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Trois
Sarah Lotz
Fleuve, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), thriller / fantastique, 522 pages, mai 2014, 19,90€

Le même jour, quatre avions de ligne s’écrasent presque simultanément : l’un dans les Everglades, en Floride, un autre dans une forêt japonaise, un troisième au large du Portugal, le quatrième, enfin, dans un township surpeuplé d’Afrique du Sud. Bilan, plus de mille morts. La première hypothèse, à savoir celle d’un complot terroriste, est rapidement écartée. Mais les dénégations officielles ne satisfont pas tout le monde, d’autant plus qu’aux yeux des enquêteurs spécialisés les éléments techniques apparaissent parfois contradictoires. Et qu’il semble bien que l’on ait dissimulé à tous une partie des échanges entre pilotes et copilotes d’au moins un de ces quatre avions avant le crash. Plus étrange encore aux yeux du grand public : la présence à chaque fois, ou presque, d’un unique survivant.



Un miracle, sans doute était-on prêt à l’accepter. Qu’un enfant, un seul, puisse survivre à un crash aérien, la réalité l’a montré il y a quelques années. Mais trois miracles le même jour, voilà qui interroge. Trois miracles, trois enfants. Une telle série de coïncidences est-elle possible ? Mais pourquoi pas quatre ? L’avion qui s’est écrasé en Afrique du Sud ne comportait qu’un enfant parmi les passagers. On n’a certes pas retrouvé son corps, mais il n’est pas le seul. Et quand des télévangélistes américains partis dans leurs habituels délires de fous furieux prétendent que les quatre enfants sont les quatre cavaliers de l’Apocalypse, la chasse est ouverte au Cap pour retrouver le gamin manquant.

Voilà pour l’intrigue. Pour la technique, elle est astucieuse : « Trois » se présente comme l’œuvre d’une journaliste ayant enquêté sur ce fameux « jeudi noir » et en ayant fait un livre à succès. Un ouvrage constitué presque essentiellement d’entretiens, de témoignages, d’extraits de sources diverses. Et cela fonctionne formidablement bien. Sarah Lotz possède un talent évident pour faire exister ses personnages, ses interviewés, à force de petits détails personnels, familiaux, professionnels, qui leur donnent une parfaite réalité. Que ses personnages soient des militaires, des personnels de secours, des geeks japonais, des scientifiques, des témoins, des voisins, n’importe qui, cela marche à chaque fois. Le lecteur est donc, dans un premier temps, parfaitement « accroché ».

Hélas, la méthode montre rapidement ses limites, d’autant plus que l’intrigue souffre d’un manque d’épaisseur considérable. Les quelques bizarreries présentées par les enfants survivants ne suffisent pas à tenir un roman beaucoup trop long. Trop long, parce que plus de cinq cents pages, c’est excessif pour ce qui n’en aurait mérité que deux cents. Trop long, parce que l’application méthodique, mécanique, métronomique, répétitive, d’une recette, finit par ne plus fonctionner. Et que l’on se lasse des poncifs (l’homosexualité d’un des narrateurs, l’alcoolisme d’un autre, le chien d’un troisième, les délires religieux répétitifs) qui font que l’on n’est plus vraiment dans un roman, qu’il n’y a plus vraiment de récit, tout au plus un scénario feuilletonesque qui s’étire.

Un roman c’est d’abord une histoire, des idées, et celles de Sarah Lotz ne tiennent hélas pas les promesses d’une première moitié de roman séduisante. Les deux cent cinquante premières pages passées, on a l’impression que l’intrigue s’effiloche et s’étiole, que l’auteur ne sait plus vraiment où elle va, et chaque nouveau chapitre confirme cette impression. On assiste néanmoins à la très belle démonstration de la folie des intégristes religieux américains, à la dénonciation nécessaire de leur hypocrisie, de leur médiocrité, de leur soif de pouvoir et de richesses, tout comme à celle des politiciens qui n’hésitent pas à s’associer à leurs thèses les plus extrémistes pour l’emporter sur leurs adversaires. Et l’on comprend in fine que cette Apocalypse à laquelle croient ces cinglés qui prennent la Bible à la lettre ou en trafiquent et détournent la moindre formule pour nourrir leur démence, ce sont eux, et eux seuls qui sont en train de la déclencher. À moins que… le roman se termine, à la manière d’un conte fantastique, par une ambiguïté finale, qui, hélas – et en toute subjectivité – nous semble plus ressembler à une fausse note qu’à autre chose, ou une façon de terminer ce roman de manière bancale plutôt que de ne pas le terminer du tout.

Bilan en mi-teinte, donc, pour ce « Trois » de Sara Lotz. Un « Trois » qui permet à l’auteur de montrer un savoir-faire indéniable : une habileté technique qui lui aurait incontestablement permis de faire de « Trois » un bon thriller, si toutefois la trame en avait été plus fournie.


Titre : Trois (The Three, 2014)
Auteur : Sarah Lotz
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Michel Pagel
Couverture : Bildhuset / Plainpicture
Éditeur : Fleuve
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 522
Format (en cm) : 14 x 22,5 x 3,5
Dépôt légal : mai 2014
ISBN : 9782265098022
Prix : 19,90 €



Hilaire Alrune
15 juin 2014


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