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Galaxies n°32 (Nouvelle Série)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Revue, n°32, SF - nouvelles - articles – critiques, novembre 2014, 192 pages, 11€

Pour la seconde fois, « Galaxies » ouvre ses pages à « Mercury » qui a succédé à « Lunatique ». Jean-Pierre Fontana, en charge de ce numéro, a choisi de consacrer un dossier à Jean Louis Bouquet, un auteur né en 1898 et mort en 1978.
Son parcours s’avère assez saisissant : il a débuté dans le cinéma, puis s’est tourné vers la littérature fantastique, avant un grand vide jusqu’à sa disparition. L’article qui lui est dédié est vraiment bien fait et ne laisse pas insensible le lecteur.



Deux nouvelles permettent réellement de découvrir Jean Louis Bouquet.
Laurine ou la clef d’argent” fait fleur bleue. Une jeune fille du pensionnat s’amourache d’un nouveau voisin mystérieux qui ne semble vivre que la nuit. Personne ne l’a jamais vu, mis à part elle à qui il a confié la clef ouvrant l’accès de sa partie du bâtiment.
C’est un texte mineur qui se lit sans plus, contrairement à “Alouqa, ou la comédie des morts” qui s’avère dérangeant.
Un riche homme demande à une troupe de comédiens d’incarner des rôles dans l’hôtel particulier qu’il vient d’acheter. Sa demande n’est pas innocente, elle le replonge dans un passé qu’il a connu, comme s’il voulait exorciser ses démons intérieurs. La nouvelle fait tout de même 25 pages et son déroulement est lent, il n’y a pas grande action jusqu’au final. On pourrait craindre le pire, c’est-à-dire un long ennui. Il n’en est heureusement rien, le lecteur se transforme lui-aussi en voyeur. L’élément fantastique est discret, mais l’atmosphère générale dégage un sentiment dérangeant. On ne peut se départir de l’envie d’en savoir plus, de connaître le fin mot de cette histoire à l’apparence trouble.
Si cette nouvelle est vraiment plaisante, est-ce que l’on éprouvera la curiosité de découvrir plus avant Jean Louis Bouquet, cet « inconnu illustre » comme le qualifie si bien Jean-Pierre Fontana ? Rien n’est moins sûr, car sa production fait datée. Ce dossier permet tout de même de le sortir d’un certain oubli.

« Galaxies 31 » nous présentait la nouvelle d’Amandine Millot qui a remporté avec “Virtuose” de Bruno Pochesci le Prix Alain le Bussy 2014.
Fidèle à son habitude, Bruno Pochesci nous en met plein la vue, avec une histoire improbable au possible. D’un coup, les politiques prennent conscience du réchauffement climatique, ce qui les force à des mesures drastiques, dont vous n’avez même pas idée. La déchéance de la société mondiale nous est décrite à travers deux virtuoses de la cybernétique qui se sont mis en couple et qui vont connaître bien des déboires.
Cette histoire d’amour est folle, les conséquences de leur génie ne le sont pas moins. Le seul reproche que je pourrais adresser à l’auteur, c’est de forcer outre-mesure le trait. Sinon le style n’a rien perdu de sa superbe, au service d’une imagination semble-t-il sans limite. Chaque nouvelle apparition de Bruno Pochesci nous montre tout son potentiel. À suivre !

Le synchromachintruc” de Luce Basseterre lorgne du côté des machines impossibles connues des seuls initiés. L’horloge de la grosse Madeleine à Toulon appartient justement à cette catégorie comme va l’apprendre Eugénie Vidocq, qui va devenir bien malgré elle l’apprentie du père Luc. À défaut d’être original, le résultat est sympathique.

Ronald Sukenick nous livre une nouvelle pas facile d’accès. Je ne me hasarderais pas à résumer “DisPerSion”, plus d’une lecture me semble nécessaire pour en saisir toutes les subtilités, le faire à haute voix peut aider. Ici, le travail sur la forme se fait au détriment de la compréhension immédiate du récit. Il n’est pas dit que le lecteur s’acquittera de l’effort demandé et surtout que ça le mérite.

La reine jetée au chien (Jézabel)” de Daniel Walther demande aussi un effort de lecture, mais le bénéfice en est plus rapide. Jaime Amado Sanz appartient aux mercenaires de Sheraton-City, chargés de redresser les déviations temporelles. Passé, présent et futur semblent imbriqués, le rôle de Jaime est ambigu, sujet à caution, mais Jézabel est promise aux chiens.
Une sorte de puzzle à l’issue inéluctable, non dénuée de style.

Meddy Ligner nous invite à la chasse aux femmes-louves aux confins de l’empire romain. Là aussi, fantastique discret. “Voyage sur les bords du monde” nous transporte à travers l’histoire, du temps des césars. C’est son principal atout car, si cette nouvelle nous permet de passer un bon moment de lecture, rapidement il n’en restera que le cadre.

Jean-Jacques Olivier nous invite aussi au voyage. Sa destination est des plus exotiques : Tahiti, où le personnage nous relate sa rencontre avec le Hollandais Volant. Oui, celui de la légende ! Une espèce de nonchalance nous gagne à la lecture de ce récit sans rythme, ponctué de rencontre entre les deux hommes. Ce qui pourrait ressembler à une critique représente en réalité la force de “Le Hollandais volant”. Pas de heurt, de conflit, on nage dans une espèce de quiétude, conforme à l’ambiance de l’île. On en sort apaisé, avec le sentiment d’avoir quitté notre quotidien. Chapeau, Jean-Jacques Olivier !

Comme pour « Lunatique », les chroniques de livres sont remplacées par des recensions cinématographiques. Dans la section articles, on remarquera le passage par Chiméria, un salon sur l’art visionnaire, se déroulant chaque fin d’année à Sedan, ainsi qu’un focus sur la série BD « L’agence Euréka », parue dans « Pif Gadget » entre 1975 et 1977.

À mon sens, ce n’est pas le dossier de ce numéro de « Galaxies » – « Mercury » qui marquera le plus les lecteurs, mais les nouvelles de Bruno Pochesci et Jean-Jacques Olivier, pourtant aux antipodes.


Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 32 (74 dans l’ancienne numérotation)
Directeur de publication : Pierre Gévart
Rédacteur en chef délégué : Jean-Pierre Fontana
Couverture : Andrew Ferez
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens...
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : novembre 2014
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€



Pour écrire à l’auteur de cet article : [email protected]


François Schnebelen
30 janvier 2015


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