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Barrière Mentale et autres intelligences
Poul Anderson
Le Bélial’, recueil contenant un roman et trois nouvelles, traduit de l’anglais (États-Unis), science-fiction, 330 pages, juin 2013, 19€

Du jour au lendemain, l’intelligence des Terriens se développe de façon spectaculaire. Chacun découvre la vie sous un autre angle et doit s’adapter à ce nouvel état. Le QI de certaines personnes atteint des sommets, leur ouvrant de nouveaux horizons...
Le changement est brutal, l’adaptation difficile à gérer, la société s’en retrouve bouleversée.



« Barrière Mentale et autres intelligences » représente le neuvième ouvrage que le Bélial’ consacre à Poul Anderson, un écrivain majeur des genres qui nous font vibrer. Le récent « Tau Zéro » nous a montré toute sa maestria en mettant en scène la course folle d’un vaisseau à travers l’espace et le temps.

Pour « Barrière Mentale », son premier roman datant de 1954, il imagine un phénomène cosmique permettant à l’intelligence humaine de s’en trouver multipliée. Il a choisi de suivre quelques personnages pour développer son intéressant potentiel de départ.
Ce roman aurait été écrit de nos jours, il aurait facilement fait dans les 500 pages. En l’occurrence, il n’en fait même pas la moitié, ce qui rend l’évolution rapide et les changements hachés. Il aurait peut-être fallu s’étaler plus pour mieux poser les différentes étapes. Toutefois, la concision a ses avantages et profiterait à bien des écrits d’aujourd’hui.

Cet accroissement de l’intelligence pose bien des problèmes de société. Voudriez-vous encore d’un poste de manœuvre, alors que votre esprit est assoiffé de connaissances ? Les bases sur lesquelles elle repose vacillent. Les scientifiques explorent des voies qui les dépassaient totalement, résolvent les problèmes à vitesse grand V.
Un simple d’esprit avant le phénomène devient une personne normale. Archie Brock se retrouve face à des responsabilités dont il ne soupçonnait même pas l’existence auparavant. C’est d’ailleurs cet aspect qui m’a le plus séduit dans ce roman. Il mène une vie de fermier qui n’est pas sans rappeler par certains côtés Clifford D. Simak. Il se retrouve seul, ses anciens collègues plus malins ne voulant plus s’esquinter à travailler la terre. Et surtout, c’est l’occasion de voir les nouveaux rapports entre les animaux et les humains. Cette trame, hélas pas assez exploitée, s’avère plutôt réussie.

L’autre groupe constitué d’un syndicaliste, d’un scientifique et de sa femme se heurtent à d’autres problèmes. Cette dernière éprouve le plus grand mal à trouver sa place, à ne pas penser à sa nouvelle condition. Les deux autres en profitent pour voir plus loin.
C’est dans cette trame que j’ai le plus à redire. Alors que l’on sent vraiment le manque de main-d’œuvre, des réalisations grandioses semblent construites en deux temps trois mouvements. Alors que Poul Anderson a joué des lois de la relativité dans « Tau Zéro », il en fait ici fi. Il faut dire que le fil dramatique (le rapport entre le scientifique Peter Corinth et sa femme Sheila) n’y aurait pas survécu. Il s’attarde sur les seules voies de l’esprit, sur le développement de l’intelligence et ses conséquences. Il y a déjà de quoi donner le tournis !

Après réflexion, si j’ai autant à redire sur « Barrière Mentale », c’est peut-être simplement qu’il accuse son âge et que Poul Anderson y exprime entre autres des idées que je trouve discutables (notamment parler de deux races pour cette humanité transformée !). Il a beau être court, sa lecture est heurtée.
Il imagine en passant une nouvelle façon de converser, un simple geste ou une attitude dépassent le cadre de la parole et les nouvelles capacités permettent d’en dire beaucoup avec peu de moyens. Même de trop, me semble-t-il. Il pousse le bouchon un peu loin. Il aurait parlé de télépathie, étape suivante d’un cerveau beaucoup plus efficace, cela ne m’aurait pas choqué. Mais ce n’est pas vraiment le cas et il est difficile d’adhérer à son mode d’expression.
Bref, beaucoup de détails me dérangent à travers ses pages et m’ont fait décrocher à multiples reprises.
Un premier roman ambitieux, mais si certains passent très bien le cap des décennies, d’autres peinent à le faire. La conclusion n’en est pas moins magnifique et montre que l’humanité a survécu à ce changement.

Comme souvent au Bélial’, on aime proposer aux lecteurs plus qu’un simple roman, c’est ainsi que trois nouvelles l’accompagnent. Leur choix n’est pas anodin, car elles tournent toutes autour du même sujet : l’esprit.
Les arriérés” nous présente l’arrivée de Galactiques sur Terre. Leur civilisation est beaucoup plus avancée que la nôtre, leur technologie dépasse donc de loin la nôtre. Mais quid des êtres ? On peut juste regretter que la conclusion soit expédiée en quelques lignes.

Dans “Technique de survie”, trois hommes sont envoyés à des fins d’études dans le passé à l’époque romaine. Par contre, le procédé nécessite un échange de masse égale, ce qui fait que trois personnes du passé arrivent pour les remplacer dans le présent. Qui s’adaptera le mieux ?
La forme épistolaire et l’idée de base en font un très bon divertissement, également riche d’enseignements.

Terrien, prends garde !” ou l’histoire d’un être pourvu d’une intelligence hors normes. Sans trop en révéler, on peut dire qu’il n’aura de cesse de retrouver les siens. Comment et pour quel résultat ?
La fin possède quelque chose de terrible, surtout après les révélations qui nous sont faîtes tout au long du récit.

Une préface de Jean-Daniel Brèque, grand connaisseur de l’écrivain, replace « Barrière mentale » dans son contexte, ce dont j’ai eu du mal à faire abstraction, et deux chercheurs en neurosciences signent la postface “L’intelligence : entre science-fiction et neurosciences”.
J’avoue qu’avec “Technique de survie” et “Terrien, prends garde !” c’est ce que j’ai préféré dans ce recueil.


Titre : Barrière Mentale et autres intelligences
Contenant : Barrière Mentale (Brain Wave, 1954), Les arriérés (Backwardness, 1958), Technique de survie (Survival Technique, 1957) et Terrien, prends garde ! (Earthman, Beware !, 1951)
Auteur : Poul Anderson
Traductions de l’anglais (États-Unis) lors de la première publication et dans l’ordre d’apparition : Alain Dorémieux, Roger Durand, P. J. Isabelle et Arlette Rosenblum
Traductions revues et complétées : Pierre-Paul Durastanti
Couverture : Manchu
Éditeur : Le Bélial’
Directeur de collection : Olivier Girard
Site Internet : Roman (site éditeur)
Pages : 330
Format (en cm) : 13,9 x 20,5
Dépôt légal : juin 2013
ISBN : 978-2-84344-120-2
Prix : 19 €



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- « La Patrouille du Temps »
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François Schnebelen
23 septembre 2013


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