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Thanabios, tome 1 : Érèbe
Anthony Brocard
Asgard éditions, Micronos, roman (France), mauvais plagiat de SF, 369 pages, mars 2012, 19€

XXVIIIe siècle, planète Parménide. Dans la mégalopole Solédyne, un jeune flic, Daïel Thanabios, enquête sur des meurtres très sanglants. Mais Daïel n’est pas au mieux de sa forme : fraîchement plaqué par sa chérie, sujet à des hallucinations cauchemardesques, il réalise au fil des heures qu’il a mis les pieds dans quelque chose qui touche de près ce qu’il déteste, lui l’idéaliste avec des principes moraux, dans cette ville pourrie : la secte majoritaire des Néolibertaires. Et qu’apparemment, ils en ont après lui...



Présenté en 4e de couv’ comme « à la croisée de « Seven » et « Blade Runner » », « Érèbe » était fort engageant. Hélas, il faut croire que Benjamin Carré n’a pas eu l’occasion de lire le roman avant d’en produire la couverture, et se fait le complice de ce piège.
Car, ne nous voilons pas la face, « Érèbe » est un désastre à tous points de vue.

La première cause de ce constat est probablement l’écriture en dents de scie d’Anthony Brocard. Si les descriptions ont la juste dose d’envolée lyrique qu’on est en droit d’attendre de qui a été assidu aux ateliers d’écriture, et a bien retenu la formule « nom+adjectif un peu riche + verbe + nom+adjectif aussi classe », tout le reste est désespérément mauvais.
Et le pire, c’est que la forme n’est pas sauvée par le fond, loin de là.

L’auteur nous dépeint un lointain futur, sur une planète colonisée par la Terre. Mais de cette mégalopole, difficile de se faire une idée. Au fil des chapitres, tandis que le flic va de quartier en quartier, on imagine un gigantesque patchwork architectural, chaotique, incommensurable, et surtout inexpliqué. Si dans les premiers temps, on retrouve l’ambiance de ruelles éclairées par les halos des néons colorés propre à l’esthétique du film de Ridley Scott précédemment cité, on passe ensuite à du tout et n’importe quoi : une pyramide inversée, un hôpital en grappes de sphères, des maisons au bout d’une tige...
Quelques éléments, au-delà de ces délires architecturaux, sont clairement futuristes : les routes sont suspendues et magnétiques, les véhicules sont des glisseurs, les gens (enfin, les flics, faute de savoir pour les autres) communiquent via un psycho-récepteur implanté dans le crâne. Détails relativement basiques et peu déterminants.
Et pour le reste, l’histoire pourrait aussi bien se passer de nos jours. C’est du moins la sensation que l’on a fréquemment, tant l’auteur accumule les faiblesses, les anachronismes et les blancs, sacrifiant tout à l’action. (voir fichier joint pour les plus grosses incohérences)
C’est un premier point très dommageable : n’espérez pas trouver dans « Érèbe » la moindre réflexion science-fictive. L’un des points centraux du récit, la mode de la chirurgie esthétique, est traité au niveau d’un talk-show, sans avancer sur le thème de l’identité, du moi, d’arguments supplantant ceux du café du commerce.

À vrai dire, il en va de même pour tout, grâce à un héros aussi peu charismatique que le style de l’auteur est brillant. Daïel, « déjà cassé par la vie », est invivable. Sous prétexte que sa fiancée l’a plaqué, qu’il n’est pas en grande forme à cause d’hallucinations qui ne l’inquiètent pas au point d’aller voir un médecin, il est ignoble avec tout le monde. Ses interrogatoires de témoins relèvent du jappement de roquet. Du moins, c’est l’idée qu’on s’en fait, car les dialogues sont d’une navrante rédaction : quasiment pas d’incise, rien pour indiquer le ton employé ou l’attitude du locuteur. Ah, si : des points d’exclamation. Plein, partout. Même lorsqu’on murmure !

L’enquête n’est pour l’auteur qu’un prétexte. De toute façon, vu comment les deux flics se débrouillent : débitant à haute voix leurs protocoles (à notre intention), tardant à voir les éléments déterminants (comme une statue de nymphe au milieu de la pièce, juste derrière le cadavre...), on sent qu’Anthony Brocard n’a pas l’étoffe d’un auteur à ambiances, qui saurait faire passer des sensations, des réactions de flics face à un crime odieux.
La recherche de l’assassin prend de toute façon une autre tournure lorsque celle-ci (car c’est une femme) contacte Daïel. On croit voir s’esquisser un jeu du chat et de la souris, peut-être à la hauteur de « Seven » justement évoqué. Niet. Après une scène de sexe particulièrement détaillée (peut-être les 5 meilleures pages du livre, 171-176 : je veux dire par là que l’auteur ne commet d’impair ni sur le fond ni sur la forme, et maîtrise bien mieux le sujet que le polar ou la SF), Daïel doit découvrir l’identité de cette femme qu’il désire et en qui il voit son reflet : elle n’est tueuse que par obligation, leurs idéaux et leurs principes moraux se rejoignent, contre la liberté totale vantée par les Néolibertaires. Et donc, elle fait justice seule, grâce à un arsenal chimique hérité de sa mère et d’autres armes et gadgets trouvés allez savoir où. Comme on ne sait à peu près rien de Solédyne, comment estimer le degré de logique et de possible d’une telle croisade ?
Là, comme vous l’avez compris, les incohérences et les facilités s’étaient déjà suffisamment accumulées pour ne plus faire passer la pilule d’un style passablement médiocre. Aussi, quand viennent les révélation du grand prêtre de la secte sur le pourquoi du comment, c’est la goutte d’eau...

Vers la 300e page, alors qu’Érèbe la tueuse amoureuse a fait tout un tas de révélations à Daïel, connaissances tirées d’on ne sait où (ah, si, elle est aussi pirate informatique !), on sombre dans le grand-guignol absolu : notre flic est le produit eugénique de la secte qu’il abhorre, et grâce à des gènes mutants, est en train de devenir immortel. S’ensuit un combat entre le grand prêtre, chaînon précédent et raté de l’expérience, et nos deux héros, avant un règlement de comptes final avec tous ceux qui ont pourri la vie de Daïel (et qui sont forcément du complot) dans un exercice de justice personnelle à la Charles Bronson ou Steven Seagal. Parenthèse dans les principes moraux, on fait place nette avant de continuer.

Bref, le héros devenu immortel a toute la secte aux trousses, et il a à ses côtés une tueuse redoutable. Lui court aussi après l’IA du commissariat, qui se prend pour un dieu et s’est incarnée dans le dernier super-androïde conçu en secret...
Comment vous dire ? J’attends ça avec impatience ? Pas vraiment.

J’aurais pu abandonner passée la 50e page. À ce stade, les principales faiblesses de cette histoire sautaient déjà aux yeux. J’ai persisté, espérant un mieux. En vain.
« Érèbe » m’a fait l’effet d’un premier jet de roman. Des bonnes idées, mais trop de faiblesses et d’incohérences. À puiser dans différents genres, le résultat ressemble à une série Z, se permettant tous les excès pour sombrer finalement dans un indescriptible chaos.
Et pourtant, il y avait de la matière, et quelques bons paragraphes laissent penser que l’auteur est capable de bien mieux que ce qu’il nous inflige 90% du temps. Visiblement, je n’ai pas le même niveau d’exigence que le directeur d’ouvrage. J’espère que les lecteurs qui se plongeront dans « Érèbe » me jugeront trop sévère.

Enfin, cerise sur le gâteau, la relecture est très approximative. Si j’ai du mal à ne pas tiquer sur les 35 fautes relevées en dépit d’un intérêt décroissant et d’une lecture donc toujours plus rapide, il me semble inadmissible de trouver des doubles-espaces (5) ou des deux-points accolés au mot qui les précède ou les suit (19), que le moindre traitement de texte détecte et signale.

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Coquilles, incohérences, faiblesses
non exhaustif

En conclusion, une grande déception, à la hauteur des espoirs initiaux.


Titre : Érèbe
Série : Thanabios, tome 1
Auteur : Anthony Brocard
Couverture : Benjamin Carré
Éditeur : Asgard
Collection : SF Micronos
Site internet : page roman (site éditeur) (pas de page web à cette date)
Pages : 369
Format (en cm) : 15,5 x 23,5 x 3,1
Dépôt légal : mars 2012
ISBN : 9782919140503
Prix : 19 €



Nicolas Soffray
13 mai 2012


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