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Bal des Iguanes (Le)
Brice Tarvel
Lokomodo, Zones d’Ombres, roman (France), thriller, 273 pages, mars 2012, 6,50€

Aux environs de Reims, un vieux château a été transformé en maison de retraite de luxe, et abrite la pire engeance de vieux friqués, vieilles gloires déchues aujourd’hui acariâtres et tyranniques. Lise, la nouvelle aide-soignante, en apprend chaque jour de plus belles à propos des pensionnaires : un truand, un gourou, une miss météo... un cannibale ? Et elle, pourquoi est-elle là ? Pour une mission assez particulière !



Brice Tarvel a de la bouteille. Il écrit sous divers pseudonymes, et même pour la jeunesse. Chez les adultes, un pied dans la fantasy (notamment la bande dessinée « Mortepierre » et deux volumes chez Mnémos), un autre dans le polar. On lui doit notamment quelques bonnes enquêtes d’Harry Dickson chez Malpertuis, et plusieurs romans au Fleuve Noir.

« Le Bal des Iguanes » relève de cette dernière catégorie. Dès les premières pages, on retrouve l’ambiance typique des collections Angoisses ou Anticipation : j’ai immédiatement pensé aux romans de Serge Brussolo parus dans les années 1990. Tout y est : un lieu clos et angoissant, le château des Myriadines, décrit comme une sorte d’organe humain pourri et pétrifié, habité par la lie du 4e âge, des vieux friqués à qui il faut passer le moindre caprice et dont on a tout à craindre.
La galerie des portraits fait vite froid dans le dos : un ex-caïd aux mains baladeuses prêt à allonger la monnaie pour une grosse gâterie (le sexe plus ou moins consenti et la menace d’un viol étant un thème récurrent du genre), un gourou de secte très persuasif, une riche héritière des champagnes du coin (on est à Reims, pays natal de l’auteur) dominatrice et, cerise sur le gâteau, le dernier arrivant, sous ses dehors lunaires, est suspecté de cannibalisme. Alors quand on retrouve un grand couteau dans sa chambre...

Mais, car il y a un mais, nous ne voyons les pensionnaires qu’au travers de Lise, et Brice Tarvel maîtrise assez bien son sujet pour nous faire douter, durant le premier tiers du roman, de la véracité de toutes ces rumeurs qui courent sur les vieux des Myriadines. Ensuite, eh bien, certaines choses seront avérées, pour le meilleur et pour le pire (surtout le pire), et d’autres resteront encore dans le flou, parfois jusqu’au bout.

Mais contrairement peut-être aux romans de Serge Brussolo évoqués plus haut, on n’a pas ici affaire à une héroïne forcément sympathique, ou dont on partagerait les angoisses d’une aventure qu’elle n’aurait pas choisie. Lise est en mission, et l’auteur diffuse les infos au compte-gouttes : si on comprend très vite qu’elle est là pour tuer quelqu’un, le suspense demeure longtemps sur le pourquoi (finalement un peu décevant, révélé brutalement plutôt que montré) et surtout sur le comment. Le choix des cibles semble primordial, et Lise ne peut achever les ordures qu’elle souhaiterait radier de son quotidien. Même si, finalement, on se demande un peu ce qui la retient. Le besoin de rester discrète ?

« Le Bal des Iguanes » fera frissonner quiconque a déjà mis les pieds en maison de retraite. Brice Tarvel y ajoute une bonne dose de violence, parfois sournoise, parfois gratuite (la course-poursuite en 4x4, un excellent chapitre tant sur le fond que la forme), qui épargne bien peu de ses personnages. Certes pas exempt de faiblesses (la philosophie de Lise vis-à-vis des vieux, le suspense parfois entretenu un peu répétitivement), ce roman remplit cependant parfaitement son office de nous procurer une décharge de frousse et d’adrénaline. Le format poche, le corps assez gros (on est à 31 lignes par page), un papier agréable en font un digne héritier de la littérature populaire (qu’on ne dit plus « de gare »), le roman qui nous accompagne quelques soirées, les pages défilant rapidement, tandis qu’on retarde le moment de s’arrêter.

On regrettera tout de même que cette réédition (la première publication à l’Atelier de Presse, collection l’Atelier Noir, date de 2008), n’ait fait l’objet d’aucune relecture de la part du nouvel éditeur, qui laisse passer une grosse vingtaine de coquilles (des « -ez » pour « -ait », « pauser » pour « poser »...) dont l’énormité peut suffire à briser l’immersion dans l’ambiance poisseuse du roman. Bien dommage.


Titre : Le Bal des Iguanes
Auteur : Brice Tarvel
Couverture : Nemo Sandman
Éditeur : Lokomodo
Collection : Zones d’Ombres
Éditeur original : L’atelier de Presse, l’Atelier Noir, 2008
Site internet : page roman (site éditeur)
Pages : 273
Format (en cm) : 11 x 17 x2
Dépôt légal : mars 2012
ISBN : 978-2-35900-091-7
Prix : 6,50 / 7 € (après augmentation de la TVA au 1/4/12)



Nicolas Soffray
3 juin 2012


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