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A-Apocalypse, bande-son pour la fin du monde
Scott Westerfeld
Milan, collection Macadam, traduit de l’anglais (Etats-Unis), fantastique, 315 pages, 1er trimestre 2008, 10,50 €

Dans un présent sombrant, presque en douceur, dans une apocalypse très lente, dans un environnement où bien des adultes refusent de regarder la réalité en face, une poignée d’adolescents atypiques, un peu fous et fondus de rock’n roll, va trouver le moyen de sauver le monde. Dans une ville en déréliction, et avec des ingrédients fantastiques, une ode survoltée à la musique.



« La musique avait soudain une âme, un cœur palpitant (...). Peut-être étais-je en train d’assister à un heureux incident, comme la première fois où j’avais remarqué que les échos de la rue se calaient sur le bruit de mes pas... »

Que Moz, un jeune guitariste, rencontre Pearl en essayant de rattraper un instrument qui tombe du ciel – rien moins qu’une mythique Fender stratocaster –, voilà qui n’est pas banal, mais d’une portée symbolique évidente. Qu’avec elle et son ami Zahler ils fondent un groupe et trouvent une bassiste exceptionnelle atteinte d’un désordre neurologique rare, voilà qui n’est pas banal non plus. Et que vienne se joindre au groupe une jeune chanteuse en convalescence de ce qui ressemble à un accès prolongé de vampirisme, voilà qui l’est encore moins.

Mais, à vrai dire, le banal est en train de reculer peu à peu, de se retirer lentement du quotidien. Si les adultes s’obstinent à ne rien voir, ou plutôt à ne rien vouloir voir, poursuivant fêtes et réceptions comme si de rien n’était – comme un orchestre continuant à jouer sur un navire qui sombre, la comparaison n’est pas innocente – les adolescents, eux, réalisent parfaitement que tout est fichu, que le monde qu’ils connaissent est sur le point de disparaître. Pire encore, dans ce monde qui lentement s’écroule, que va bien pouvoir devenir la musique ?

Entre les invasion de rats, de chats, la vague de chaleur et de crimes, les immondes substances noirâtres qui s’échappent des bornes à incendie ou des bouches d’égout, les signes annonciateurs ne manquent pourtant pas. Et c’est par petites touches, à travers les narrations croisées des membres de ce petit groupe, que nous découvrons peu à peu une réalité effarante. Et que nous saisissons, peu à peu, qu’entre ces nouveaux amis opère une alchimie à la fois magnifique et effrayante, une osmose qui fait de la musique un pouvoir, une arme propre à détruire ou à repousser les monstruosités infâmes qui remontent des profondeurs de la terre.

« Je souris, éprouvant un rare instant de bien-être absolu, la moindre compulsion satisfaite, tous les rouages du monde en place autour du ronronnement de ma batterie. »

C’est donc en compositeur et en chef d’orchestre que Scott Westerfeld, qui maîtrise pleinement sa technique, dirige simultanément ses personnages. Se glissant sans peine dans la peau de chaque protagoniste, il parvient à entrecroiser au fil des chapitres les opinions et sentiments des uns et des autres : pas de narrateur omniscient, donc, mais une série de narrations subjectives qui fonctionne à la perfection.

Ce roman a sans doute été publié un peu trop tôt en France – juste avant la vague vampirique de ces dernières années – pour trouver pleinement le succès. Mais il n’est pas sûr pour autant qu’il soit capable de séduire en masse les amateurs actuels de vampires.
Ses buveurs de sang ne collent pas suffisamment aux stéréotypes, et la multiplicité des thèmes abordés le rend trop riche et trop complexe pour charmer ceux qui se laissent emporter par une simple littérature sentimentale vaguement teintée d’hémoglobine.

Ceci explique sans doute que ce roman jeunesse soit passé relativement inaperçu lors de sa sortie il y a quelques années. Pour notre part, nous ne lui reconnaîtrions qu’un seul défaut : un épilogue à l’ancienne qui vient rompre l’équilibre narratif et laisser le lecteur perplexe. Il n’était peut-être pas indispensable de résumer ce qui se passe au cours des années suivantes pour un roman qui aurait très bien pu se terminer sur une fin ouverte. Si le récit ne souffre en définitive pas trop de cette fausse note ou de cette structure légèrement bancale, c’est parce que l’on comprend que la quête et la découverte d’un antidote est bien plus passionnante que la description de son application à large échelle.

Reste donc un roman imparfait mais aux qualités indiscutables, un des ces romans qui sont aussi des odes à la musique et à la fascination qu’elle est capable d’induire.
Que rock et littératures de genre fassent bon ménage, on le sait depuis longtemps. On pourrait citer nombre de romans – parmi lesquels « Armageddon Rag » de Georges R.R. Martin, « Fugues » de Lewis Shiner ou le magnifique « Kamikaze l’amour » de Richard Kadrey – dans lesquels s’opère une telle fusion.
Il en va de même dans le registre de la nouvelle, puisque des anthologies comme « Shock Rock » (Pocket), ou « Rock’n roll attitude » (Denoël) ont été consacrées aux confluences entre musique pop et fantastique.

Avec A-Apocalypse – Bande-son pour fin du monde, Scott Westerfeld vient enrichir encore ce vaste domaine.


Titre : A-Apocalypse, bande-son pour la fin du monde (The Last Days, 2007)
Auteur : Scott Westerfeld
Traduction de l’anglais (Etats-Unis) : Guillaume Fournier
Couverture : Bruno Douin
Éditeur : Milan
Collection : Macadam
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 315
Format (en cm) : 14 x 20,5 x 1,6
Dépôt légal : 1er trimestre 2008
ISBN : 978-2-7459-2999-0
Prix : 10,50 €


Scott Westerfeld sur la Yozone :
- La chronique de « Leviathan tome 1 »
- La chronique de « Leviathan tome 2 : Béhémoth »


Hilaire Alrune
13 septembre 2012


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