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Reboot, tome 1
Amy Tintera
Le Masque, Msk, roman (USA), science-fiction, 328 pages, février 2014, 17€

Dans le futur, un virus mortel a une conséquence fâcheuse : les morts « rebootent », reviennent à la vie. D’autant plus forts et dépourvus d’émotions qu’ils sont restés morts longtemps. La société ne les a pas acceptés, la guerre a suivi, ravageant le pays.
Au début de cette histoire, le Texas est désertique, les quartiers sains de grandes villes hâtivement reconstruites après la guerre jouxtent les immenses bidonvilles où le virus continue de proliférer. Un organisme, la SHER (Société Humaine pour l’Evolution et la reconstruction) gèrent les Reboots : immunisés aux maladies, forts et dociles, ils sont utilisés pour capturer les criminels en fuite ou conduire les malades aux hôpitaux.
Wren est une ado Reboot. Wren, c’est son ancien prénom. A la SHER, elle est 178. Parce qu’elle est restée morte 178 minutes. Ce qui fait d’elle la plus rapide à cicatriser, capable d’encaisser les balles presque sans broncher, de se ressouder un os brisé sans crier ou pleurer. C’est leur meilleur agent. Elle ne s’est jamais posé de questions sur les humains, les Reboots, la SHER.
Mais voilà que dans la fournée de nouveaux Reboots à former, débarque Callum 22. Poussée par Ever, sa compagne de chambre, 178 va le choisir, plutôt qu’un numéro élevé qui aura plus de chances de survivre à ses premières missions. Une part de challenge, et une part d’émotions, face à ce bel ado, frêle, bavard, curieux, rieur... encore tellement humain, loin du monstre froid qu’elle est devenue.



Habituellement, je ne suis guère fan de ces romances adolescentes, ces coups de foudre qui emportent tout. Mais « Reboot », très bien écrit et bourré de bonnes idées, est plus que cela.

Dans cette anticipation, l’auteure Amy Tintera renouvelle le genre en faisant de son héroïne, et de la nouvelle « race » à laquelle est appartient, un mélange entre le super-héros (fort, résistant, presque invulnérable) et le zombie (mort une première fois, dépourvu d’émotion, obéissant aveuglément). Deux figures aux antipodes l’une de l’autre, deux perfections, l’une négative, l’autre positive.

Elle construit également très bien le nouveau modèle social qui découle de cette nouvelle race : après un conflit ravageur (dont on apprend peu de choses, puisque c’est Wren 178 qui raconte), les vainqueurs humains ont asservi les Reboots. S’ensuit un système rigoureux pour les sortir de la société, en faire quelque chose à part, et entretenir une méconnaissance entre les deux races, attisant ainsi méfiance et haine l’une pour l’autre. Qui vient capturer les Reboots adultes, non viables et déments ? Qui vient arrêter les criminels humains en fuite ? Qui vient s’emparer de votre enfant dont vous auriez dissimulé la mort et le Reboot pour ne pas qu’on vous l’enlève ? Les agents Reboot de la SHER, des ados morts-vivants dans la moindre once d’émotion. Qui n’ont même plus d’identité, juste un numéro, un rang.

Enfin, ça, c’était 178 avant l’arrivée de Callum 22. Avant, elle traquait, frappait, capturait sans états d’âme. Avant, elle était crainte. Avant, son numéro lui suffisait, comme aux autres, il clamait son rang. Mais l’arrivée de Callum -après quelques jours d’irritation face à sa fragilité, son badinage insouciant et ses trop nombreux restes d’humanité, que 22 minutes de mort n’ont pas eu le temps d’estomper- change tout. Même Reboot, hormonalement Wren est toute chamboulée, même si elle met du temps à l’admettre. Et peu à peu, c’est le discours de Callum qui va la toucher. Ses questions sur le système, ses innombrables pourquoi.

Simultanément, Ever, la compagne de chambre de Wren, une gentille fille morte moins d’une heure (et donc élément de cette classe faiblarde des « sous-soixante » méprisés par son opposée, les « cent vingt », l’élite sans pitié), va commencer à perdre les pédales, à cause semble-t-il d’un traitement par injection que la SHER lui fait subir. Elle devient violente, dangereusement. Amy Tintera ne dévoile pas totalement l’objectif de ces injections, pas plus que son héroïne n’a le temps d’y réfléchir, mais on comprend vite que la SHER cherche à améliorer les sous-soixante, quitte à en faire des monstres pire encore.

La mutation de son amie est le déclencheur de la fuite de Wren. Refusant que le même sort advienne à Callum, elle découvre la peur, et avec elle s’effondrent toutes ses certitudes sur son univers, tandis que croît l’espoir dans ces rumeurs d’une ville de Reboots rebelles, libres. Il faut donc s’évader.

Cette évasion sera l’occasion de nuancer, bien évidemment, le portrait de la société que la SHER nous laissait entrevoir. Il y a des humains rebelles, avec différentes opinions quant à l’avenir des Reboots. Certains parents qui demandent à leur enfant infecté s’il veut rebooter ou s’ils doivent... faire en sorte que ça n’arrive pas. Amy Tintera aborde ainsi un large panel de questionnements, dont l’euthanasie, le racisme, la dictature, la ségrégation sociale. Des questions qui toucheront tous les lecteurs et font écho au monde présent.

Terminons sur l’histoire d’amour. Wren, complexée par son corps (elle garde une affreuse cicatrice des 3 balles qui l’ont tuée), a grandi (oui, les Reboots grandissent) à l’écart des autres. Un éloignement qu’elle attribue à son niveau 178, mais qu’elle a entretenu. C’est donc un barrage qui lâche à l’arrivée de Callum, qui l’aborde sans crainte et surtout sans a priori, ne connaissant pas son histoire. Débordant d’humanité, rapidement séduit par son physique (Wren est petite mais jolie), il est aussi terrorisé et s’est raccroché à elle, qui l’a pris sous son aile alors qu’avec son 22, tout le monde le désignait déjà comme un boulet et un cadavre en sursis. Au fil des jours, le curseur protecteur/protégé glisse donc de l’un à l’autre, les deux héros affichant finalement une excellente complémentarité, les forces physiques ou émotionnelles de l’un compensant les faiblesses de l’autre. On reste aussi assez soft côté sexualité, ça se limite à des bisous et des câlins, comme tout premier amour adolescent c’est le contact physique qui donne le frisson. L’acte sexuel sera abordé tardivement et très délicatement, loin des clichés du genre, au contraire une excellente leçon pour les lecteurs ados : ne rien presser, ne rien forcer, ne rien contraindre, ni soi, ni l’autre.

Bref, de l’action tambour battant, une solide réflexion sur une société trop bien réglée, un questionnement sur la différence (de race, de genre, de force), des personnages attachants et vrais, « Reboot » est un excellent successeur, dans ma catégorie d’anticipation pour ados mais pas que, à la trilogie best-seller « Hunger Games » de Suzanne Collins. Voire un cran au-dessus.
J’attendrais la suite pour confirmer cela, mais sachez que ce premier volume peut se suffire à lui-même, en se terminant sans laisser trop de questions en suspens. Encore un point positif.


Titre : Reboot (Reboot, 2013)
Série : Reboot, tome 1/2
Auteur : Amy Tintera
Traduction de l’anglais (USA) : Laurence Kiéfé
Couverture : Designvisuel.com
Éditeur : Le Masque
Collection : Msk
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 328
Format (en cm) : 21,5 x 15 x 2,7
Dépôt légal : février 2014
ISBN : 9782702438374
Prix : 17 €


- Découvrir la chronique du tome 2


Nicolas Soffray
14 avril 2014


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