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Abyme
Mathieu Gaborit
Mnémos, Hélios, n° 13, roman (France), fantasy, 251 pages, août 2014, 8,90€

Il se nomme Maspalio. Farfadet et conjurateur de la cité d’Abyme, il est particulièrement combatif et pourvu de nombreux talents. Ses aptitudes expliquent que l’on ait recours à ses services : il lui faut retrouver un Opalin, un démon mineur qui, au beau milieu de sa tâche, a disparu dans la cité d’Abyme. Un tel événement est exceptionnel, à tel point que si Maspalio ne retrouve pas l’Opalin, le passeur qui l’a conjuré sera mis à mort. Mais Maspalio ne sait pas encore à quel point cet événement est étrange, ni là où il va le mener.



C’est donc sur une trame policière que démarre l’intrigue. Utilisant sa magie, mais surtout ses réseaux et sa profonde connaissance de la cité d’Abyme, Maspalio va traquer le passeur tout d’abord, le démon ensuite. Mais, de même que dans bien des intrigues policières, le poisson qu’on lui a demandé de pêcher va le conduire à quelque chose de bien plus gros que ce dont il était initialement question. Quelque chose qui a rapport avec une “Conspiration de la Romance”, quelque chose qui a un rapport trop étroit à la fois avec la cité d’Abyme et avec ces abysses d’où viennent les démons mineurs et où résident des Hauts Diables auxquels personne, vraiment personne, ne souhaite avoir affaire. Quelque chose qui pourrait bien ébranler les fondements de cette ville fantastique à laquelle tous ont prêté serment.

Car, ne nous y trompons pas, si Maspalio et ses amis sont bien de véritables héros, le héros principal du roman est la ville d’Abyme elle-même. À travers ses tripots, ses ruelles, ses palais, ses canaux, Maspalio et Mathieu Gaborit nous emmènent à la découverte d’un monde qui au fil des pages prend une existence singulière. Le Lierre, les Trabouliennes, L’Etudiant, les Ombres, les Vices, les Marches-en-Biais : autant de quartiers possédant chacun leurs caractéristiques, mais concourant à l’entité pleine et entière d’Abyme.

Jalonné de nombreuses trouvailles (citons, entre autres exemples, le délirant Traité des Angles, les semelles à langues de caméléon, le Palais des Gros, les besicles à ombres lunaires enfermant de minuscules démons dans leurs verres ou les treize sœurs siamoises) tantôt fantastique et tantôt poétique, parfois avec une très légère note de steampunk, « Abyme » a pour mérite de ne jamais lasser le lecteur. Que ce soit grâce aux inventions, aux interactions entre personnages, aux péripéties ou aux mystères de l’intrigue, l’attention du lecteur ne faiblit jamais.

Si les deux premières parties, « Aux ombres d’Abyme » et « Renaissance », étaient narrées à la première personne du singulier, le dernier tiers du récit, « La Romance du démiurge », est marqué par un changement de trame avec alternance entre divers types de narration qui vient rompre la limpidité de l’ensemble, et, donnant à la fin une tonalité plus hachée, compromet l’homogénéité globale du roman. De surcroît, la fin spectaculaire avec action et prise d’otage lors d’une vaste réception nous semble – en toute subjectivité – bien trop calquée sur les impératifs de structure d’un long métrage hollywoodien pour ne pas venir en rupture avec une histoire jusqu’alors élégante et originale.

Malgré ces réserves, « Abyme » mérite la lecture. Plaisant et d’un format court – 250 pages – le roman conserve une densité assez rare dans le genre. Mieux encore, son originalité et son inventivité le positionnent comme une véritable « fantaisie », au sens classique du terme, bien loin d’une « fantasy » tendant hélas à devenir synonyme de pavés écrits à l’échelle industrielle par de véritables tâcherons. Une fantaisie heureusement encore partagée par quelques auteurs comme Hervé Jubert, dont l’amateur d’ « Abyme » lira sans doute avec plaisir « Magies secrètes » ou « Le Tournoi des ombres ».

Sur le plan éditorial, « Abyme » a déjà une longue histoire. Résultant de la reprise en un volume, en 2000, de deux ouvrages distincts, « Aux Ombres d’Abyme » (Mnémos, 1996) et « La Romance du démiurge » (Mnémos, 1997), il a été réédité au format de poche chez J’ai Lu en 2003, repris, en compagnie d’autres textes de l’auteur, chez Mnémos en 2007 et 2010 sous le titre les « Royaumes crépusculaires, l’intégrale », puis isolément, toujours chez Mnémos, en 2013, sous forme d’un beau-livre relié façon cuir et pourvu d’un élégant coffret cartonné. À noter également un très beau « Abyme, Guide de la cité des ombres », toujours chez Mnémos, auquel Mathieu Gaborit n’a pas directement participé, illustré, entre autres, de magnifiques illustrations du graveur Gérard Trignac. (tout le détail chez nos confrères de BDFI)

Les esprits chagrins pourront regretter qu’en dépit de ces rééditions multiples et de la révision de l’ouvrage par l’auteur à l’occasion de la publication chez J’ai Lu, l’on puisse toujours y trouver quelques coquilles, rares il est vrai, avec notamment des confusions entre conditionnel et futur. Peu importe : la présente édition, qui bénéficie d’une couverture sobre et d’un format agréable, remet à la disposition des lecteurs un ouvrage assurément digne d’être lu.


Titre : Abyme
Auteur : Mathieu Gaborit
Couverture : Goulven Quentel / Julien Delval / Atelier octobre Rouge
Éditeur : Mnémos (édition originale : Mnémos, 2000)
Collection : Hélios
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 13
Pages : 251
Format (en cm) : 11x 18
Dépôt légal : août 2014
ISBN : 978-2-35408-219-2
Prix : 8,90 €



Mathieu Gaborit sur la Yozone :

- « Confessions d’un automate mangeur d’opium »


Hilaire Alrune
8 décembre 2014


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Editions Mnémos, 2000



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J’ai Lu, 2003



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Mnémos, collector, 2010



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Le guide d’Abyme



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