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Épée brisée (L’)
Poul Anderson
Le Bélial’, roman traduit de l’anglais (États-Unis), fantasy, 302 pages, novembre 2014, 21€

Orm, le Danois, débarque en Angleterre, là où il désire s’établir il tue ceux s’y trouvant. La mère du père de la famille massacrée, également sorcière, est chassée, mais elle promet de se venger, chose qu’elle fera en semant les graines de la guerre et de bien d’autres malheurs.
C’est elle qui signale à Imric, le seigneur elfe des îles, la naissance du premier fils d’Orm. Avant qu’il ne soit baptisé, il l’enlève et le remplace par un changelin. Alors que Skafloc grandit et s’épanouit dans la cour des elfes, Valgard s’avère turbulent, sa mère est effrayée par son comportement.
Les deux sont appelés à se rencontrer les armes à la main, à se battre l’un contre l’autre dans une guerre entre les elfes et les trolls.



« L’épée brisée » est paru en 1954, soit la même année que « La communauté de l’anneau » de J.R.R. Tolkien. La préface de Michael Moorcock, qu’il vaut mieux lire en diagonale quand il raconte l’histoire, nous explique l’effet que lui a fait la lecture du roman de Poul Anderson. Il avoue d’ailleurs l’avoir préféré à celui de Tolkien. Stormbringer n’est pas sans rappeler cette fameuse épée brisée forgée par un géant, ce qui montre l’impact du roman sur l’écrivain britannique.
À l’instar de « Tau Zero », je ne peux m’expliquer que ce roman ne paraisse en France que 60 années après sa sortie US. Le « Bifrost spécial Anderson » en donne peut-être une des raisons : dans les années 1970, les critiques n’étaient pas tendres avec l’auteur, s’attaquant à ses idées pour démonter son œuvre, souvent en toute mauvaise foi.
Pourtant dans les années 1980, la collection Garancière ne s’y était pas trompée en traduisant « La saga de Hrolf Kraki » (numéros 1 et 2), ainsi que « Trois cœurs, trois lions » (n°10) avant son arrêt après trois années d’activité. Deux ouvrages de fantasy repris par le Bélial’ qui nous offre enfin ce chef-d’œuvre de la fantasy, injustement éclipsé dans notre pays. De plus, il s’agit de la version originale et non de celle révisée et affadie en 1971.

Inspiré d’une saga légendaire nordique, « L’épée brisée » s’avère d’une grande force, personne n’y est épargné, chacun est appelé à souffrir. Skafloc est le héros et son jumeau obscur Valgard, son antithèse. Skafloc n’en est pas moins le jouet des événements et la réalité s’avérera cruelle pour lui. D’une grande brutalité, ce roman évoque aussi la chrétienté avec ce nouveau dieu sur sa croix qui effraie tous les peuples de Faërie qui ont leurs propres croyances. Dans le vaste conflit qui se dessine entre trolls et elfes, les belligérants se gardent bien de s’attaquer aux hommes de peur de courroucer le dieu blanc. Cette facette du roman est vraiment intéressante, car les êtres qui s’affrontent semblent surpasser l’homme.
Poul Anderson n’a pas négligé la forme. Son avant-propos est d’ailleurs instructif sur la façon dont on s’exprimait en ces temps oubliés. Il arrive ainsi souvent que Skafloc déclame des vers pour exhorter ses troupes, ce qui donne un certain cachet à cette geste.

« L’épée brisée » appartient à cette classe de romans qui se jouent des années. 60 ans après sa sortie, il n’a rien perdu de sa superbe. Il fait dans l’efficace, la tendance n’était pas alors à l’étirement outre-mesure pour faire du volume.
Nous pourrions longtemps résumer le récit, parler des nombreux temps-forts qui l’émaillent, dresser la liste des êtres de la Faërie y apparaissant, ainsi que les déités invoquées mais ce ne serait pas lui rendre justice, ni traduire son vaste contenu. Pour en saisir toute la richesse, plus d’une lecture s’avère nécessaire.
On en sort avec le sentiment de tenir là une pépite, un bijou révélé en France seulement soixante années après sa publication originale. Pourtant, tout comme « La communauté de l’anneau » de Tolkien, dont il prend le contre-pied, il s’agit là d’un ouvrage fondateur de la fantasy moderne. Par nos lectures, chacun de nous trouvera des livres de fantasy fortement influencés par « L’épée brisée ».

Tout comme « Tau Zero », le Bélial’ répare là une anomalie incompréhensible, il rend enfin ce chef-d’œuvre de la fantasy accessible au public français.
À l’occasion, il poursuit son opération de réhabilitation de l’auteur, accordant ainsi à Poul Anderson la place qu’il mérite, celle aux côté des grands noms de l’imaginaire.
Après lecture, on se demande s’il existe encore d’autres inédits de la sorte ? L’avenir nous le dira...


Titre : L’épée brisée (The Broken Sword, 1954)
Auteur : Poul Anderson
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Jean-Daniel Brèque
Couverture et illustrations intérieures : Nicolas Fructus
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 302
Format (en cm) : 13,9 x 20,5
Dépôt légal : novembre 2014
ISBN : 978-2-84344-129-5
Prix : 21 €



Également sur la Yozone :
- « Tau Zéro »
- « Le Chant du Barde »
- « La Patrouille du Temps »
- « Trois Cœurs, Trois Lions »
- « Les Croisés du Cosmos »
- « Barrière mentale et autres intelligences »


François Schnebelen
17 décembre 2014


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