Chargement...
YOZONE
Le cyberespace de l'imaginaire




Xénome
Nicolas Debandt
Éditions l’Homme sans Nom, roman (France), science-fiction, 396 pages, mai 2014, 19,90€

Nicolas Debandt n’est pas tout à fait un nouveau venu : avec deux romans composant le diptyque d’Iluvendan – « Rencontre avec Aeria » et « Le crépuscule de cristal », co-écrits avec Antoine Fardin, il avait déjà mis en scène un univers mêlant technologie et magie. Avec « Xénome », c’est cette fois à la science-fiction pure qu’il s’attelle. Au programme, un univers futuriste où l’être humain n’est plus tout à fait ce qu’il a été, où la société est le siège de dérives inquiétantes, où les manipulations génétiques sont reines.



Le monde de 2184 n’est pas tout à fait conforme à l’idée que l’on peut se faire d’un monde meilleur. Si des progrès ont été effectués dans le domaine des énergies – les véhicules et l’éclairage public fonctionnent avec des bioréacteurs au phytoplancton – les réseaux informatiques ont à tel point progressé qu’il est devenu impossible de s’y soustraire. Ainsi chacun peut-il à tout moment être pisté sur le WebSoc, dont il n’est autorisé à se déconnecter qu’une infime portion de temps par jour : on le voit, le « Big Brother vous regarde » de George Orwell est largement dépassé, et ceci d’autant plus que le WebSoc peut également tuer (ce qui n’est pas sans évoquer les fameux« traits-plats » de William Gibson.) Plus grave encore, l’humanité a totalement disparu : grâce aux améliorations génétiques, elle s’est scindée en diverses espèces : les Auréus ou élites, les Nexilis qui constituent la classe moyenne, et en dessous, Obediensis et Operasis qui ne sont que les tâcherons.

Dans cet univers quelque peu cauchemardesque, la toute-puissante TransTrad (nom dans lequel les biologistes reconnaîtront sans peine transcription et traduction, deux étapes génétiques majeures) mène le jeu. Il faut dire aussi qu’à l’époque où l’on est en permanence connecté au WebSoc, les gadgets que nous connaissons, qu’ils soient hardware ou software, n’ont plus grand intérêt. Le nouvel objet de convoitise, ce sont les gènes grâce auxquels l’on peut s’améliorer, ou que l’on peut échanger, par contrat, pour assurer à sa descendance l’accès à une classe sociale satisfaisante. On le voit, le propos de Nicolas Debandt ne manque pas d’envergure : dans le monde de demain, le gadget, c’est nous.

Et c’est dans cet univers où tout et chacun semble parfaitement à sa place que d’infimes grains de poussière viennent gripper la machine. Un individu étrange, qui semble avoir perdu toute mémoire et n’appartient à aucune des espèces précitées, fait irruption des profondeurs du Louvre. Dans le même temps, une voleuse de gènes est arrêtée, puis s’enfuit. Sur le WebSoc, le profil d’un célèbre joueur de discdoping, le sport à la mode, est hacké et transformé de manière suffisamment ignominieuse pour qu’il soit obligé de passer dans la clandestinité. L’inspecteur Christophe Roussel, qui enquête sur les événements du Louvre, où d’autres vols ont eu lieu, s’approche de vérités suffisamment brûlantes pour être, sur l’ordre de la TransTrad, exclu de la police et rétrogradé vers les espèces inférieures. Mais quels sont les liens troubles unissant les élites de la TransTrad et les dirigeants mafieux du discdoping, et que viennent faire dans toute cette histoire l’Archiviste, une entité mystérieuse, et les rebelles de l’Infatum, une petite congrégation de rebelles et hackers de génie ? Et quel est le rôle joué Maëlle Cressier, chercheuse en génétique reconvertie dans le lifeart – les manipulations du vivant à des fins artistiques – et mystérieusement disparue quelques décennies auparavant ? Homo sapiens ne serait-il pas sur le point de faire un come-back inattendu ? Et quel nouveau – ou ancien – secret pourrait être enfermé dans ses gènes ?

On le voit, l’univers de « Xénome » n’est pas sans évoquer les romans du William Gibson de la belle époque. Technothriller et cyberpunk, réalité augmentée, courses-poursuites et action, urbanisme underground, bien des gènes de la vague cyber sont ici présent, avec en plus cette tendance biopunk basée sur les insertions de gènes, si ce n’est sur des modifications plus radicales du génome, qui, dans le monde réel, devient chaque jour un peu plus envisageable.

Les amateurs de thriller ou de récit policier verront dans cette intrigue quelques facilités narratives (par exemple que le Louvre soit incapable de préciser ce qui a été dérobé au cours d’un vol ou l’assassinat sans motif aucun, par la police, d’un détenu et témoin clef qui aurait pu donner des informations capitales.) Autre critique, l’auteur s’intéresse manifestement de près à ses personnages et à leurs interactions, mais ne parvient que rarement à les mettre en scène de manière totalement crédible. Les descriptions des états d’âme des personnages, ainsi que de leurs conséquences somatiques (des expressions comme «  je sentais mes viscères s’entortiller » prêtent à sourire) sont souvent trop appuyées, les dialogues apparaissent caricaturaux, les psychologies trop tranchées, les réactions excessives pour vraiment convaincre. La faute à des phrases et des expressions manquant souvent de fluidité, qui alourdissent également d’autres passages.

Malgré ces réserves, on reconnaîtra à « Xénome » la mise en scène d’un avenir crédible et d’une contre-utopie convaincante. Sur la dernière partie du récit, où évènements et révélations s’accumulent pour donner au roman sa pleine mesure, on en apprend plus sur ce qui a mené au monde des castes génétiques de « Xénome » : un passage par l’immortalité virtuelle qui s’est soldé par un échec désastreux (exit le fameux « Successeur de pierre » de Jean Michel Truong). Retour à la case organique avec ses misères et ses bassesses malgré les améliorations envisageables. Des ultimes chapitres qui ne sont pas forcément pessimistes, car les clefs de l’immortalité génétique pourraient bien se dissimuler quelque part… On le voit, de nouveaux thèmes – dont celui de l’amnésie organisée des sociétés, de l’acceptation ou non des progrès, de l’aptitude de l’humanité à en tirer ou non parti, des pouvoirs qu’elle pourrait acquérir – viennent se glisser dans une fin qui ne manque pas d’ambition.


Titre : Xénome
Auteur : Nicolas Debandt
Couverture : Alexandre Dainche
Éditeur : L’Homme Sans Nom
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 396
Format (en cm) : 13,8 x 20,8
Dépôt légal : mai 2014
ISBN : 9782918541134
Prix : 19,90 €

Les Éditions l’Homme sans Nom sur la Yozone :
- « Chesstomb »


Hilaire Alrune
9 août 2014


JPEG - 29.6 ko



Chargement...
WebAnalytics