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Blacksad, histoire d’un chat privé d’amour !
Blacksad, un chat noir, un privé et déjà une série majeure pour Diaz Canales et Guarnido chez Dargaud.

Blacksad est apparu comme une comète dans le ciel de la bande dessinée. Dès le premier album, « Quelque part entre les ombres » s’impose comme un succès populaire dans la bande dessinée animalière. Un succès qui ne se démentira pas avec « Artic Nation », la seconde enquête du grand chat noir.
« Âme Rouge » l’entraîne à braver les foudres des politiques, les dangers de l’espionnage et de nouvelles déceptions humaines...



Fin de l’année 2000, Quelque part entre les ombres voit émerger la stature haute et souple d’un félin noir. Celle d’un privé désabusé qu’on appelle pour venir identifier le corps d’une jolie starlette. John Blacksad retrouve son ancien amour, une étoile apparue pour lui donner les plus beaux moments de sa vie. C’est le coupable de deux meurtres qu’il entreprend alors de retrouver : « celui d’une personne et celui de mes souvenirs » (p.9). La descente vers les bas-fonds de New-York peut commencer...
La saga Blacksad arrivait à peine que déjà Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido s’offraient un morceau de gloire.

Critiques et public sont au rendez-vous, même si quelques grincheux sussurent que le polar et ses personnages animaliers ont largement vécu. Quelle erreur de jugement !
Dans la préface, Régis Loisel salue l’événement et « le privilège de parler d’une bande dessinée aussi racée... »
Derrière une histoire, il est vrai, très classique, la force du dessin surprend et conquiert, l’émotion prédomine, les couleurs sont tout bonnement magnifiques alors que quelques personnages amusants viennent rappeler que Guarnido a longtemps bossé pour Disney (la petite femme de ménage, P.13).

La légende de Blacksad prend corps.

En mars 2003, le duo d’auteurs réapparaît avec Artic Nation. Ils ont déjà marqué la mémoire de la bande dessinée et on les attend au tournant...
Après l’intro très classique du premier album, le scénariste vient titiller les vieilles plaies et bosses de l’Amérique, ce vaste territoire de liberté où il ne fait pourtant pas bon être d’une autre couleur que le blanc.
Si Blacksad n’a cette fois pas de peine de cœur à panser, il doit retrouver une petite fille noire, enlevée sans qu’aucune plainte ne soit déposée, qu’aucune enquête ne soit menée... Ici, l’isolement, la misère, le chômage, la délinquance ont ruiné les derniers espoirs de ceux qui voulaient fonder un quartier où tous auraient leur place ! Déjà, certains appellent à « nettoyer nos rues des nègres et des ivrognes ! » (page 6). Notre chat noir n’en trouvera que plus de motivation pour déblayer un peu du côté de ce ramassis de racistes, leur prouvant au passage que tout n’est pas simplement blanc ou noir.
Il ajoute déjà une page importante au livre retraçant ses mémoires qu’il imagine écrire un jour (première phrase de la première planche de l’album).

Dans la méchanceté ordinaire qui caractérise notre monde, Guarnido nous gratifie de nouvelles gueules extraordinaires, de scènes explosives et d’images choc magnifiées (découverte du corps de Dinah P.24, notre chat veillant tel Batman d’un toît surplombant la ville ! p.29).

Diaz Canales instille la force du polar des durs à cuire propre à l’Amérique des années 50, les dialogues sont incisifs, la voix off omniprésente pour un cheminement constant dans les pensées du privé toujours plongé au dernier sous-sol de la bassesse de l’âme humaine.
Ces caractéristiques propres à ce type de récit sont encore plus poussées dans Âme Rouge, le troisième album qui s’annonce le 18 novembre 2005. C’est que le scénariste s’immerge dans une période trouble de l’histoire américaine, celle d’une chasse aux sorcières démentielle où il n’était pas de bon ton d’afficher un semblant d’idée communiste sans s’attirer les pires ennuis ! La guerre froide fait rage, l’Amérique possède la force de frappe atomique, les soviétiques non ! Le récit aborde les magouilles politiques, les mensonges policiers, les éliminations expéditives, les tortures mentales et physiques, l’espionnage...

Blacksad, plus désabusé et fauché que jamais survit en jouant les gros bras pour un milliardaire qui claque son fric à Las Vegas (certains se souviendront peut-être de la promesse faite pendant l’agonie de Cotten, la pie, en page 43 du Tome 2 : « Je t’ai livré la fille, alors jure-moi que tu m’emmèneras à Las Vegas »... Blacksad et ses auteurs prouvent qu’ils ont bonne mémoire !). Et le hasard, sous forme de retrouvailles avec un vieil ami qui n’est autre qu’un probable futur Prix Nobel pour ses travaux sur la... bombe vont le projeter dans un vilain nouveau sac d’embrouilles.
La violence des idées et des actes qu’elle entraîne, le crime (politique, cette fois), la paranoïa et une nouvelle belle rencontre amoureuse (au goût maussade, une fois encore !) entraîneront notre chat vers autant d’autres explorations de la méchanceté humaine.
Blacksad aura un nouveau très lourd chapitre à ajouter à ses mémoires...

Le lecteur se délectera une fois de plus devant un récit fort bien mené, un blues ambiant qui touche tous les protagonistes, des espoirs fragiles et émouvants qui cèdent devant le cynisme triomphant, des regards qui se posent sur l’homme qui évolue, se trompe, s’égare et cherche parfois le difficile chemin de la rédemption...

Le découpage est souvent monstrueusement réussi (scène de l’attentat : p.25 à 30), Guarnido touche au plus juste dans l’utilisation des couleurs et de la lumière, explorant même de nouvelles situations pour exposer quelques teintes peu coutumières de l’univers Blacksad (les verts de la scène de fin d’album « dans l’aquarium »). La palette d’émotions resenties lors de la lecture s’en trouve d’autant plus élargie ...

Une fois de plus le duo touchera un large public qui refermera ce livre avec une étrange sensation de mélancolie comme Blacksad referme la porte de son bureau, tirant un trait de désespoir sur de nouvelles illusions perdues et une promesse d’amour noyée dans les chutes du Niagara.

Oui, c’est sombre, vénéneux et triste... mais que c’est beau !

Lire la critique Blacksad, Âme rouge, une splendide rencontre teintée de mélancolie réalisée par Stéphane Pons avec le privé.

Avec l’arrivée du troisième album de Blacksad, les éditions Dargaud, en partenariat avec la galerie Christian Desbois, publient un beau livre qui met en relief le travail de Guarnido sur la mise en couleur : L’histoire des aquarelles.
Un autre rendez-vous que l’auteur a rendu passionnant par ses textes clairs et explicites, ses anecdotes qui accompagnent parfaitement cette envie si perceptible qui rejaillit sur l’ensemble de son travail d’artisan (comme il aime à le définir !).


Les renseignements utiles :
- Blacksad (T1) Quelque part entre les ombres
- Blacksad (T2) Artic Nation
- Blacksad (T3) Âme Rouge
- Editeur : Dargaud
- 56 pages, quadrichromie, 13 €

- L’histoire des aquarelles : Dargaud et Christian Desbois
- Même format que les albums,80 pages, quadrichromie, 19 €




Fabrice Leduc
17 novembre 2005




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Un privé débarque...



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Juan Diaz Canales, par qui naît l’histoire (photo Dargaud)



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Blacksad (T2) Artic Nation



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Juanjo Guarnido, dessin et couleurs. (photo Dargaud)



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Blacksad (T3) Âme Rouge-



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Il tue l’ennui dans une galerie d’art moderne !



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Une cover américaine... Blacksad est international.



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L’histoire des aquarelles : splendide et passionnant.



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