Autre grande nouveauté, un article sur l’artiste Lukáš Kándl. Son imaginaire ne peut que séduire les lecteurs de « Galaxies »/« Lunatique ». Une très belle initiative à saluer et à encourager, en espérant la revoir avec des noms tels que Gérard Di-Maccio, Peter Gric… Le rêve ne passe pas uniquement à travers les mots, un tableau peut suggérer le même sentiment et nous amener très loin dans sa contemplation.
La BD n’est pas oubliée avec « Kraken », une bande dessinée espagnole parue initialement en 1983, ainsi que le volet souvenir avec le livre « La dixième Planète » de C.H. Badet (1954) et « Saturnin Farandoul », un film italo-français de 1913.
Les chroniques habituelles de livres ont disparu, avantageusement remplacées par des articles sur des sujets variés. C’est au niveau des rubriques que la griffe Lunatique se fait le plus ressentir.
Le gros morceau de ce numéro est consacré au dossier sur B.R. Bruss, un auteur bien connu des amateurs des collections Anticipation et Angoisse du Fleuve Noir. Mais ce pseudo n’est qu’une face de l’homme. Avant la guerre 39-45, conflit pendant lequel il était haut-fonctionnaire du régime de Vichy, il a publié sous son vrai nom René Bonnefoy, puis après sous les pseudos de B.R Bruss et Roger Blondel, ce qui n’a rien d’étonnant.
Ce dossier nous permet de mieux découvrir les deux facettes Bruss/Blondel à travers une présentation, une bibliographie, un ancien entretien instructif et trois nouvelles de son cru, plus une de Jean-Pierre Andrevon.
Ces quatre textes vont deux par deux, trouvant d’étranges échos entre eux. “La bataille noire” de B.R. Bruss, daté de 1954, présentant une guerre contre des fourmis géantes, fruits des expériences nucléaires, est revu en 1977 à la sauce Roger Blondel, devenant “La guerre du pou”, une déferlante de mots, d’interventions de personnages s’entrechoquant pour former une histoire étonnante. Quelle maestria !
“Les roues et les couloirs” (1973), aussi signé Roger Blondel affiche la même démesure, la même avalanche apte à nous perdre en son sein, si on ne la lit pas à tête reposée. On en appréciera la magie des mots, mais ce qu’il raconte nous échappera. C’est là que “Dans le train” de Jean-Pierre Andrevon prend tout son sens. En introduction, il fait preuve d’un bel humour, condamne cette pratique de glisser un de ses textes, alors que l’on est en charge du dossier, et que si cette insertion nous choque, on peut très bien la sauter. N’en faîtes rien ! “Le dernier train” constitue un admirable éclaircissement du précédent “Les roues et les couloirs”. Il s’agit de la vie d’une personne vue à travers la lorgnette d’un voyage en train. Si Jean-Pierre Andrevon fait montre de style, que dire de Roger Blondel qui va bien plus loin…
Voilà un dossier complet qui donne un nouvel éclairage sur B.R. Bruss et Roger Blondel, véritables Dr Jekyll et Mister Hyde de la littérature.
Cinq nouvelles complètent les pages de ce « Galaxies ».
Dans “Sarabande mécanique”, Anthelme Hauchecorne nous plonge dans une ambiance victorienne du futur. Duel entre gentlemen (?) comme dans l’ancien temps, mais à l’issue différente avec les nouvelles technologies. Mélange des genres, humour noir, drame, amour : un cocktail détonnant pour une très belle nouvelle.
Hugo van Gaert s’inspire de la fin du monde à laquelle nous venons juste d’échapper. S’il s’était vraiment passé quelque chose ce jour-là, que nous y avions assisté et qu’une deuxième chance nous était offerte, qu’en ferions-nous ? “2012 : un voyage inattendu”, un texte agréable, à l’idée toutefois beaucoup trop exagérée, surfant sur l’actualité du moment.
“Microcosme” de Nina Allan m’a tout de suite fait penser au courant Mundane. Elle se déroule dans un avenir proche avec des effets du réchauffement climatique beaucoup plus apparents qu’aujourd’hui. Il ne s’y passe pas grand-chose, c’est lent, mais l’atmosphère est très bien rendue et, au final, j’ai trouvé “Microcosme” vraiment très bien. Mais le Mundane n’aura pas le même écho chez tout le monde… Toutefois, belle trouvaille !
Le titre “Demi-sang” et son auteure Sophie Dabat suggèrent tout de suite le sujet de la nouvelle : les vampires. Et l’on ne se trompe pas ! Commencée avec un a priori, car cette mode vampirique ne me touche pas, je me suis finalement pris au jeu, à cette jeune fille normale grandissant dans une famille de vampires, me disant : « Tiens, c’est une bonne surprise ! », jusqu’à la fin où cela tourne au vinaigre dans une scène d’initiation. Après je n’y ai plus du tout cru, comme quoi mon sentiment initial s’est vérifié.
À l’image de Hugo van Gaert, Emmanuelle Nuncq abandonne toute vraisemblance dans “Des étoiles au coin des yeux”. Une bibliothécaire s’ennuie à son travail. L’irruption de Cyrano de Bergerac la sort de sa routine, mais lui apporte son lot de surprises. Pas du tout accroché.
Un « Galaxies 20 » ou « Lunatique 85 » avec un excellent dossier B.R. Bruss, des rubriques novatrices, mais une partie Nouvelles en demi-teinte.
Toutefois, l’ensemble est de bonne tenue et les apparitions deux fois l’année de « Lunatique » seront attendues.
Titre : Galaxies Nouvelle Série
Numéro : 20 (62 dans l’ancienne numérotation)
Sous titre : Lunatique 85 – B.R. Bruss
Directeur de publication : Pierre Gévart
Rédacteur en chef délégué pour ce numéro : Jean-Pierre Andrevon
Couverture : Hugo Varlez
Type : revue
Genres : SF, études, critiques, entretiens, etc.
Site Internet : Galaxies
Dépôt légal : novembre 2012
ISSN : 1270-2382
Dimensions (en cm) : 13,8 x 20,9
Pages : 192
Prix : 11€
