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Vide en évolution
Peter F. Hamilton
Milady, collection science-fiction, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), space-opera, 854 pages, octobre 2012, 10,90€

Dans un futur aux technologies quasiment sans limites, dans un Commonwealth comprenant des milliers de mondes et des dizaines d’espèces intelligentes, dont certaines ont évolué jusqu’au stade post-physique, le futur apparaît passablement limité. Car, malgré les avancées scientifiques, les habitants du Commonwealth sont menacés par une singularité incompréhensible qui menace de les détruire : le Vide, d’où émergent des rêves si étranges qu’ils ont donné naissance à une nouvelle religion, et dont les adeptes sont sur le point d’entamer un pèlerinage massif dans sa direction. Un pèlerinage qui pourrait déclencher une nouvelle phase d’extension du Vide, lequel effacerait alors tout simplement la galaxie de l’univers.



Comme toujours avec Peter F. Hamilton, l’intrigue se déroule sur plusieurs niveaux parallèles, mais entre lesquels on devine des traverses qui se dessinent de plus en plus distinctement au fil du volume. On a d’une part le Vide, inaccessible aux espèces du Commonwealth, d’où émanent les rêves d’Edeard, un jeune homme se découvrant d’étranges pouvoirs, qui s’évertue à essayer de ramener ordre et justice dans la magnifique cité de Makkathran, sur la planète Querencia, là où la technologie ne fonctionne guère mais où la magie a toute sa place. Peu à peu, Edeard découvre que la cité a une personnalité propre et que ses pouvoirs l’exposent à des choix éthiques et philosophiques, voire métaphysiques, délicats et cruciaux.

De l’autre côté du Vide, dans le Commonwealth, les humains sont unis par un réseau extraordinaire nommé champ de Gaïa, grâce auquel chacun peut, à volonté, partager avec tous son vécu. Grâce à ce réseau, Inigo a partagé avec les humains les aventures d’Edeard, qu’il a régulièrement rêvées. Des aventures si intemporelles et si symboliques qu’elles sont à l’origine d’une nouvelle religion, le Rêve vivant, dont les adeptes veulent entamer un pèlerinage vers le Vide. Mais quelques-uns, dont les Raiels, des extra-terrestres qui se sont heurtés au Vide bien avant l’apparition de l’Homme, ont compris qu’une telle migration déclencherait l’expansion du vide, et sont par conséquent prêts à tout pour faire échouer ce pèlerinage.

Inigo, le Premier Rêveur, s’est depuis longtemps éclipsé. Est alors apparu un Second Rêveur. Il s’agit d’Araminta, une jeune fille particulièrement débrouillarde, qui préfère elle aussi garder l’anonymat. Mais le champ de Gaïa permet de savoir où elle se trouve : dès lors, car elle seule est capable de demander aux Seigneurs du Vide l’autorisation de pénétrer dans cette partie de l’espace, elle se retrouve traquée à la fois par les adeptes du Rêve vivant et par les forces du Commonwealth – et par quelques autres individus plus dangereux encore.

S’entame alors, entre mille et une autres intrigues parallèles, une course-poursuite entre diverses factions dont l’enjeu est Araminta elle-même. Dans le même temps, dans le Vide, sur la planète Querencia, le destin d’Edeard, devenu un véritable démiurge, devient de plus en plus fou, de plus en plus incroyable.

Ce volume de plus de huit cents pages relate donc une série de péripéties se déroulant en alternance sur plusieurs plans. Tout d’abord le monde interne au Commonwealth, avec ses aventures spatiales et high-tech, et des personnages que connaissent déjà les lecteurs de la tétralogie de Pandore, des héros tels qu’Oscar Monroe, la Chatte, Paula Myo, Ozzie et quelques autres, dont le mémorable Paul Cramley qui apparaît, une fois encore, comme un avatar du fameux Finnois de William Gibson. Puis, autre plan que l’on retrouvait dans la tétralogie de Pandore, les mondes des Silfens, avec leurs étranges chemins relevant soit de la magie, soit d’une science d’un ordre supérieur, et qui permettent de passer d’une planète à une autre. Enfin, troisième plan ayant tendance à évincer le second, le monde d’Edeard. Ce monde magique, qui est en réalité la pièce autour de laquelle tout s’articule, représente par bien des aspects (notamment son allure historique façon Moyen-âge ou Renaissance, des castes, des guildes, des complots et des pouvoirs magiques) une incursion façon « fantasy » au sein du space-opera. Mais si dans le second volume, « Vide temporel », cet aspect l’emportait largement sur les autres, on retrouve dans « Vide en évolution » une structure plus équilibrée, les aventures au sein du monde magique étant contrebalancées dans le Commonwealth par des combats spatiaux titanesques, des artefacts façon « big dumb object », des craquages d’intelligences artificielles non humaines et des contacts avec d’étranges extra-terrestres.

Ces aspects multi-univers pourront certes étonner les aficionados du space-opera pur et dur, mais aussi séduire d’autres lecteurs. Une chose en tout cas est sûre : sans révéler les fondements de ce qui unit et désunit le vide, sans gâcher à l’avance les découvertes qui seront faites par ceux qui s’aventureront dans la trilogie du Vide, on peut affirmer que bien rares sont les œuvres présentant de manière aussi lisible, et aussi drastique, la fiction comme principe destructeur du réel. Une affirmation qui sera bien évidemment modérée, modulée par les développements des tout derniers chapitres, mais on devine déjà que les amateurs d’interprétation et d’analogies se frottent les mains à l’idée de travaux universitaires et de thèses futures.

On pourra faire à ce volume quelques reproches d’ordre secondaire. On s’étonne par exemple, même en tenant compte de l’empathie accentuée par le champ de Gaïa, de la sensiblerie bien peu vraisemblable dont font preuve par moments des personnages par ailleurs dotés d’une immense envergure ; on regrette, à plusieurs reprises, que la qualité des dialogues soit sujette à des baisses brutales de densité, de cohérence et de vraisemblance, toujours transitoires, comme si Peter F. Hamilton, le temps d’une page ou deux, abandonnait sa plume à quelque tâcheron ; on déplore que l’auteur se soit laissé aller, à travers certains dialogues, à une forme d’autodérision bien peu cohérente avec le ton du récit ; et l’on ressent toujours, tout comme dans la tétralogie de Pandore – et ceci même si l’on a au passage fait connaissance avec les Anonimes et les terribles Chikoyas – une pointe de déception quant au fait que les dizaines d’espèces pensantes peuplant le Commonwealth soient aussi peu représentées.

Mais ce ne sont là que de menus défauts qui, s’ils heurtent parfois à la lecture, ne suffisent pas à oblitérer les qualités habituelles de Peter F. Hamilton : un goût certain pour la démesure, une habileté consommée dans l’art de faire fusionner des intrigues longtemps parallèles, une générosité d’écriture marquée par un foisonnement de péripéties et de personnages, un sens inné du récit d’aventures et du space-opera. Agrémenté de la nouvelle facette décrite plus haut, « Vide en évolution », après « Vide qui songe » et « Vide temporel », vient donc clôturer dans l’univers du Commonwealth une nouvelle saga qui, si elle reprend des éléments clefs de la tétralogie de Pandore, a le mérite de ne pas chercher à tout prix à refaire la même chose, et de prendre le risque de partir dans une direction totalement différente. Une œuvre ambitieuse et originale, et, pour le lecteur, l’impression que l’auteur n’en a pas tout à fait fini avec le Commonwealth. S’il y retourne – et pour peu que l’on ait le loisir de se plonger une fois encore dans des volumes de plus de huit cents pages – il y a des fortes chances pour que l’on s’y aventure à sa suite.


Titre : Vide en évolution (The Evolutionbary Void, 2007)
Auteur : Peter F. Hamilton
Série : La Trilogie du vide, tome III
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Nenad Savic
Couverture : Manchu
Éditeur : Milady (édition originale : Bragelonne, 2008)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 854
Format (en cm) : 11 x 17,9 x 3,4
Dépôt légal : octobre 2012
ISBN : 9782811208387
Prix : 10,90 €



Peter F. Hamilton sur la Yozone :
- La trilogie du vide
tome I « Vide qui songe »
- La tétralogie de Pandore
tome I « Pandore Abusée »
tome II « Pandore menacée »
- La trilogie Greg Mandel
tome I « Mindstar »
tome III « Nano »


Hilaire Alrune
9 novembre 2012


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