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Vitesse de l’Obscurité (La)
Elizabeth Moon
Presses de La Cité, 504 pages, novembre 2005, 22€


Prix Nebula (catégorie Best Novel) surprenant mais totalement mérité pour « La Vitesse de l’Obscurité » d’Elizabeth Moon.
Lou est un jeune homme autiste dans une société future où l’autisme est une maladie éradiquée. Avec quelques-uns de ses congénères, ils sont les dernières victimes de ce terrible fléau. Certes, ils ont pu bénéficier de quelques traitements améliorant considérablement leur état mental mais ils n’en restent pas moins des “handicapés” pour leurs contemporains.
Pourtant Lou a son jardin secret. Bien loin de l’idée que l’on peut se faire de son état. Il travaille dans une société high-tech sur des programmes informatiques de haut niveau, il pratique l’escrime avec un certain succès et fréquente socialement d’autres autistes et même des humains “normaux”. Lou est aussi amoureux...
Bien sûr, sa vie n’est pas toujours simple. Surtout le jour où son nouveau boss décide de forcer le personnel autiste de sa compagnie à être des cobayes volontaires pour un nouveau traitement expérimental. Ou quand il se heurte à la jalousie d’un de ses partenaires escrimeurs aussi. Et puis, Lou se pose de bien grandes questions. Qu’elle est la vitesse de l’obscurité, par exemple ?

Elizabeth Moon, romancière touchée dans sa chair par cette maladie -son fils Michael est autiste-, livre avec « La Vitesse de l’Obscurité » un très beau roman intimiste. Un roman tout en finesse, en états d’âmes, sentimental et prenant. Parfaitement écrit, également.
Elle nous amène peu à peu à “être” Lou, son personnage principal. Du moins, à vivre sa vie et à tenter de comprendre ses dilemmes.
On pourra bien sûr pinailler sur le réalisme de sa création. On le sait, l’autisme reste aujourd’hui encore sans traitement réel. On suppose donc qu’elle situe son roman dans un futur que l’on espère proche, où génies génétique et cybernétique réunis, permettront de mieux traiter cette maladie. Mais le plus intéressant n’est pas là.
C’est véritablement son travail stylistique, la qualité d’écriture et le développement du monologue intérieur de Lou qui nous touchent au plus profond de notre être. On retrouve alors des sensations qui ne sont pas loin de nous rappeler « Des Fleurs pour Algernon » de Daniel Keyes, adapté avec une grande sensibilité sous le titre de « Charly » au cinéma par Ralph Nelson en 1968, un chef-d’œuvre absolu de la littérature SF anticipative.

Ainsi, bien loin de toute sensiblerie mal placée, Elisabeth Moon développe une réflexion, un questionnement qui dépassent de loin la problématique de l’autisme pour nous interroger dignement sur notre perception des “autres”. Et si ceux que l’on croit malades ou handicapés n’étaient tout simplement que différents ? Et si notre volonté, certes charitable, de vouloir les guérir à tout prix n’était que l’épiphénomène d’une condescendance mal placée ? Après tout, Lou vit et travaille comme tout un chacun. Il se sait différent mais cela ne le perturbe pas plus que cela. Lou trouve même que “les gens normaux” sont un peu bizarres et nettement moins doués que lui pour un grand nombre de choses.
Alors que penser ?

S’attachant justement à décrire les tics physiques ou comportementaux des personnages perçus par la vision si particulière développée par Lou, « La Vitesse de l’Obscurité » explore la gamme des sentiments humains, s’aventure sur des chemins difficiles et interroge le lecteur en permanence. La narration ventile aussi l’étrange en reposant sans cesse le problème du traitement expérimental. Lou acceptera-t-il de s’y soumettre ou pas ? Deviendra-t-il normal ou pas ? Et surtout, restera-t-il lui-même en guérissant ?

Le Prix Nebula obtenu par ce roman est donc en tout point logique et mérité tant l’intelligence du récit et la gamme des émotions qu’il fait passer convainc à chaque page. Le plus étonnant étant que c’est à travers la vision d’un “autre” qu’Elisabeth Moon nous amène à mieux nous regarder.
Un « Connais-toi toi-même » de la plus parfaite intensité, en somme.

Stéphane Pons

Titre : La Vitesse de l’Obscurité
Auteur : Elizabeth Moon
Récompense : Prix Nebula 2003 (Best Novel)
Traduction : Anglais (Américain) par Laure du Breuil
Couverture : Atelier Dominique Toutain
Éditeur : Presses de La Cité
Pages : 504
Format (en cm) : 14 x 3 x 23
Site Internet éditeur : Presses de La Cité (rubrique SF et Fantastique pour le roman)
Presse : Sophie Thiébaut (Presses de La Cité)
Dépôt légal : novembre 2005
ISBN : 2258064414
EAN : 9782258064416

Prix : 22 €


Stéphane Pons
31 décembre 2005


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