Les photos sont installées tout autour de cette pièce d’exposition en haut du Palais de Tokyo. Sans cartel, nous ne possédons aucune information et nous pouvons regarder librement les photos. Notre imagination se laisse divaguer au fil des photos qui sont placées comme sur une portée.
La foule frisonne lorsque Bernard Comment annonce que Lou Reed devrait venir normalement d’ici une quinzaine de minutes. Les excuses sont grandes et cette annonce fait l’effet d’une bombe.
Aura-t-on la chance d’avoir la lecture de Lou Reed ?
Après un gros quart d’heure d’attente (on frise la demi-heure) comme toute rock star qui se respecte, Lou Reed rentre la mine renfrognée dans une salle fébrile et tressaillant à chaque pas de ce grand monsieur.
Après s’être assis, Lou Reed, nous aboie littéralement dessus.
« Shut up in the back ! » furent les premiers mots entendu par l’assemblée. Lorsque l’injonction fut de nouveau proférée, les personnes du fond ont expliqué que la rumeur venait du bas et non d’eux.
Bon gré mal gré, Lou Reed ouvrit le classeur posé sur le bureau et commença la lecture. Au fur et à mesure, il se prit au jeu. Son univers nous submerge : sa voix rauque, ses photos, sa présence.
Un échange plutôt convivial a démarré avec le public. Des questions autour de ses photos, de sa ville, de sa vision de la photographie ont été posées, voici quelques rendus de ce moment.
Lou Reed fit sa première photo en 1966, c’est l’émotion qui le pousse à réaliser des photos, au moment où son cœur va vite. Dans ses photos, Lou Reed voit le pouvoir des mots et c’est de pouvoir qui le fait avancer.
Les photos sont prises sur le vif et sont sans construction. Il ne fait jamais appel aux ordinateurs et n’utilise pas Photoshop. Il ne retouche pas ses photos. C’est grâce aux différentes techniques photographiques qu’il obtient les différents rendus.
La ville la plus représentée sur les photos est sans surprise New York City. Des questions sont posées sur l’évolution de la ville en quarante ans de temps. Lou Reed exprime que les changements sont la violence et l’ouragan. Sa seconde ville préférée est Paris mais, comme il le dit, avait-il d’autres possibilités à dire en ce lieu ?
« Paris is so beautiful all the time »
Aucune photo ne montre sa première vie, celle de la musique. Il explique que les backstages ou que la vie du groupe ne l’intéressent pas « the band is the band ». La musique dirige son monde, c’est son énergie. Il écoute de tout, ce matin-là, il se réveilla avec de la dance.
Les photos exposées ce jour sont celles prises depuis 1996. Il décrit cette exposition comme « une pensée visuelle ». Si ce livre existe, c’est grâce à sa rencontre avec Bernard Comment à Arles cet été.
Pendant des heures, ils ont discuté et l’idée du livre est né. Pas comme une rétrospection mais comme une vibration, une histoire qui se regarde, qui se lit comme une partition de musique.
Des échanges techniques ont lieu autour des différents appareils photos qu’il a pu employer tout du long. Un faible pour le Leica et certains nouveaux hybrides comme le Fuji Prox 1 et le Sony, qui est pour lui phénoménal dans ses noirs.
Petit plus : Le polaroïd est désormais pour les riches, c’était une expérience sympa en 1984 mais maintenant c’est hors de prix.
Lors de cet échange, Lou Reed se dévoile. Nous apprenons qu’il aime le travail de Larry Clark, qu’il pratique le Taïshi. (Une des photos est la représentation de son professeur), qu’il aime les armes blanches, que les élections américaines sont une bonne chose mais qu’il ne souhaite pas s’étendre.
Si il n’y a pas de cartel, c’est pour la seule bonne raison que ceci n’est pas important si tu réalises la même expérience que lui, c’est cool, sinon de toute manière tu n’as pas besoin de savoir où cette photo a été prise.
L’échange se termine par un nonchalant « Ok, thank you » de Lou Reed.
Une séance de dédicace sur son livre a débuté en même temps que le cocktail, mais avant ces moments, Lou Reed prit toute l’assistance en photo avec un petit appareil photo sorti de sa poche.
Je pus lui glisser un « Thank you Lou Reed » avant de devoir reculer et de m’éclipser.
It was a perfect night, Mr Reed.