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Nereliath
Simon Sanahujas
Asgard, Rêves d’Ailleurs, roman (France), héroïc-fantasy, 327 pages, janvier 2011, 18,50€

Expert en héroïc-fantasy et grand connaisseur de l’œuvre de Robert Erwin Howard, Simon Sanahujas est l’auteur de deux romans (« Suleyman » et « L’Emprise des rêves ») et de plusieurs essais (« Conan le Texan », « Les multiples vies de Conan », « Sur la piste de Tarzan »). Avec « Nereliath », il se lance sur les brisées des fondateurs du genre, pour un roman privilégiant la magie et l’action.



Tout commence sur le pont glissant d’un navire, dans un pandémonium mêlant abordage, tempête, et monstres issus des flots. On s’y décapite, on s’y étripe, on s’y taillade et on s’y éviscère avec entrain avant de se retrouver, pour les survivants, la proie des flots entre les débris de navires. C’est ainsi que Karn, aventurier dont on ne sait pas grand-chose, est rejeté par la mer sur une île inconnue, dont il ne parviendra à s’échapper que pour retrouver d’autres pirates.

Le ton est donné : la facette maritime sera l’une des plus importantes de ce roman. Que ce soit sur les mers, dans un temple côtier, dans une cité portuaire ou dans les bouges des îles de forbans, affrontements armés et usages de la magie vont se succéder sans relâche. Pour autant, le monde décrit par Simon Sanahujas n’est pas un des ces âges obscurs où tout ne serait que rapts, pillages, massacres, ruines fumantes et sacrifices sanglants. Confréries d’écumeurs de mer organisées avec codes et lois (on devine l’auteur influencé par les utopies pirates) et prêtres progressistes éclairent quelque peu le tableau. Mais, quelles que soient les parties prenantes, toutes sont intéressées – richesses, pouvoir, ou autres choses encore – par ce que l’on peut trouver au-delà des mers.

Car, en effet, cette histoire de monstres issus des flots, racontée par les survivants de l’abordage initial, parvient à des oreilles éclairées, qui savent qu’au-delà des mers dont surgissent des monstres en lesquels bien peu croient encore, se trouve une cité mythique où les plus ambitieux pourront trouver l’essence même de leurs rêves.

Dès lors commence une vaste course-poursuite dont le but premier est de localiser le théâtre de l’affrontement inaugural, avant de naviguer au-delà. C’est donc au terme d’aventures trépidantes et de combats maritimes que héros et crapules se retrouvent au bout du monde, sur une île inconnue, dans une cité fabuleuse, pour en découdre une dernière fois et découvrir ce que nul, sans doute, n’aurait jamais dû voir. Un finale ambitieux, échevelé, apocalyptique, qui n’est pas sans lorgner du côté des films à grand spectacle, ou de cet illustre prédécesseur que fut Robert Erwin Howard, qui, dans « Les Dieux de Bal Sagoth » n’hésita pas non plus à sacrifier une île, une cité, et même une civilisation entière pour les besoins de l’histoire.

Par rapport aux deux premiers romans de l’auteur, parus il y a quelques années aux éditions Rivière Blanche, les progrès accomplis apparaissent considérables, notamment au niveau du style, de la composition des personnages et de la qualité des dialogues. On pourra toutefois faire à « Nereliath » quelques reproches de détail : une intrigue peut-être un peu trop linéaire, quelques phrases alourdies par une surcharge d’adjectifs, et une toile de fond dont la mise en scène ne donne pas pleine et entière compréhension du monde dans lequel se débat le héros. Mais, concernant ce dernier point, on sait que l’équilibre entre le rythme de l’aventure et la description du monde environnant représente un casse-tête difficile à résoudre. Une difficulté à laquelle les plus grands créateurs d’univers, comme Jack Vance et J.R.R. Tolkien, se sont eux aussi heurtés, sans toujours parvenir à se sortir au mieux de l’affaire.

On peut regretter – autre minuscule détail – que les deux nouvelles faisant suite au roman soient introduites par le terme à la fois très ancien et très à la mode de bonus, qui laisse entendre que ces deux textes pourraient n’être qu’un simple « plus » offert au lecteur. Ce n’est certainement pas le cas, et les considérer de la sorte serait sous-estimer leur apport au monde naissant qu’est celui de Karn. Elles viennent en effet consolider cet arrière-fond qui est nécessaire aux sagas héroïques et participer à la construction d’une trame historique et géographique qui, si elle évoque un lointain passé, n’est de toute évidence pas celle sur laquelle s’appuient nos civilisations.

Le premier de ces récits, “Le voleur venu de Finameti”, met en scène Karn en tant que simple détrousseur fuyant la capitale de Luxia, et s’engageant inconsidérément dans une affaire bien trop ambitieuse pour lui. Avec pour cadre Tarameikos, capitale de Crossa et surnommée la « Cité des longs couteaux », Karn découvre les groupes en puissance : ducs, prêtres et grandes familles s’y livrent à de sombres complots. Conspirations, cachots, couloirs aux allures de labyrinthes, temple souterrain et pour finir entité maléfique terrifiante : une nouvelle d’allure howardo-lovecraftienne qui n’est pas sans rappeler les meilleures aventures de Conan.

La seconde nouvelle, “À force d’imagination”, plus proche du fantastique littéraire que de l’héroïc-fantasy, ne fait apparaître Karn qu’en tant que personnage secondaire. Plus fine, presque florentine, elle propose une intéressante intrigue aux allures de drame classique. Se déroulant à Finameti – et sans doute chronologiquement antérieure à la nouvelle précédente – elle met en scène l’affrontement de la Guilde des Voleurs et d’un paladin défenseur de la Cité et serviteur d’Hyrdin, dieu de la justice et des combats. Si plus d’un lecteur verra venir la fin – les indices à vrai dire ne manquent pas – la construction de l’intrigue est suffisamment habile pour que cette nouvelle vienne s’inscrire dans le vaste corpus des nouvelles consacrées au thème du double, dont elle représente une intéressante variante.

Tarameikos, Finameti, le port tahirite de Broheim, la mer du Nord, l’archipel Oligarite, Exenia, l’île aux Chats, le royaume Tahirim, les côtes du Keandast, la jungle Aleokit, le port de Kupperheim, la cité mythique de Koliaghdur, et enfin Nereliath la somptueuse, demeure des dieux antiques, tels sont les lieux décrits ou évoqués dans ce premier opus. Un second volumes des tribulations de Karn devrait sortir prochainement chez le même éditeur : nous aurons donc bientôt l’occasion de voir l’univers de Karn s’enrichir de nouvelles aventures et de nouveaux horizons.


Titre : Nereliath
Auteur : Simon Sanahujas
Couverture : Alödâh (première édition) / YoZ (seconde édition)
Éditeur : Asgard
Collection : Rêves d’Ailleurs
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 327
Format (en cm) : 15,5 x 23,5 x 2,7
Dépôt légal : janvier 2011
ISBN : 978-2-91914002-2
Prix : 18,50 €



Simon Sanahujas sur la Yozone :
- La critique de « Conan le Texan »
- La critique de la première édition de « Suleyman »
- Littérature et testostérone : un entretien


Hilaire Alrune
24 avril 2012


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Nereliath ancienne couverture



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