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Solaris n°191
L’anthologie permanente des littératures de l’imaginaire
Revue, n°191, science-fiction et fantastique, nouvelles – articles – critiques, été 2014, 160 pages, 10CAD

Rien de moins que 9 nouvelles au sommaire, certaines très courtes, une partie d’entre elles écrites avec des contraintes de temps et dérivées d’une photo assez mystérieuse ou avec un lieu, un objet... imposés. Si “Pour une littérature hors-la-loi” qu’Éric Gautier a lue lors du congrès Boréal 2014 appartient à la partie Fiction, elle possède les accents de la tribune libre. Ce texte parle d’un contrat moral existant en quelque sorte entre l’auteur et le lecteur. Il choisit le très bon exemple de George R.R. Martin qui espace de plus en plus les volumes du « Trône de Fer ». Comment les fans vivent-ils cette attente ? Acceptent-ils les événements funestes s’y passant et mettant souvent à mal leur favori balayé d’un simple revers de la main ?
Très belle réflexion à la frontière imaginaire – réalité.



Avec “La colocation”, Josée Lepire a remporté le Prix Solaris 2014 récompensé d’une bourse de 1 000 dollars canadiens et de la publication dans les pages de « Solaris ». Noémie vit entre réalité et virtualité, ce dernier territoire primant même sur le premier car elle y travaille et tout y est plus beau que dans la vraie vie. Elle y avait pris un compagnon virtuel, Wolfe, qu’elle désirait façonner, adapter à ses envies, mais contre toute attente, la programmation ne durait jamais, comme si cette entité binaire n’obéissait qu’à elle-même. Impossible ! Et pourtant...
C’est très intrigant, Josée Lepire entretient une certaine ambiguïté sur Noémie. Est-elle folle ? Qui est vraiment Wolfe pour elle ? L’ensemble ne manque pas de justesse ni d’élégance dans sa conclusion relevant d’une belle humanité.

Une photo représentant Dieu sait quoi et une durée d’une heure, voilà les contraintes du concours d’écriture sur place du congrès Boréal 2014. Deux catégories Auteurs montants et Auteurs confirmés. La première remportée par Emmanuel Trotobas avec “Une petite lumière” et son étonnant choix de noms alambiqués, la seconde par Francine Pelletier et “La décharge”, avec un accessit pour Geneviève Blouin (“Éveil”).
Vu le peu de temps imparti, il est normal que les textes ne dépassent pas 4 pages et il est surprenant de voir ce qu’ils ont réussi à écrire en cette faible durée. Emmanuel Trotobas et Geneviève Blouin ont tous deux imaginé un accès à la surface pour des êtres reclus sous terre suite à une catastrophe, la seconde flirtant sur le thème du vampire, ce qui n’est pas forcément une bonne idée.
La palme revient à Francine Pelletier qui met en scène une petite fille vivant dans une décharge. C’est poignant et très bien écrit. Que cela ait été écrit en juste 60 minutes laisse rêveur sur le potentiel de l’intéressée.

Deux autres textes ont été écrits sous contraintes, ceux réalisés dans le cadre de l’atelier d’écriture d’Élisabeth Vonarburg. Dans l’éditorial, quelques impératifs sur un total de 7 nous sont précisés, comme la motivation Comprendre, le lieu Au fond de la mer, et un élément incongru Un marqueur noir. Même si les bases d’“Emma” et de “Marie-Amélie” sont communes, Dave Côté et Isabelle Lauzon se distinguent par leur inspiration.
Dave Côté nous invite à bord d’un habitat sous-marin. Après 8 ans d’absence, Dave revient et y retrouve fidèle, “Emma”, l’IA du lieu. Souvenirs et émotions se télescopent et le mystère est entretenu jusqu’au bout sur le passé et le lien affectif avec l’IA. De très belles images traversent cette nouvelle, comme le pique-nique. Très beau résultat.
Marie-Amélie” a choisi de devenir prêtresse marine, donc de vivre sous l’eau avec une adaptation de sa morphologie. Sa mère ne peut l’accepter et plonge pour la ramener à la raison. L’effort ne sera pas vain et récompensé. Autre belle performance signée Isabelle Lauzon.

Gaël-Pierre Covell concilie musique et fantasy. “La muse de Versurleau” attire de nombreux talents et les inspire. Bloquée par son apparence dans un vestiaire, elle connaît tout des événements du bourg. Elle nous parle de Marin, son préféré, et d’autres. L’auteur nous dépayse par la géographie proche de notre passé, mais subtilement différente pour mieux introduire la magie, l’existence des nains, elfes et autres créatures fantastiques.
Il y a une certaine tendance à s’étendre sur le domaine musical, notamment en décrivant chaque talent de passage. La chronologie n’est pas toujours aisée à suivre, mais l’ensemble est agréable et nous offre un bon moment de lecture.

Mathieu Croisetière, récent vainqueur du Prix Alibis, nous décrit une “Attente” difficile. Le personnage s’impatiente et assiste à des événements sortant de l’ordinaire. Son impatience augmente, la réalité dérape. Alors que l’auteur nous a bien ferrés avec son histoire et que l’on se demande comment il va s’en tirer, il nous sort une explication des plus décevante. La pirouette est beaucoup trop facile et la nouvelle perd son intérêt.

Valérie Bédard et Mario Giguère partagent leur passion des films de zombies. Introduction avec un petit historique du genre, avant les films à voir ou à éviter. Liste loin d’être exhaustive comme en avertissent les deux rédacteurs mais article à consommer avec appétit.
Mario Tessier s’intéresse ce trimestre au “Cabinet de curiosités, ou l’émerveillement du monde”. Article moins prenant que d’habitude, peut-être à cause du sujet et l’impression de tourner en rond.
Dans “Sci-néma”, Christian Sauvé traite, entre autre, de « Ender’s game », film qui a beaucoup perdu de sa raison d’être avec la trop longue attente entre la publication du chef-d’œuvre « La Stratégie Ender » d’Orson Scott Card et ce film, l’écrivain ayant perdu de son aura à cause de choix malheureux.
Les habituelles chroniques clôturent ce numéro.

Ce « Solaris 191 » montre que l’écriture sous contraintes permet de réaliser de belles choses. Il est étonnant de voir comment cela peut inspirer les auteurs et de comparer les fruits de leur imagination.


Titre : Solaris
Numéro : 191
Rédacteur en chef : Joël Champetier
Couverture : Laurine Spehner
Type : revue
Genres : nouvelles, articles, critiques
Site Internet : Solaris ; numéro 191 
Période : été 2014
Périodicité : trimestriel
ISSN : 0709-8863
Dimensions (en cm) : 13,2 x 20,9
Pages : 160
Prix : 10 CAD



François Schnebelen
2 septembre 2014


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