J’ai eu l’occasion de rencontrer Guy Delisle, rapidement, au festival BD de Solliès en 2012. L’auteur venait de remporter le prix Fauve d’or du meilleur album au festival d’Angoulême grâce à l’excellent “Chroniques de Jérusalem”. Je m’attendais donc à une file d’attente sans fin lors de sa séance de dédicaces… et bah non. Seules quelques personnes attendaient patiemment l’arrivée (un poil tardive) de l’auteur. Réservé et discret, Guy Delisle, tout en dédicaçant mon exemplaire, m’avait confirmé qu’il travaillait sur un autre style d’ouvrage. Ses obligations familiales limitant les longs séjours à accompagner certaines ONG, il avouait à demi-mot vouloir retrouver certains vieux projets, comme la série “Louis”. Ainsi, dès 2013, sortait le premier tome du “Guide du Mauvais Père”. Fort de son succès, le deuxième tome est publié quelques mois plus tard.

Ce nouvel opus est dans la stricte lignée du précédent. Un humour décalé, parfois un peu grinçant, qui reflète assez bien ce que peut se dire certains parents (moi le premier !). On retrouve la caractéristique principale de la série “Les Chroniques de…” , avec un héros aux pensées et aux agissements décalés par rapport à la situation. Ce n’est plus un voyageur candide sur un territoire parfois hostile, mais un père irresponsable et légèrement sadique face à ses enfants. Les histoires sont courtes mais restent accrocheuses. Le petit format du livre impose deux images par planche. Résultat, l’ensemble se lit très vite. Honnêtement, on ne se tord pas en quatre à chaque page, mais quelques situations ou répliques arriveront à vous soutirer un rictus. J’avoue, la phrase « Bonne nuit Bouboule ! » m’a volé un début de rire.

Néanmoins la portée de cet album n’arrive pas à la cheville des “Chroniques”. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas l’ambition. Cette nouvelle série, légère, fait passer un agréable petit moment. «  Ça lave la tête et ça fait des bulles » comme le précise la collection Shampooing. En refermant le livre, vous aurez probablement déjà oublié certaines saynètes, mais vous n’aurez pas l’impression d’avoir perdu votre temps non plus. Un bouquin sans prétention, que vous pourrez emmener cet été à la plage, à condition de ne pas y rester plus d’une heure au risque de tomber en panne de lecture.
Le style graphique de Guy Delisle est parfaitement reconnaissable dans cet album. Et pour cause ! Les personnages restent les mêmes. Une fois encore, la frontière entre scène imaginaire et autobiographie est floue. L’auteur joue d’ailleurs avec cette ambigüité en remerciant, en dédicace du livre, sa compagne « qui accepte d’endosser le mauvais rôle dans ses histoires ».

Les lecteurs habitués aux blogs humoristiques familiaux ne seront pas dépaysés. On y retrouve tous les ingrédients habituels : un père qui demeure un éternel enfant, des gamins victimes d’un humour d’adulte qu’ils ne comprennent pas et une mère représentant l’autorité et le sens des responsabilités. Classique.
L’effort est clairement mis sur les dialogues plutôt que sur les planches. Il n’est d’ailleurs pas rare d’avoir plusieurs fois le même dessin dans une histoire. Ce n’est pas de la fainéantise de l’auteur, ni une urgence imposée par l’éditeur, mais, je pense, une vraie volonté de mise en scène. Un minimum d’effort pour un maximum d’effet.
Certains détails viennent enrichir l’album, comme la sur-couverture qui, associée au dessin de la vraie couverture, forme un strip de deux cases.

Le Guide du Mauvais Père (T2)
 Scénario : Guy Delisle
 Dessin : Guy Delisle
 Editeur : Delcourt
 Collection : Shampooing
 Dépôt légal : 22 janvier 2014
 Format : 127 x 180 mm
 Pagination : 192 pages noir et blanc
 ISBN : 978-2-7560-4777-5
 Prix public : 9,95 €

Illustrations © Delisle et Delcourt (2014)