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Gouffres de la lune (Les)
Arthur C. Clarke
Milady, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), science-fiction, 381 pages, décembre 2013, 7,60€

Publié en langue originale en 1961, « Les Gouffres de la lune » a connu en France une histoire complexe. Il a été publié au Fleuve Noir en 1962 en deux volumes « S.O.S. Lune » et « Les Naufragés de la Lune », puis repris une douzaine d’années plus tard chez Marabout, en deux volumes également, mais sans que ces titres ne soient scrupuleusement respectés puisque si le second tome se nommait bien « Les Naufragés de la lune » le premier, lui, se voyait rebaptisé « Les Gouffres de la lune ». Il aura fallu attendre pas moins de quarante ans pour que les éditions Milady se décident à simplifier les choses en reprenant l’ensemble en un seul volume et sous le titre unique de « Les Gouffres de la lune ». Un choix de titre qui a été fait en 1974 par Marabout, donc, et qui pourtant prêtait déjà à confusion, « Le Gouffre de la lune », d’Abraham Merritt ayant été publié en France en 1957. Quant à une traduction littérale du titre d’origine, « A Fall of Moondust », personne ne s’y est jamais risqué.



Dans un futur proche, l’homme s’est lancé à l’assaut des étoiles et a largement colonisé la lune. Celle-ci est désormais si facile à atteindre qu’elle est devenue pour les Terriens qui en ont les moyens une destination touristique. On s’y promène désormais en toute sécurité - du moins est-il permis de le croire – à bord de véhicules terrestres tels que le Séléné, conçu pour faire visiter à un groupe entier de touristes la surface de la lune, et même à leur faire découvrir la fameuse « Mer de la Soif », bordée de montagnes magnifiques. Cette mer, bien entendu, ne renferme pas la moindre trace d’eau : elle n’est constituée que d’une poussière multimillénaire.

Las, on n’a jamais tout prévu. Si le Séléné navigue parfaitement et sans risque aucun à la surface de cette mer de poussière, nul n’a été capable d’anticiper un subit frémissement géologique, un de ces effondrements de terrain qui ne surviennent, peut-être, que tous les quelques siècles, et qui subitement ouvre sous le nez du véhicule un véritable gouffre dont il dévale la pente. Au-dessus du vaisseau, la poussière se referme, remplit le trou, s’égalise en surface, reprend son allure antérieure, comme si rien ne s’était jamais passé.

Nos voyageurs se retrouvent donc capturés dans un piège quasiment parfait, d’autant plus que les ondes radio ne se propagent pas à travers cette poussière, et qu’aucun indice ne permet de localiser le Séléné. Une carence d’autant plus regrettable que non loin de là des segments de montagnes se sont eux aussi effondrés : les experts concluent bientôt que le Séléné, totalement broyé, gît sous des amas faramineux de roches. Les naufragés sont donc considérés comme morts, et leurs dépouilles inaccessibles.

Tout ceci, bien entendu, serait sans prendre en compte l’astuce de Tom Lawson, un jeune scientifique de génie qui, en observant la région du désastre à l’aide de capteurs thermiques, ne manque pas d’observer des irrégularités qui l’intriguent. Et ses conclusions ne manquent pas de réveiller l’espoir des administrateurs lunaires, et tout particulièrement de Lawrence, l’ingénieur en chef chargé des secours.

Bientôt, l’épave est localisée sous dix mètres de poussière. Mais comment apporter aide aux naufragés alors que cette poussière, dans la faible gravité lunaire, se comporte exactement comme un liquide sirupeux ? Lesdits naufragés ont des vivres en suffisance, mais leurs réserves d’oxygène sont modestes. Au bout de deux jours, alors même que leurs sauveteurs ne sont pas parvenus à les localiser précisément, les premiers problèmes surviennent.

Nous sommes donc dans un roman-catastrophe classique, une histoire de sauvetage non pas en milieu spatial, non pas dans un classique sous-marin, mais dans un milieu nouveau, ce qui – outre de donner une originalité certaine à l’aventure – confronte à la fois les naufragés et leurs sauveteurs à des défis inattendus. À travers les idées et comportements de Lawrence, de Lawson, du scientifique Ferraro, un savant de la Société de Jésus, de Pat Harris, capitaine du Séléné, de Sue Wilkins, la jeune guide touristique, de Maurice Spenser, journaliste affûté, et de l’ensemble des touristes, Arthur C. Clarke emmène le lecteur, sans véritable temps mort, tout au long de près de quatre cents pages.

Cet auteur et astrophysicien, on le sait, a toujours eu un talent particulier pour décrire l’espace et le faire partager au lecteur comme s’il y était : dans les premiers chapitres, ses mises en scène des paysages lunaires et de la Terre vue de la lune valent bien les effets spéciaux de métrages contemporains. Quant à l’aspect roman-catastrophe, la série de rebondissements soigneusement calculés, les affres des passagers et des sauveteurs, les espoirs et les désillusions, sans compter l’aspect farfelu des solutions techniques proposées par des quidams désireux d’apporter leur aide, tout ceci fonctionne parfaitement.

Une des très bonnes idées d’Arthur Clarke est d’avoir abordé la survie et la recherche du maintien du moral et des aptitudes des naufragés, d’origines différentes et confinés dans un espace exigu, par le biais de la dynamique de groupe. Dans celui-ci se trouve en effet un ancien commandant de vaisseau spatial qui comprend que le point crucial se situe à ce niveau : il multiplie donc les efforts pour, des jours durant, évacuer l’angoisse et occuper le groupe à des activités collectives pour maintenir la cohésion nécessaire.

Un point fort, assurément. Car si certaines lignes de dialogue peuvent apparaître légèrement datées, force est d’avouer que ce roman cinquantenaire convainc, et n’a pas particulièrement vieilli. Mieux encore, son appartenance aux générations précédentes lui évite de sombrer dans les écueils rituels du récit catastrophe contemporain, qu’il soit romanesque ou cinématographique. On a bien du mal à imaginer, en effet, qu’un tel ouvrage puisse de nos jours être écrit sans les clichés habituels : on saurait tout des traumatismes de la petite enfance des touristes, l’un d’entre eux serait inévitablement homosexuel, un autre, catholique intégriste, y invoquerait la justice divine, il y aurait le non moins inévitable enfant en tire-larmes (dont les parents, comme il se doit, seraient divorcés), et pire encore le clébard de service (ces scénarios catastrophes où l’on meurt à tout va, mais où le cabot s’en sort, donc tout est bien qui finit bien). Et c’est sans doute cette absence d’appartenance trop marquée à une époque précise qui a permis à ce roman de traverser les décennies.

Une bonne idée, donc, d’avoir réédité ce roman de l’âge classique, et une meilleure idée encore que de l’avoir enfin publié en un seul volume, avec, en prime, une belle illustration de Pascal Casolari.


Titre : Les Gouffres de la lune (A fall of Moondust, 1961)
Auteur : Arthur C. Clarke
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : B.R. Bruss
Couverture : Pascal Casolari
Éditeur : Milady (édition originale : Fleuve Noir,1962)
Collection : Science-fiction
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 381
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : décembre 2013
ISBN : 978-2- 811211028
Prix : 7,60 €



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Hilaire Alrune
10 janvier 2014


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