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Rafale (T2) Les Traverses de Song-Lap
P. Cothias, P. Ordas & Winoc
Grand Angle

Le premier volume était particulièrement réussi. Ce nouvel épisode aussi.
Comme toujours, les auteurs nous proposent une histoire riche en rebondissements, mettant en scène des personnages à la psychologie complexe. Il n’y a ni gentils, ni méchants. Seulement des hommes.



Patrice Ordas et Patrick Cothias nous offrent une fois de plus un scénario complexe et crédible. Les recherches historiques sont indéniables. Les personnages, les situations, les décors et les discussions transpirent de réalisme.
Je l’avoue, je ne suis pas férue des BD historiques. Et mes connaissances concernant le conflit en Indochine se limitent à quelques vieux souvenirs lycéens. Pas grand-chose quoi. Pourtant, grâce à ses personnages emblématiques, « La Rafale » nous transporte facilement en 1948, en pleine jungle de cette ancienne colonie française. Dans cet univers moite, les idéologies s’opposent. A l’image de l’humanité, les états d’âmes et les convictions des protagonistes sont variés. Certains combattent pour protéger les leurs, d’autres par devoir ou par honneur, d’autres encore par choix politique. Dans ce récit, où chaque personnage a une identité propre, il n’y a ni bonne, ni mauvaise raison pour combattre. Et si un individu ne participe pas directement au conflit, il n’en reste pas moins un observateur impliqué, de gré ou de force.

Frédéric Daguet est un jeune ingénieur du Chemin de fer Transindochinois. Enrôlé à bord de La Rafale, un train blindé de la légion étrangère en charge de protéger et ravitailler le territoire, Frédéric assure la maintenance du convoi. Les idées se bousculent dans la tête de cet ancien résistant. D’un côté, il est protégé et sympathise avec des légionnaires au fort accent germanique, ayant peut-être appartenu à la Waffen-SS. De l’autre, il respecte profondément les Vietminh, ces combattants prêts à mourir pour leur pays. Partageraient-ils la même idée du communisme ? Les combattants des deux camps seraient-ils si différents ? Une seule chose est certaine : une issue pacifique est maintenant impossible. Le convoi essuie régulièrement les assauts des Vietminh. Pour les légionnaires, il ne fait aucun doute que les insurgés vont s’attaquer au poste avancé de Song-Lap, une gare isolée stratégique pour l’aiguillage de La Rafale. Frédéric Daguet, le seul ingénieur de l’équipe, se retrouve en charge de renforcer les défenses du site. La Rafale dépose alors quelques homme et repart pour sa mission de ravitaillement, promettant à Daguet de faire demi-tour dès que possible. Mais les éclaireurs ont décelé des mouvements suspects dans la forêt alentour. Les prochaines heures s’annoncent difficiles pour Daguet et les légionnaires sensés tenir cette position…

Cette fiction, certes très bien documentée, propose un rythme soutenu et de nombreux rebondissements étonnants. On ne s’ennuie pas une seule seconde. Finalement, cette histoire aurait très bien pu se passer dans un univers totalement fantastique. Une planète isolée par exemple. Le contexte historique est là, bien présent, mais les auteurs ont su étoffer leur récit pour ne pas sombrer dans la simple évocation événements historiques. La lecture n’en est que plus aisée.
Les dialogues des personnages, assez justes, sont l’occasion d’énoncer la complexité des acteurs de l’époque. Chaque héros présente sa propre vision de l’Indochine. On assiste alors, en spectateur invisible, à des critiques constructives de certains protagonistes. J’ai particulièrement apprécié la phrase : « Les Phalangs ne sont pas tous des tyrans mais seulement des amoureux de l’Indochine, des amoureux jaloux et maladroits ». La confrontation de ces points de vue pertinents contribuent au réalisme de l’ensemble.

Notez que la première édition de cet album sera complétée d’un bonus de huit pages concernant les trains blindés de la légion en Indochine. Ces quelques pages présentent un peu le contexte historique et offrent plusieurs photos d’époque. Le document a été réalisé avec le concours du centre de documentation de la Légion étrangère et de la Division Communication Information de la Légion. Les textes ont d’ailleurs été rédigés par un lieutenant du centre de documentation de la légion. Ces huit pages sont assez intéressantes, mais finalement assez dispensables. En fait, j’aurais préféré que cette partie décrive d’avantage les faits et les événements historiques. On a un peu l’impression de survoler le sujet avec des photos assez peu informatives (trois militaires qui sourient du haut de leur tourelle, un homme de dos sensé réaliser « les derniers préparatifs avant le départ »…). On reste sur notre faim. Pire, le lecteur peut (à juste titre !) remettre en cause l’impartialité de certaines informations compte tenu du rédacteur. Les textes sont truffées de phrases subjectives et peu vérifiables telles que : « Tout au long de la guerre, les relations entre légionnaires et civils des trains blindés seront toujours excellentes. ». On constate du coup un léger décalage avec le ton résolument humaniste et crédible de la BD. Pour ce genre de sujet grave, la frontière entre information et propagande est souvent très mince…

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Les dessins de Winoc sont toujours aussi réussis. Les décors, qui ne fourmillent pourtant pas de détails, sont crédibles et vivants. De nombreux figurants occupent les cases, renforçant l’immersion du lecteur. Le cadrage est assez moderne, le dessinateur ayant souvent recours à l’insertion de vignettes dans ces cases pour dynamiser la lecture. Les scènes d’actions sont vivantes et fluides. On a parfois l’impression que certaines cases ont été rapidement esquissées, l’illustrateur n’ayant volontairement pas cherché à peaufiner son travail. Ce style graphique ne gène en rien la lecture. Au contraire, il renforce la sensation de vitesse de certaines scènes. Les couleurs subtiles et les jeux de lumière de Nadine Voillat, qui a l’habitude de travailler avec Winoc, servent parfaitement le récit.

Cette BD demeure donc une fiction réaliste portée par une écriture subtile, interdisant tout manichéisme.
Plusieurs histoires parallèles enrichissent le récit de cet album. Il serait vraiment dommage de vous les présenter toutes, au risque de vous gâcher le plaisir de lecture. Je ne peux donc que vous recommander chaudement la découverte de ce triptyque. Pour le moment, aucune date de sortie n’a été annoncée pour le troisième volume. Il faudra sans doute être un peu patient.


(T2) Les Rails rouges
- Série : La Rafale
- Scénario : Patrick Cothias et Patrice Ordas
- Dessin : Winoc
- Couleur : Nadine Voillat
- Éditeur : Grand Angle
- Dépôt légal : 6 février 2013
- Format : 235 x 310 mm
- Pagination : 48 pages couleurs
- ISBN : 978-2-8189-2220-0
- Prix Public : 13,90 €


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Illustrations © Winoc et Bamboo Edition (2013)



Allison & Julien
7 août 2013




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