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Ressacs
David James Kennedy
Fleuve, roman (France), thriller, 427 pages, janvier 2014, 18,90€

Il y a parfois des gens qui n’ont vraiment pas de chance et des histoires qui tournent à la pelote de fils emmêlés. Si j’ai parfois tendance à dire que, lorsque l’on n’a pas d’idées, il vaut mieux ne rien faire, « Ressacs » va me mener à la phrase inverse : quand on a trop d’idées, il vaut mieux en faire plus. Plus de romans en l’occurrence. Est-ce que David James Kennedy a eu peur de ne pas être à la hauteur des grands maîtres de l’intrigue ? Aucune idée, mais une petite cure d’amaigrissement serait souhaitable pour le prochain essai. Sinon, tout va plutôt bien.



La première chose qui marque lorsque l’on prend un livre en main, c’est sa couverture. Il est assez souvent question de la superficialité de certaines d’entre elles dans les colonnes pour que leur importance soit notoire. Quand on lit beaucoup, il arrive parfois d’avoir des impressions de déjà-vu sur certaines couvertures. Et c’est exactement ce qu’il m’est arrivé sur « Ressacs ». Très simple, une fenêtre d’église gothique qui ouvre sur une mer agitée et un ciel ombrageux, cette prise de contact est esthétique, sombre…et suffisamment semblable à la première couverture de « L’Enfant des Cimetières » pour que cela saute aux yeux (pour rappel : fenêtre gothique ouvrant sur un cimetière avec un ciel rouge sang). Un hommage au nouveau maître du thriller français ? Possible. Il convient d’ailleurs de noter que malgré son nom à consonance anglo-saxonne, David James Kennedy est tout ce qu’il y a de plus français.

Dans l’ambiance générale de son ouvrage, l’auteur s’ancre dans le thriller noir, très noir. Il faut dire que le lieu est idéal. Un vieux monastère, perdu dans la lande ; une terre écorchée et à vif, une mer hypnotique et mortelle, des cieux plombés et orageux. Le récit ayant lieu en avril, le cap sur lequel se tient le vieux monastère, maintenant transformé en hôpital militaire, est balayé par les vents et la tempête. Ce sont dans ces conditions apocalyptiques que David James Kennedy va dérouler son écheveau de laine. Enfin, essayer en tout cas. Car si l’ambiance est au rendez-vous, le scénario est complexe, un peu trop même. Tâchons donc de ne pas spoiler ce récit.

Commençons par le commencement : un interne de médecine lors d’une nuit de garde, au chevet de l’un de ses patients. Ce dernier meurt, et l’interne disparait. S’ensuit un second meurtre, puis un troisième. Tom, un autre interne, se retrouve embarqué dans une histoire qui le dépasse. Et c’est là que les problèmes commencent. Pour Tom et pour le lecteur. Car la gendarmerie intervient très rapidement dans cette histoire, mais pas assez vite pour empêcher le jeune Tom de pénétrer dans la chambre de son collègue et s’approprier des indices d’importance, soi-disant pour préserver la réputation dudit collègue. Soit. Une première fois. La deuxième fois, ça commence déjà à être lourd et quand le troisième interne s’y met, le lecteur se dira probablement qu’il aimerait voir David James Kennedy changer de ficelle pour faire avancer son intrigue. Quant, sous surveillance policière, Tom décide de fausser compagnie à son garde du corps pour explorer une piste, on se dit que, décidément, trop c’est trop : il faut se renouveler, surtout en à peine plus de 400 pages.

Une chose est sure aussi, c’est que l’hôpital ne semble pas crouler sous les patients car les absences répétées du dernier interne en vie ne semblent pas porter à conséquence, et le jeune homme passe très peu de temps à exercer la médecine (sauf lorsque cela peut faire avancer l’intrigue), tout comme il s’arrête très rarement. Avec un tel régime, n’importe qui se serait déjà écroulé. Je n’entends pas par là que l’auteur doit, par le menu, nous détailler la vie intime de son héros, mais sur une histoire qui dure 6 jours, Tom passe toutes ses nuits soit à l’hôpital soit en enquête, puis à la gendarmerie, à la plage, en voiture… Une incohérence de plus dans cette histoire de médecin qui se prend pour un flic. Et pourtant l’idée aurait pu être bonne, surtout que le flic et le médecin ne suivent pas la même piste alors qu’ils disposent à peu près des mêmes éléments…Ou comment deux cerveaux traitent l’information différemment. Prometteur.

Malheureusement, la fin est beaucoup trop alambiquée. Deux meurtriers au sein d’un même hôpital, un petit hôpital qui plus est, et un troisième criminel, tout cela en moins de 400 pages. Un échange de bébés, un échange de cadavres, un projet médical hors cadre mais aux débouchés extraordinaires qui ne tiendra que quelques lignes… Toujours les mêmes ficelles réutilisées à l’envi au sein de la même histoire. Et toujours beaucoup trop… de coupables, de mobiles. Cela permet au moins de leurrer le lecteur qui ne pourra très certainement pas tout deviner avant la fin de ce « Ressacs » qui, comme les rouleaux de l’Atlantique, pourrait bien vous faire oublier la direction de la surface.


Titre : Ressacs
Auteur : David James Kennedy
Couverture : Axel Mahé
Éditeur : Fleuve éditions
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 427
Format (en cm) : 14 x 22,6 x 2,8
Dépôt légal : janvier 2014
ISBN : 978-2-265-09818-3
Prix : 18,90 €



Emmanuelle Mounier
28 février 2014


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