je vais vous raconter mon histoire
John Agard
Nathan, roman / essai, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), histoire du livre, 135 pages, janvier 2015, 13,90€

Comme le dit le titre : ce texte est le discours d’un livre nous racontant son histoire. C’est que son histoire est longue ! Si au début il n’y avait que la Voix, bientôt les hommes ont développé des supports, des signes et des techniques pour conserver leurs histoires, depuis la tablette d’argile jusqu’aux liseuses numériques actuelles.



A notre époque de lecture numérique, le poète anglais John Agard nous livre ici une histoire des mille et une vies du livre, rappelant aux plus jeunes (et aux autres) que l’écrit n’en est pas à sa première révolution.

Le parti pris d’une narration à la première personne est très agréable, on a presque l’impression d’entendre son grand-père vous raconter sa vie, pleine d’aventures, et de découvrir, émerveillé, que ce vieux monsieur tout tranquille a été un sacré baroudeur.

Plein de connaissances sans être donneur de leçon, on y apprend comment fabriquer une feuille de papyrus ou un parchemin, les conséquences formidables des innovations de Gutenberg, et ce qu’il en est à l’autre bout du monde, loin de l’Europe méditerranéenne (parce qu’on a pas tout inventé dans notre coin).
Monologue envoutant, le texte est agrémenté de belles illustrations épurées et de citations littéraires érudites et contemporaines (jusqu’à Bill Gates, l’ancien directeur de Microsoft, qui encense la lecture sur papier), et nous invite au voyage, dans le meilleur comme le pire : s’il a subi des changements, le livre est souvent menacé, par le feu et l’eau, et la main de l’Homme. Si les Nazis ont été de grands praticiens de l’autodafé, ils n’ont pas été les premiers, loin de là.

Mais...
Car il y a un petit mais, surtout quand c’est un ancien étudiant d’Histoire du Livre comme moi qui tombe sur un récit comme celui-là.

Mais, donc, un tel ouvrage, destiné à la jeunesse, bref et très aéré, est forcément lacunaire. Voire très lacunaire. On retrouvera les anecdotes historiques principales, la rivalité entre Alexandrie et Pergame, les images d’Épinal des moines copistes penchés sur leur écritoire... mais certains blancs et raccourcis m’ont posé problème (notamment la suggestion que les livres de poche datent du XXe siècle). Il ne va pas assez dans le détail, effleurant beaucoup de choses là où notre curiosité est invariable titillée et demande plus, plus...
De plus, la forme narrative, si elle nous évite parfois la leçon historique période par période par certains détours thématiques, peut nous perdre un peu par d’incessants allers-retours temporels.
Bref, il eut été deux fois plus dense, et bourré de renvois et de références pour en savoir plus, qu’on ne s’en serait pas plaint.

Mais « Je m’appelle Livre et je vais vous raconter mon histoire » est, je le redis, une porte d’entrée vers l’histoire du Livre, et à ce titre, il faut le prendre comme tel : une sorte de trésor, jeté pêle-mêle dans nos mains. C’est un cri d’amour du livre et de la lecture, adressé à tous, jeunes lecteurs, ados visés à leur smartphone, adultes collés à leurs écrans, prophètes de la disparition du livre... Le livre, par la magie de son contenu, qu’il diffuse à ses lecteurs, est vieux de plusieurs millénaires, il a changé de forme plusieurs fois ; peut-il mourir et disparaître ? John Agard dénie à quiconque, ces preuves à l’appui, de l’affirmer.

Même s’il ne rejette pas son dernier avatar, l’eBook, le livre papier a encore de beaux jours devant lui. Les éditions Nathan ont donné à celui-ci un magnifique écrin, à la hauteur des illustrations de Neil Packer, avec une reliure cartonnée et une jaquette.
Un beau cadeau à offrir (ou à s’offrir), une lecture qui mériterait d’être à haute voix pour mieux toucher les enfants et leur révéler l’histoire fantastique qui se cache derrière ces feuilles de papier imprimées.


Titre : Je m’appelle Livre et je vais vous raconter mon histoire
Auteur : John Agard
Illustrateur : Neil Packer
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Rose-Marie Vassallo
Couverture : Neil Packer
Éditeur : Nathan
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 135
Format (en cm) : 20,5 x 14 x 2,3
Dépôt légal : janvier 2015
ISBN : 9782092556757
Prix : 13,90 €



Nicolas Soffray
26 février 2015


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