Si comme moi (et toute la Yozone avec), vous n’avez pas lu le tome 1, Alcatraz l’a prévu, et vous réprimandera sévèrement. Car la série Alcatraz se présente comme les mémoires du héros, avec tout ce que comporte l’exercice de raconter ses aventures a posteriori et à la première personne. Car Alcatraz, suite à tout ça, est devenu encore plus célèbre qu’il ne l’était de naissance (vous découvrirez pourquoi), et écrit ses mémoires pour rétablir la Vérité. Avec un grand V.

Mais la vérité est un concept compliqué, entre les talents de menteur dont le narrateur fait preuve pour nous apprendre à douter de tout, et toute cette pseudo-Histoire du Chutland créée par les Bibliothécaires. Car, comprenez-le, si lesdits bibliothécaires sont qualifiés d’« Infames » et prennent une majuscule, c’est qu’ils ont décidé, vers le XVe siècle, de déformer la perception que les gens ont du monde, via les livres.
Comme l’explique Alcatraz, tout ce que contiennent les livres est faux, créé de toutes pièces pour nous rendre la vie compliquée et faire de nous des masses abruties et manipulables. C’est diablement tordu mais aussi très malin. La première valeur de la série de l’incontournable et talentueux Brandon Sanderson est de nous faire réfléchir à ce qui fait notre quotidien : à quoi peux-ton se fier pour se forger une opinion, des connaissances, un avis ? internet ? la télé ? la radio ? Il va jusqu’au plus loin : les livres.

Corolaire logique, le verre est magique dans les aventures d’Alcatraz, et les lunettes l’arme de prédilection des Oculateurs. Verres Boutefeu qui enflamment, Traqueurs qui permettent de voir par où est passé quelqu’un, Traducteurs pour lire toutes les langues... Alcatraz se balade avec un véritable vaisselier dans les poches. Difficile à gérer avec son Talent, une capacité magique héréditaire et peu contrôlable qui chez lui est de casser tout ce qu’il touche.

Dans « Alcatraz contre les Ossements du Scribe », c’est donc dans la dangereuse bibliothèque d’Alexandrie que nos héros (Alcatraz, sa protectrice Bastille -13 ans elle aussi-, son papi -toujours en retard-, son oncle -qui se perd tout le temps- et sa cousine -très distraite) partent à la recherche d’Attica, le père d’Alcatraz. Lieu dangereux, gardé par des Bibliothécaires spectraux, qui n’ont de cesse de vous conseiller un livre. L’abonnement n’est pas cher : ils vous prendront juste votre âme... Mais n’est-ce pas bien peu contre le savoir et la connaissance ?

Il s’agit donc de retrouver Attica avant qu’il ne trouve le livre qu’il est venu chercher... et d’échapper au mercenaire qui les a suivis dans le labyrinthe rempli de pièges qu’est cette Bibliothèque.

La plume de Sanderson fait merveille, pleine d’humour noir et de fantaisie. Les allusions sont légions (le papi invoquent régulièrement les grands noms de la SF), le second degré omniprésent. L’auteur remet souvent en question, dans son histoire comme dans les adresses d’Alcatraz à son lecteur, tout ce que l’on croit savoir.

Beaucoup plus profond qu’il n’y paraît, palpitant d’une aventure effrénée, très drôle, ce 2e tome des mémoires d’Alcatraz Smedry se lit d’une traite, et on enchainera dès que possible sur la suite : « Alcatraz contre les Traîtres de Nahalla ». Les plus de 15 ans pourront aussi plonger dans les romans « adultes » de Sanderson  : la série « Fils des brumes » (Orbit) ou encore « Elantris » (Orbit ou Le Livre de Poche), deux choses dont on espère vous parler bientôt.

Titre : Alcatraz contre les Ossements du Scribe (Alcatraz versus the Scrivener’s Bones, 2008)
Série : Alcatraz, 2/3 (4e tome en cours d’écriture à cette date)
Auteur : Brandon Sanderson
Traduction de l’anglais (USA) : Juliette Saumande
Couverture : Chris Wild
Éditeur : Mango
Collection : Mondes imaginaires
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 324
Format (en cm) : 22 x 15 x 2
Dépôt légal : août 2011
ISBN : 978-2-740-42667-8
Prix : 15 / 15,50 €