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Ecrivez un roman en trente jours
Chris Baty
Bragelonne, traduit de l’anglais (États-Unis), guide pratique, 208 pages, octobre 2014, 15€

Tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la littérature ont dans leur entourage des individus intimement persuadés d’être des romanciers fabuleux aux dons contrariés par les circonstances, notamment le fait d’être obligés de travailler pour vivre. Et parmi ces individus persuadés d’être élus, nombreux sont ceux qui ont poussé la naïveté jusqu’à prendre une année sabbatique pour s’enfermer dans leur tour d’ivoire afin d’y écrire ce roman que – pensent-ils – le monde attend depuis toujours. Et d’un ressortir les mains vides après un an de procrastination, généralement avec une bonne petite dépression à la clef. L’évidence est là : si un individu n’est pas capable de sortir une ligne alors qu’il a un peu de temps, il n’en fera pas plus s’il n’a que cela à faire. Cette évidence dont tout individu un tant soit peu éveillé et observateur prend rapidement conscience est l’un des moteurs de Chris Baty. Car son ouvrage s’adresse essentiellement à des auteurs en herbe déjà (fort) occupés. Écrire un roman en trente jours tout en exerçant un honnête métier et en s’occupant de sa famille ? C’est un pari fou, mais c’est également tout à fait possible.



Le pari, c’est celui des cinquante mille mots. Non pas un pavé, mais un honnête roman tout de même. Certains lecteurs pourraient faire la fine bouche en prétextant que cela fait un roman de taille modeste. Chris Baty ne s’aventure pas sur ce terrain, mais nous noterons pour notre part que bien des romans remarquables (par exemple de Richard Bach, de Maxence Fermine, d’Alessandro Barrico) sont d’une taille bien plus modeste encore.

Si Chris Baty ne s’étend pas sur de tels arguments, c’est parce qu’un de ses grands leitmotivs est que « vous aussi, vous en êtes capable. » Et le succès des ses ateliers de NaNoWriMo (National Novel Writing Month) qui a permis à des milliers de personnes de remporter ce défi a priori délirant en témoigne. Il n’essaie pas de faire croire à ses lecteurs qu’il est possible (même si, dans l’histoire littéraire, quelques auteurs y sont parvenus) d’écrire un chef-d’œuvre en un mois. Son cheval de bataille, c’est qu’il est possible, non pas à tous, mais à beaucoup, d’atteindre les cinquante mille mots dans le délai imparti. Pour ce qui est de la qualité, c’est une autre histoire : les relectures, les corrections, les toilettages, les restructurations du récit – ou son abandon pur et simple – relèvent d’opérations ultérieures.

«  Dans les trente jours que vous passerez entre ses mains expertes, vous découvrirez des aspects sauvages de votre personnalité et irez plonger dans des royaumes d’aptitude et d’accomplissement dont vous ignoriez jusqu’à l’existence.  »

Il n’empêche : si ce défi est surtout quantitatif, quelle étape mémorable pour un auteur en herbe qui n’est jamais parvenu à avancer, à terminer une histoire, un récit, un roman ! Quel coup de fouet psychologique pour un individu qui a fini par se persuader qu’il s’agissait là d’un chose accessible aux seuls surdoués, d’un travail d’Hercule, sinon même d’une tâche impossible ! Chris Baty, surnommé le « savant fou de la motivation littéraire » aurait-il réellement des pouvoirs surnaturels ? Rien de tel, mais, manifestement, une très forte expérience et une solide dose de bon sens. Qui plus est, Chris Baty n’hésite pas à entendre – et même à reproduire – les conseils et témoignages de ceux à qui il a permis de remporter ce défi. Autant de retours d’expériences qui, vus à travers le prisme de centaines de personnalités différentes, permettent d’étendre la gamme des trucs et astuces, des choses à faire ou à ne pas faire. Autant de recommandations élaborées par ceux qui se sont déjà heurtés aux mêmes difficultés et ont appris à les surmonter. Autant d’avertissements pour les embûches qui attendent l’auteur amateur, autant de pistes pour contourner les pièges invisibles, autant d’astuces pour savoir se remotiver, franchir les moments difficiles, parvenir au bout des étapes clefs, et, au bout des trente jours impartis, franchir victorieusement la ligne d’arrivée.

«  Ce dont vous avez réellement besoin, c’est d’une arme secrète. Il vous faut un superpouvoir, un appareil diabolique qui va vous transformer en bastion d’accomplissement littéraire.  »

Ce superpouvoir, on s’en doute, n’a jamais existé. Quoique… ce pouvoir ne serait-il pas en creux, son frémissement ne serait-il pas, déjà, de lever toute une série de freins invisibles ? Se concentrer sur une tâche, c’est, déjà, se débarrasser de l’inutile. Devenir capable de grappiller du temps là où, d’habitude, on ne fait rien d’autre que le gaspiller. Devenir capable, également, de déblayer un superficiel abominablement chronophage. Les réseaux sociaux, par exemple ? Les abandonner ou les utiliser de manière différente pour afficher progrès et motivation ? La famille ? La transformer en moteur dans ses propres avancées littéraires. Métamorphoser tout ce, et de tous ceux, qui pourraient vous décourager en véritables sources de motivation à l’écriture. Chris Baty propose mille et une astuces, certaines évidentes – mais sans doute pas pour tous – d’autres beaucoup moins, et surtout très nombreuses. Nous n’en dirons pas plus, mais reprendrons deux petites citations pleines d’humour tout de même : « Pour des résultats garantis en matière d’écriture de romans, mieux vaut construire une toile de paris fondée sur des corvées atroces et qui occuperaient grosso modo tous vos week-ends jusqu’à votre mort » et « Je n’attends pas que la muse pointe le bout de son nez ; je sors la chercher et la ramène à la maison en la tirant par les cheveux. »

Un des grands mérites, et une grande honnêteté de cet ouvrage, c’est que Chris Baty ne promet rien. Il ne fait pas miroiter au lecteur, comme nous le disions plus haut la promesse de devenir un auteur de best-seller, ni même de devenir un auteur tout court. Encore moins de devenir un écrivain digne de ce nom. Il ne consacre que quelques pages aux « révisions » de ce roman écrit à marche forcée, en précisant qu’il s’agit d’un tout autre sport – un autre défi auquel un bon nombre des personnes ayant relevé le défi jugeront préférable, en se relisant, de ne pas se mesurer. Peu importe : en matière d’écriture comme de marathon, ce qui compte, c’est d’arriver au bout. Peu importe le chronomètre, peu importe la qualité. Ce qui reste, c’est le symbole, le sentiment euphorisant d’avoir réussi.

«  La vérité, c’est qu’il n’y a pas de vie normale après un NaNo. Vous êtes une personne différente après avoir écrit un livre en un mois. Vous commencez à voir la vie sous un jour nouveau, ce qui vous permet d’envisager la vie en pensant : oui, je peux le faire.  »

On ne pourra que conseiller cet ouvrage plein de bon sens, de trouvailles, mais aussi d’humour, aux auteurs amateurs. Un ouvrage qui leur donnera une dose considérable d’optimisme et d’espoir. Un ouvrage qui pourra peut-être – qui sait ? – leur épargner quelques années de piétinements ou d’enlisement. À condition toutefois qu’ils ne le dévorent pas comme un roman en le lisant d’un bout à l’autre en quelques jours, et ne cherchent pas à brûler les étapes en lisant dans la journée un ouvrage conçu pour les accompagner sur le mois. Un ouvrage qu’il faut apprendre à refermer et à poser pour écrire à son tour, et à n’ouvrir aux chapitres suivants qu’aux jours ou aux semaines planifiées. Alors, se lancer dans l’écriture d’un roman en trente jours sans pour autant (tout) sacrifier de la vie quotidienne ? Chiche ?


Titre : Ecrivez un roman en trente jours (No plot ? No problem !, 2004, 2014)
Auteur : Chris Baty
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Isabelle Vadori
Couverture : Tatiana Pavlova
Éditeur : Bragelonne
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 211
Format (en cm) : 14 x 21
Dépôt légal : octobre 2014
ISBN : 9791093835020
Prix : 15 €



Hilaire Alrune
23 décembre 2014


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