Erik Wietzel révise ici son premier roman, déjà paru aux éditions Mnémos il y a une dizaine d’années. Si on n’a pas ici affaire à un pavé, ces 180 pages sont d’une densité qui ravira le lecteur de fantastique.
L’ouvrage s’appuie sur de bonnes recherches historiques sur le Paris du XIXe, et l’auteur glisse habilement ses références à de hauts personnages de l’époque, notamment savants et spirites. Car cette histoire se joue autour de la science, encore balbutiante, et de son antagoniste, la magie, ici le spiritisme. La première révèle, dissèque, explique, le second montre, ne dit rien, et laisse sans voix. La science doit élever l’homme, la magie noire lui rappelle ses terreurs viscérales, l’ombre, la peur, la mort... Appeler les morts n’est pas sans danger, comme l’illustre Aurélien Police dans sa couverture enflammée.
On découvre petit à petit, en parallèle des aventures parisiennes des personnages dont on mettra un certain temps à cerner les allégeances et les objectifs, des entités, vieilles, millénaires, d’abord effrayantes puis presque émouvantes dans leurs faiblesses... Ce sont elles qui vont monter à Paris, pour... on ne sait pas trop quoi, mais vu les forces en présence et les prophéties qui entourent cette réunion à la capitale, cela ne se fera pas en toute quiétude.
La principale source d’inquiétude du lecteur viendra de l’habileté de l’auteur à brouiller les cases habituelles : les personnages principaux voguent en eaux troubles, sans même parler de leur propre... race ? nature ? Le pire est le flou qui entoure le rôle de chaque camp. Vous croyez encore aux « gentils » contre les « méchants » ? Erik Wietzel balaie un tel concept : il n’y a que des camps qui s’opposent, qui cohabitent, s’allient temporairement au besoin, mais rien qui ressemble à des « gentils ». Les gentils meurent vite ; pour survivre au milieu des vampires d’âmes et autres démons, il faut être très, très méchant. Ou très, très discret.
Bref, dans une ambiance pareille, le vent ne tarde guère à souffler jusqu’au maelström final qui arrachera plus que quelques tuiles aux toits parisiens. L’artillerie magique lourde est de sortie, pour notre plus grand bonheur. Comme les « héros » qui survivront à tout cela, on finit épuisé. Un rire noir, faux, goguenard à la bouche, ce rire qui tente de chasser la terreur d’avoir tutoyé la fin du monde et d’être encore en train de respirer.
Après cela, l’épilogue nous trace en quelques lignes le devenir de chacun, mort ou vivant, le temps de souffler lentement avant de refermer l’ouvrage.
La valeur n’atteint pas le nombre de pages, ainsi que je l’écrivais en ouverture, et ce premier roman est un coup de maître, très habile mélange de genres loin des clichés et des cadres narratifs habituels.
Titre : La Porte des Limbes (édition révisée par l’auteur)
Auteur : Erik Wietzel
Couverture : Aurélien Police
Éditeur : Mnémos
Collection : Dédales
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 183
Format (en cm) : 23,8 x 15,5 x 1,8
Dépôt légal : décembre 2012
ISBN : 9782354081508
Prix : 18 €