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Promenons-nous dans les bois
Film français de Lionel Delplanque (2000)
14 juin 2000


Genre : slasher
Durée : 1h30

Avec Clotilde Courau (Sophie), Clément Sibony (Matthieu), Vincent Lecœur (Wilfried), Alexia Stési (Jeanne), Maud Buquet (Mathilde), François Berléand (Axel de Fersen), Denis Lavant (Stéphane), Michel Muller (Le flic), Marie Trintignant (La mère), Thibault Truffert (Nicolas) et Susan Mac Aleese (Pélagie)

« Promenons-nous dans les bois... tant que le loup n’y est pas, si le loup y était, il nous mangerait, mais comme il n’y est pas, il nous mangera pas. »

Hélas, une troupe de jeunes comédiens va bientôt faire sa connaissance au château d’Axel de Fersen. Une nuit qui tournera au cauchemar.

Enfin un film français qu’il m’est permis de présenter dans ces pages (une fois n’est pas coutume). De plus, chose inhabituelle, l’objet du délit n’est autre qu’un slasher. Et oui, un slasher français, ça peut exister !
Si le titre du film de Lionel Delplanque n’est pas sans rappeler un grand succès horrifique américain de l’an passé, il n’est pourtant ici aucunement question de péripéties en région forestière sous influence de sorcières.
Promenons-nous dans les bois fait essentiellement référence à la comptine de notre enfance, à l’imagerie populaire européenne qui a nourri notre imagination de créatures fantasmagoriques tapies dans l’obscurité, et enfantée la bonne vieille peur du Loup.

C’est d’ailleurs sur une autre variante du sujet que débute le film, puisque le court rôle de Marie Trintignant ne dure que le temps d’un extrait du Petit Chaperon Rouge.

Fameux Petit Chaperon Rouge que l’on retrouve immédiatement, puisque c’est la pièce de théâtre que viennent justement interpréter les cinq comédiens au Château d’Axel de Fersen.

Bon, vous l’aurez compris, l’histoire est plutôt simplette, mais c’est surtout par son atmosphère qu’elle désire captiver notre attention, s’attaquer à nos émotions et provoquer nos réactions.

A peine pénétré l’austérité des lieux, la petite troupe d’acteurs va aller de surprise en surprise. Outre le confort et le cadre de la demeure, ils apprennent que la représentation se déroulera devant un public réduit au châtelain, Axel de Fersen, et à son petit fils, Nicolas.

Après un premier contact avec l’étrange garde-chasse de la propriété, interprété par un Denis Lavant énigmatique à souhait, la rencontre avec l’organisateur, le sieur Axel de Fersen, un vieil homme paraplégique nanti d’un caractère exécrable, la parodie de représentation théâtrale se déroule sans anicroche.

Tout semble, à part les quelques excentricités de leurs hôtes, très bien se passer jusqu’au moment où, à la fin du repas qui s’ensuit, le très silencieux Nicolas (qui n’a toujours pas prononcé un mot) décide, à l’approche des desserts, de se planter une fourchette dans le dos de la main. Ce qui, il faut l’avouer, a de quoi geler l’ambiance et glacer les sangs. Choqués et de moins en moins rassurés, les cinq jeunes gens, en attente de leur cachet, se retrouvent dans l’obligation de passer la nuit dans l’antre de Fersen, cette vaste demeure perdue en pleine forêt.

Histoire du Petit Chaperon Rouge, extrait musical de Pierre et le loup, château entouré de forêt, la tension monte, surtout, lorsqu’un flic (Michel Muller) débarque de façon totalement incongrue et informe les visiteurs qu’un tueur en série rôde dans la région.

« Promenons-nous dans les bois... tant que le loup n’y est pas, si le loup y était, il nous mangerait, mais comme il n’y est pas, il nous mangera pas. » Hélas, il semble qu’il ait été aussi invité. Tout d’abord, des individus disparaissent, laissant derrière eux des indices suspects. Puis soudainement, comme dans un mauvais rêve, le costume du loup, qui a servi pour la représentation, prend vie et commence à s’acharner sur les pensionnaires.

Sans être révolutionnaire et particulièrement original, Promenons-nous ... parvient à masquer la faiblesse de son scénario - bien que la richesse ou l’intelligence de celui-ci ne soit pas vraiment le critère du genre - par une mise en scène soignée, un climat à l’angoisse grandissante (quelques murmures et réactions dans la salle de projection sont là pour en attester), et une interprétation, entendez ici Clotilde Courau, Denis Lavant et François Berléand, qui nous sort de l’adolescence, souvent niaise, qui caractérise les slasher US estudiantins (Scream, Souviens-toi ... et autres Urban Legend).

Fidèle, dans sa construction, aux canons du genre, cette variation sur la peur du loup, prend ses racines dans le quotidien (l’arrivée des cinq comédiens), puis glisse délicatement dans le bizarre, puis l’étrange, pour passer au surprenant et finalement, la peur du loup aidant, nous plonger dans l’angoisse, la violence et le sang.

Quant à sa conception visuelle, elle lorgne assurément sur le cinéma européen (et c’est tant mieux), et en particulier sur le Giallo façon Dario Argento, peintre horrifique du 7ème Art auquel Lionel Delplanque n’hésite pas à emprunter quelques effets.

La mise en valeur des décors - que se soient les intérieurs cossus du château ou les prises de vues angoissantes de la forêt environnante, devenant, grâce à d’astucieux cadrages, tentaculaire et étouffante -, la qualité des éclairages, les prises de vues aux perspectives éclatées trahissent l’indéniable travail effectué sur le plan esthétique.

Une subtile bande sonore, mélangeant atmosphère musicale, bâtie autour de la partition originale de Jérôme Coullet et d’astucieux bruitages, associée à des transitions de lumière et de rythme viennent parapher la virtuosité de la mise en scène.

Malheureusement, la trame narrative n’atteint pas ce niveau de qualité. Bon, outre les trois protagonistes, à mon sens, les plus intrigants et les mieux plantés - Axel de Fersen (François Berléand) en châtelain extravagant, Stéphane (Denis Lavant) sombre et mystérieux garde-chasse, et Sophie (Clotilde Courau) jeune comédienne homosexuelle accompagnée, pour la circonstance, de la jolie Jeanne, ce qui nous vaudra une scène d’amour lesbien sous l’œil indiscret d’un objectif photographique - les protagonistes ont tendance à manquer de relief. Finalement, on ne saisit plus très bien le bien-fondé de leurs agissements, comme ce jeu de séduction entre les personnages ou cette inexplicable sortie nocturne dans les bois. Si cela apporte une touche baroque supplémentaire à l’intrigue et permet au réalisateur de glisser un zeste d’érotisme, d’un point de vue scénaristique, c’est plutôt la confusion. Confusion de courte durée, tant la forme, c’est-à-dire le visuel, prend le pas sur le fond.
Très loin d’être un chef-d’œuvre Promenons-nous dans les bois reste une agréable surprise, une tentative prometteuse à l’esthétisme raffiné et au climat envoûtant qui, si elle ne possède pas l’efficacité des mécaniques américaines bien huilées, auxquelles le genre est habitué, a au moins le mérite d’être nettement moins stéréotypée (et ça, c’est pas une mauvaise chose). De plus, un loup français au pays du slasher movie, il faut non seulement lui souhaiter la bienvenue, mais surtout lui espérer longue vie et prospérité.

Pour Les Imaginautes

FICHE TECHNIQUE

Réalisation  : Lionel Delplanque
Scénario
 : Annabelle Perrichon, adapté par Lionel Delplanque

Producteurs : Marc Missonnier, Olivier Delbosc
Producteur associé : Pierrick Goter
Directeur photo : Denis Rouden
Cadreur : Pierre-Alain Lods
Son : Lucien Balibar, Aymeric Devoldère
Décors : Arnaud de Moléron
Costumes : Edith Bréhat
Maquillages : Nana Chiabaut
Effets spéciaux : Médilab pictures
Montage : Pomme Zhed - Stéphanie Araud Denis Parrot
Directeur de production : Roxanne Pinheiro
Musique originale : Jérôme Coullet

Distribution : Fidélité Productions


Bruno Paul
14 juin 2000



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