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Trois oboles pour Charon
Franck Ferric
Denoël, Lunes d’Encre, roman (France), science-fiction/fantastique, 302 pages, octobre 2014, 20,50€

L’Ours d’Homme, L’Homme-dans-l’Arbre, le Plus-qu’Homme... autant de noms qui lui sont donnés, avant qu’il n’apprenne sa réelle identité : Sisyphe, l’homme qui a voulu se jouer des dieux et qui a été condamné à ne jamais connaître le repos éternel.
Véritable colosse qui attire l’attention, surtout avec la pièce sertie dans son orbite gauche, il revient à chaque fois sur terre en pleine bataille. Il a beau tenter d’échapper à son sort, il est à chaque fois rattrapé par la violence pour être mieux rejeté sur les bords du Léthé où Charon lui refuse le passage.



Après plusieurs ouvrages parus chez de petits éditeurs, Franck Ferric atteint en quelque sorte la consécration avec cette publication chez Lunes d’encre. Autant dire que « Trois oboles pour Charon » n’en est que plus scruté sous tous les angles, car les auteurs français sont pour le moins rares dans cette collection.
Sans être un quelconque spécialiste de la mythologie grecque, Franck Ferric me semble avoir pris bien des libertés avec le personnage de Sisyphe, connu pour avoir été condamné à pousser un rocher jusqu’au sommet d’une montagne. Tâche impossible qu’il n’arrive bien sûr pas à accomplir et qu’il reprend sans cesse.
Quant à son aspect, Franck Ferric l’a choisi suffisamment hors normes pour qu’il se fasse remarquer partout où il passe. C’est un géant et la pièce en lieu et place de son œil gauche marque les esprits. Dommage que l’illustrateur de couverture se soit trompé et qu’il insiste trop sur le pistolet.

L’histoire commence en l’an 9 quand un voleur tente de lui retirer cette pièce. La douleur réveille Sisyphe au milieu de nombreux cadavres. Il ne se souvient de rien. Que fait-il ici ? Qui est-il ? Il constate juste qu’il est dans un conflit et que la fuite semble son seul salut. Encore faut-il avoir les moyens de se faire oublier...
Le canevas du récit est lancé, il s’agit d’une alternance entre passages sur terre lors de batailles qui lui laissent peu de chances d’en réchapper et sur les rives du Léthé où il rencontre le passeur Charon. Bien sûr, il n’a jamais les trois pièces lui permettant d’atteindre l’autre rive.
Au début, l’intérêt du livre se situe surtout dans ces résurrections agrémentées de moments forts, mais au fil du récit, ce sont les rencontres avec Charon qui offrent le plus d’attrait. Les siècles passant, l’animosité entre les deux augmente. Sisyphe ne supporte plus ce que semble lui cacher le passeur. Et ce dernier lui reproche d’être lié à sa malédiction. De plus, la présence des dieux semble toujours plus improbable, les morts qui arrivent à lui n’ont plus de quoi le payer, car plus personne ne croit à cette histoire. De quoi entretenir sa haine. Les deux se rendent coup pour coup.
L’auteur ne s’y trompe d’ailleurs pas, il est conscient de ce basculement dans l’intérêt du récit et les incursions sur terre se raccourcissent à chaque fois. Choix judicieux, car cette répétition de la trame a de quoi lasser. Le roman aurait compté cent pages de plus qu’il aurait perdu beaucoup de sa force, les lecteurs étant blasés de lire toujours un peu la même chose avec juste des variantes dues aux changements d’époque.

Quel espoir pour Sisyphe ? Y a-t-il seulement encore quelqu’un capable de lever sa malédiction ? Il croit les dieux morts, a même détruit la dépouille d’un. À défaut, il a gagné la tranquillité à laquelle il aspirait tant...

Franck Ferric signe là un étrange roman, il profite de cette adaptation du mythe de Sisyphe pour livrer des épisodes tourmentés de notre passé et une brève vision de notre avenir. À ce niveau, il pourrait lui être reproché de trop s’être appuyé sur l’Histoire pour alimenter son récit, alors qu’il ne fait preuve d’aucune originalité quant à notre futur. Malgré quelques facilités, sauf erreur de ma part, sur le personnage de Sisyphe, il a su tirer le maximum d’une trame répétitive. De nombreuses images fortes émaillent « Trois oboles pour Charon » et on en sort avec cette scène du colosse creusant la terre à la recherche des os de la planète. Quête désespérée s’il en est !

« Trois oboles pour Charon » montre que Franck Ferric possède un beau potentiel, il sait indubitablement marquer les lecteurs et on attendra avec curiosité ses prochaines livraisons. Lunes d’encre ne s’est pas trompé en lui offrant sa chance.


Titre : Trois oboles pour Charon
Auteur : Franck Ferric
Couverture : Bastien Lecouffe Deharme
Éditeur : Denoël
Collection : Lunes d’Encre
Directeur de collection : Gilles Dumay
Site Internet : Roman (site éditeur) ; Blog de la collection
Pages : 302
Format (en cm) : 14 x 20,5
Dépôt légal : octobre 2014
ISBN : 978-2-207-11731-6
Prix : 20,50 €


Autres ouvrages de l’auteur sur la Yozone :
- « La loi du désert »
- « Marches nocturnes »
- « Les tangences divines »


François Schnebelen
19 novembre 2014


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