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Faucheurs sont les anges (Les)
Alden Bell
Folio, collection FolioSF, n°459, traduit de l’anglais (États-unis), fantastique / zombies, 305 pages, août 2013, 7,70€

Premier roman d’Alden Bell, « Les faucheurs sont les anges » nous entraîne en compagnie d’une jeune fille de quinze ans errant à travers des États-unis dévastés et en proie aux zombies. Mais, l’épidémie ayant commencé vingt-cinq ans plus tôt, elle n’a jamais connu le monde d’avant.



« L’écran d’un moniteur a éclaté et, coincée dans la cavité, une tête d’homme momifiée, toujours chaussée de lunettes, affiche un rictus. »

Nous sommes dans un monde post-apocalyptique. Il y a vingt-cinq ans, la civilisation a sombré face à l’émergence de zombies. Quelques humains ont survécu, certains constituant des enclaves, d’autres errant au hasard. Dans ce monde, une jeune fille de quinze ans, Temple, fait partie de ces errants particulièrement aptes à la survie. Nous la suivrons d’un bout à l’autre du roman.

« Soit on les mange, soit ils nous mangent.  »

Un roman dont l’entame est à la fois morbide et poétique, puisque l’adolescente, réfugiée dans un phare, y vit une sorte de choc esthétique devant des poissons baignant dans la lumière lunaire ; puis elle y achève un zombie qui a réussi à se traîner jusqu’à son îlot. Mais, à peine passé ce premier chapitre réussi, le lecteur va subir une déception cruelle : comprenant que le phare n’est désormais plus un refuge, la jeune fille regagne à la nage une zone urbaine, et y trouve une auto en état de marche. Elle prend la route – bien entendu de nuit. Bien entendu, elle tombe en panne. Bien entendu, il y a pas loin une maison à l’abandon. Bien entendu, elle y va, en pleine obscurité, dans l’espoir d’y trouver des outils. Bien entendu, elle ne trouve rien de mieux à faire que des descendre à la cave. Et bien entendu, à la cave… Un chapitre consternant, rien d’autre qu’une série de clichés éculés, qui de surcroit cassent complètement le personnage mis en scène dans le premier chapitre, en faisant, de cette jeune fille, particulièrement éveillée et naturellement apte à la survie, une idiote complète.

Encore pourrait-on penser qu’il s’agit d’un quelconque hommage cinématographique, mais notre héroïne répétera exactement la même erreur au chapitre huit, et, pour expliquer la perte du jeune garçon dont elle avait la charge, quelques années auparavant, l’auteur met une fois de plus le couvert, avec un épisode d’imprudence complète. Force est d’avouer que tout cela ne tient pas debout, et donne l’impression qu’Alden Bell peine grandement à construire son histoire. Une impression aggravée par la mise en scène, dans la seconde partie du roman, d’une espèce intermédiaire entre vivants et morts, qui arrive avec un total manque d’à-propos et se termine en queue de poisson, totalement abandonnée, comme si l’auteur avait essayé d’imprimer à son récit une nouvelle direction avant de changer d’avis.

Des défauts, « Les Faucheurs sont des anges » n’en manque donc pas. Entre les personnages stéréotypés, les rebondissements artificiels, l’absence de tout cohérent, et les détails impossibles, il n’y a guère de chapitre qui ne fasse tiquer le lecteur. Notons par exemple la belle idée des zombies sur un manège, lequel continue à tourner dans une ville à l’abandon depuis vingt cinq ans, puis une autre ville elle aussi à l’abandon où l’électricité fonctionne toujours, ce qui est bien évidemment impossible. Notons également cette ville où les zombies (on ignore pourquoi à cet endroit seulement) se dévorent entre eux… comment peut-il en rester autant au bout de tant d’années ? Et notre héroïne qui se contente de fuir aveuglément son poursuivant humain alors qu’elle n’a qu’à lui tendre une embuscade à l’aide de son fusil AR 15 à lunette avec lequel elle passe son temps à déquiller des zombies ? Et que dire de cette scène ou un personnage retrouve, dans leur lit, ses parents qui ont préféré se suicider devant l’invasion des zombies et qui semble tout droit copiée du film « 28 jours plus tard ? »

« A présent, la plupart des vitrines étaient brisées, et l’incroyable éclat du soleil transformait en crocs acérés les arêtes de verre frangeant les béances enténébrées.  »

Alden Bell, on le voit, a eu énormément de mal à bâtir son récit, qui n’apparaît construit que de bric et de broc. Pourtant, tout n’est pas mauvais dans ce roman qui offre quelques scènes émouvantes, comme ce colosse simplet déambulant en portant dans des bras sa grand-mère morte, sans comprendre qu’elle va bientôt se réveiller et le mordre, traînant derrière lui, sans s’en rendre compte, une meute de ces zombies que l’on nomme tour à tour les « limaces » (en raison de leur lenteur) ou les « sacs à viande », ou ces détails minuscules, qui, dans les pires moments, viennent illuminer la vie de Temple en lui rappelant que l’on peut trouver partout de la beauté. Et le dernier chapitre, passablement tragique, et qui n’est pas sans rappeler la fin du « Feed » de Mira Grant, vient terminer ce roman sur une note particulièrement poignante.

« Il n’y a pas d’enfer assez profond pour empêcher le paradis d’y entrer.  »

Au total, « Les Faucheurs sont les anges  » laisse donc une impression mitigée, celle d’un récit inabouti. Roman hybride, quelque part entre la bit-lit, le récit de zombie et la littérature de genre, roman sans doute opportuniste (les zombies sont à la mode, faisons du zombie) « Les Faucheurs sont les anges » n’a pas les qualités suffisantes pour s’inscrire durablement dans la mémoire. Notons toutefois que la quête de beauté qui apparaît en filigrane dans les aventures de la jeune Temple, ainsi que sa fin dramatique, permettent en définitive de lui accorder quelque crédit.

Littérature et zombies sur la Yozone :
- « Apocalypse zombie » de Jonathan Maberry
- « Feed » de Mira Grant
- « World War Z » de Max Brooks
- « Guide de survie en territoire zombie » de Max Brooks

Titre : Les Faucheurs sont les anges (The Reapers are the Angels, 2010)
Auteur : Alden Bell
Traduction de l’anglais (États-unis) : Tristan Lathière
Couverture : Sam van Olffen
Éditeur : Folio (édition originale : Bragelonne, 2012)
Collection : FolioSF
Site Internet : page roman (site éditeur)
Numéro : 459
Pages : 305
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : août 2013
ISBN : 978-2-07-045237-8
Prix : 7,70 €



Hilaire Alrune
14 septembre 2013


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Edition Bragelonne 2012



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