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Bifrost n°76
Rédacteur en Chef : Olivier Girard
Revue, n°76, science-fiction, nouvelles - articles - entretien - critiques, octobre 2014, 192 pages, 11€

Ces derniers numéros, « Bifrost » sort l’artillerie lourde avec des écrivains prestigieux tels que Ray Bradbury, H. P. Lovecraft et Poul Anderson. Et le présent dossier est consacré à J.R.R. Tolkien. Un gros morceau, dont les différents intervenants nous montrent bien le rôle prépondérant qu’il a joué dans la fantasy moderne. Il y a eu un avant et un après « Seigneur des Anneaux ».
Si certaines de ses œuvres sont d’un abord assez facile, il n’en est pas de même de l’ensemble, avec des ouvrages complexes qui se méritent et pas accessibles au premier lecteur venu. Le succès éditorial a bien sûr aussi entraîné la publication de fragments, d’esquisses de récits, le tout augmenté de nombreuses explications. Le dossier nous permet de mieux appréhender le professeur John Ronald Reuel Tolkien et l’œuvre d’une vie.



Le dossier permet de faire le tri dans tout ça, mieux cerner l’homme à travers une biographie complète, un décryptage de sa trilogie phare qui a pris encore une autre dimension grâce à Peter Jackson. Autre papier très intéressant, même si Francis Valéry s’étend pas mal, déborde un peu du sujet, celui exposant l’accueil en France du « Seigneur des anneaux » lors de sa publication anglaise. L’article “J.R.R. Tolkien : les univers d’un philologue” est plutôt technique, mieux vaut le lire à tête reposée pour suivre. Avant les recensions d’ouvrages, essais et études autour des œuvres ou de la vie de Tolkien, Bertrand Bonnet nous expose l’Histoire de la Terre du Milieu.
Un dossier copieux (une soixantaine de pages), instructif et suffisamment bien présenté pour se lire avec aisance. De quoi apprendre des choses sur le père de la fantasy moderne.

Le sommaire est bien sûr fortement influencé par son aura.
Xavier Mauméjean y fait directement référence dans “Freud, auteur de Tolkien”. J’ai eu du mal à suivre, à comprendre l’intérêt de dire que Freud a dit cela et que Tolkien a écrit la même chose. En plus, il est même question de Lovecraft à un moment ! Tolkien influencé par Freud ? Ou l’inverse ? Là, c’est de la SF ! Ce texte fait montre d’érudition, mais je m’y suis profondément ennuyé, surtout qu’il est entouré par deux feux d’artifices signés Michael Swanwick et Thomas Day. Laissons donc Sigmund où il est !

Le récit du changelin” est de Michael Swanwick, un auteur bien trop rare par chez nous. La qualité de cette nouvelle nous le fait d’autant plus regretter. La guerre achevée, les elfes se retirent. Lorsque leurs troupes passent dans un village, un jeune homme les regarde fasciné. Lorsqu’il en trouve dans l’auberge où il travaille, il reste interdit. En plus, il sympathise avec des membres de ce peuple ! Ensemble, ils vont fumer une herbe aux étonnantes propriétés.
Cette histoire est racontée par le jeune homme devenu vieillard. Il ne se souvient plus de tous les événements qui l’ont ramené dans l’auberge, il ne lui en reste que des fragments. Le mystère est entretenu sur une vie aventureuse, rythmée par les batailles. Les visions d’un soir ont pris le pas sur la réalité ; ces jalons demeurent, alors que le reste est oublié. La forme du récit et l’idée de base en font un très grand moment de lecture.

Noc-kerrigan” de Thomas Day nous plonge à une époque où les dragons existaient encore. En cherchant du bois flotté, Haïnee rencontre un étranger, un guerrier arborant une grosse déformation à l’épaule. Elle, dont la mère désespère qu’elle trouve un mari, tombe sous le charme de cet inconnu qui va lui dévoiler la nature de sa bosse.
Cette histoire d’amour est sans espoir, mais Haïnee est belle dans sa pugnacité à aimer contre vents et marées, à n’écouter que son cœur, prête à tout pour garder son homme aussi longtemps que possible. Et alors que l’on attend un acte de bravoure, Thomas Day nous surprend d’agréable façon.
Personnages magnifiques, récit passionnant avec une naissance contre nature, mais promesse d’avenir. Il est à noter que “Noc-kerrigan” appartient à un vaste projet de fix-up racontant l’extinction des dragons. Cette excellente nouvelle présage du meilleur, alors vivement !

Secondé par Frédéric Landragin, Roland Lehoucq s’intéresse au dialogue homme-machine, au fameux test de Turing où une machine soutiendrait une conversation avec un humain sans que celui-ci ne s’en rende compte. On en est loin !
À l’occasion des dix ans de La Volte, « Bifrost » nous présente un entretien avec Mathias Echenay, le directeur de cette maison d’édition aux choix originaux.
Pierre Stolze qui nous parle d’un peu tout, qui sait dénicher des œuvres atypiques, s’attarde sur la série « Real Humans » pour nous en dire le mal qu’il en pense. Quel intérêt ? J’attends de cette rubrique des mises en avant originales et non l’inverse, nous dire ce qu’il faut éviter. Il est libre de son papier, car il ne semble pas soumis à des service presse qui l’engagent à donner un avis positif ou négatif. Alors qu’il nous donne ses coups de cœur.
D’ailleurs les recensions d’ouvrages prennent une telle importance, qu’une partie n’est disponible qu’en ligne.
Je rejoins ce qui ressemble à un coup de gueule de Thomas Day dans la rubrique “Le coin des revues”, le manque d’ambition d’une grande partie des nouvelles. Rien de plus dommage qu’une fois lue, une nouvelle s’oublie presque aussi vite. Pourtant, le choix pour les traductions est pléthorique. Certains auteurs américains, excellents novellistes, ont quasi disparu de chez nous, alors qu’ils publient toujours régulièrement. Prenons le cas de Robert Reed, dans l’ancienne mouture de « Galaxies », il était régulièrement traduit, maintenant plus rien. De temps à autres, heureusement qu’un nom sort un peu de l’oubli. J’en veux pour témoin Michael Swanwick dans le présent sommaire.
Présenter un nouvel auteur c’est bien, mais quand c’est pour nous raconter pas grand-chose, la découverte retombe comme un soufflé.

Un très bon numéro de « Bifrost », ce qui devient une habitude.


Titre : Bifrost
Numéro : 76
Rédacteur en chef : Olivier Girard
Couverture : John Howe
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, nouvelles, entretien, etc.
Sites Internet : le numéro 76, la revue (Bifrost) et l’éditeur (Le Bélial’)
Dépôt légal : octobre 2014
ISBN : 978-2-913039-73-5
Dimensions (en cm) : 14,9 x 21
Pages : 192
Prix : 11€



François Schnebelen
16 novembre 2014


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