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Ange de la Mélancolie (L’)
Nicolas Liau
Asgard, roman (France), fantastique, 283 pages, octobre 2012, 18€

« L’Ange de la mélancolie » est constitué de deux recueils distincts : un recueil éponyme tout d’abord, sous-titré « contes atrabilaires », puis un second recueil, « Quand je serai grand je serai mort », sous-titré « Contes déliquescents » et ayant fait l’objet d’une première publication aux éditions Les 2 encres en 2008.



L’Ange de la mélancolie : contes atrabilaires

On passera rapidement sur cette première partie, dont onze des douze récits sont marqués avant tout par la thématique de l’homosexualité masculine, qui revient avec une insistance, une lourdeur et une monotonie à la fois maladroites et obsessionnelles. Une thématique inutile, qui n’apporte rien aux contes – et encore moins à leurs aspects morbides, spleenesques ou décadents – et même dessert bien souvent à la fois leur ton et leur propos en se calquant artificiellement sur la narration sans jamais l’enrichir. Une erreur dont la répétition métronomique apparaît d’autant plus regrettable que le style de l’auteur, très classique, se révèle particulièrement soigné et que certaines de ces nouvelles, qui auraient pu avoir une valeur poétique universelle, basculent pour cette seule raison dans l’anecdotique.

On retiendra surtout de ces « Contes atrabilaires  » la toute première nouvelle, « Le garçon qui écoutait les cœurs », narrant les errances d’un individu égaré dans une étrange obsession, celle de retrouver un cœur dont il a perçu l’harmonie, mais qui, finissant par comprendre que sa quête est sans espoir, consacre dès lors son énergie, à travers la ville, à accorder les cœurs des autres. En même temps lumineux et crépusculaire, à la fois optimiste et désespéré, ce récit compose une fable intemporelle d’une élégance toute particulière. Une nouvelle aboutie, marquante et pleinement réussie.

Quand je serai grand je serai mort : contes déliquescents

Douze récits également pour cette seconde partie dans laquelle on retrouve non pas un genre commun, mais une série de registres assez voisins dans le vaste éventail de la littérature fantastique.
Avec « Deux pieds dans la tombe », Nicolas Liau nous propose un conte de fées détourné, distordu, qui s’oriente vers un dénouement particulièrement noir, une fin épouvantablement cruelle. Avec « Pour qui croassent les corbeaux », encore un conte inversé, celui du tragique destin d’une enfant faisant de la balançoire face à un pendu ; une comptine de l’enfance trop cruelle, abominablement. Enfance encore, mais plutôt façon « freak » avec « Frau Welt », ou un gamin difforme, fils d’un alchimiste et beau-fils d’une herboriste, trouvera, entre douves, souterrains, laboratoire et automates, un épouvantable devenir. « La Mort dans l’âme » ressort elle aussi du gothique, un gothique macabre avec pourtant un dénouement en forme d’apaisement.
« Corps et bien » relève quant à lui d’un fantastique classique habilement mené, où un revenant, c’est le cas de la dire, revient chaque nuit chercher ses possessions, bien entendu jusqu’à la dernière qui fait particulièrement frémir. Autre ghost-story sous le signe du classicisme, mais un poil moins macabre, avec « À tous les vents » et sa fin tragique.
N’oublions pas de mentionner deux récits hors-normes : « La Geule des deux mignonnes » marquée par un étonnant mélange de drame, de sorcellerie, d’humour noir et par un diabolique heurtoir hanté, et le très cauchemardesque « Thanaphobos », dont la thématique et l’ambiance (la découverte, en un endroit familier, d’une ruelle inconnue, puis d’une placette dérobée, marquée par un étrange automate) n’est pas sans rappeler les contes classiques d’auteurs tels que Marcel Brion ou Michel de Ghelderode, avant une fin assez terrifiante.
On terminera avec « La Corde pour le criminel », élégante et brillante variation sur le thème de la prophétie autocréatrice, inexplicable malédiction tombant du ciel sur un modeste jardinier, comme une plaisanterie véritablement infernale.

On a donc, dans cette seconde partie, des textes de très bonne tenue. Cruauté, détresses prolongées de l’enfance, solitudes irrémédiables de l’adulte, monde morbide sans être glauque, univers décadents, déliquescents, âpreté du réel et rugosité du désespoir – mais avec, parfois, en contrepoint, l’indispensable pincée d’humour noir, ou même une légère lueur d’espoir. Le tout servi par une écriture soignée, un vocabulaire riche, un sens des ambiances, et un art de la nouvelle courte – parfois seulement quelques pages – qui font des « Contes déliquescents » un recueil digne d’être lu.

On notera, pour terminer, que si ce volume comprend deux recueils de nouvelles, il n’est agrémenté d’aucune table des matières, ce qui rend difficile d’y retrouver non seulement les récits, mais aussi les nombreux épilogues, postfaces et prologues, qui participent pleinement à l’œuvre, tout comme les intéressantes préfaces de David Dunais. Petit oubli de la part de l’éditeur dont on tiendra néanmoins à saluer la courageuse initiative. Car publier un recueil de nouvelles, qui plus est en grand format (et ici sous une couverture aux élégantes couleurs d’absinthe) alors que le public semble de plus en plus se désintéresser de la forme courte représente un véritable engagement vis-à-vis du conte et plus globalement du récit bref. Un engagement et une profession de foi que l’on aimerait voir de nombreux éditeurs partager.


Titre : L’Ange de la mélancolie
Auteur : Nicolas Liau
Couverture : Jimmy Kerast
Éditeur : Asgard (édition originale de la seconde partie : Les 2 Encres,2008)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 283
Format (en cm) : 15,5 x 23,5 x 2,3
Dépôt légal : octobre 2012
ISBN : 978-2-919140-75-6
Prix : 18 €



Nicolas Liau sur la Yozone :
- La chronique de la première édition de « Quand je serai grand je serai mort »


Hilaire Alrune
30 novembre 2012


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