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Trilogie du vide (La), tome 1 : Vide qui songe
Peter F. Hamilton
Milady, science-fiction, traduit de l’anglais (Grande-Bretagne), science-fiction, 768 pages, février 2012, 10,70€

Un univers futur aux technologies insensées, des milliers et des milliers de mondes colonisés jusqu’à cinq cents années-lumière de la terre, des dizaines de nouvelles espèces intelligentes (dont plusieurs post-physiques) rencontrées, l’univers du Commonwealth décrit par Peter F. Hamilton dans la tétralogie de Pandore n’a cessé de s’étendre et de se densifier. Pourtant, malgré les avancées technologiques, une singularité incompréhensible met en échec humains et extra-terrestres : le Vide, que nul ne parvient à comprendre. Pire encore, d’étranges rêves semblent générés par cette singularité, qui aboutissent à l’émergence d’une religion nouvelle.



Le récit s’articule autour de trois personnages principaux. Aaron tout d’abord, sorte d’espion-mercenaire à la solde d’un commanditaire qui a effacé toute autre mémoire que celle de ses objectifs, Edeard, artisan vivant sur un monde aux allures assez primitives mais dont les habitants ont des pouvoirs étranges, et enfin une jeune femme au départ assez naïve, Araminta, dont on devine assez facilement, quand on a lu d’autres œuvres de l’auteur, qu’elle se transformera rapidement en personnage d’envergure, tout comme la Charlotte de « Nano », la Marie Skibbow de « L’Aube de la nuit », ou la Mellanie Rescoraï de la tétralogie de Pandore (dont Araminta s’avèrera sans surprise, en fin de volume, être une authentique descendante). Viennent ensuite se greffer des individus familiers aux lecteurs de Peter F. Hamilton comme l’enquêtrice Paula Myo, Oscar Monroe, technocrate de la grande époque, La Chatte, ancienne combattante de la guerre contre l’Arpenteur, ou encore l’extra-terrestre Quatux, toujours victime de son addiction aux souvenirs humains. On n’imaginait guère, à vrai dire, que ces figures de légende n’aient pas été capables de survivre au millénaire écoulé depuis leurs dernières aventures.

Mais, depuis les péripéties narrées à travers les deux mille huit cents pages de la tétralogie de Pandore, bien des choses ont changé. Le transport galactique par générateurs de trous de ver a été quelque peu dépassé : il est agrémenté de modulations hyperspatiales et de canaux transdimensionnels, des ultraréacteurs sont à présent capables d’accélérer jusqu’à cinquante-cinq années-lumière par heure, on transporte de minuscules trous noirs dans des cuves de Hawking. Les organismes biologiques, eux aussi, se sont peu à peu transformés : les Barsoomiens, à force de manipulations génétiques, ont créé la culture Avancée, Nigel Sheldon, autre héros de la tétralogie de Pandore, a inventé la biononique et par conséquent la branche Haute de l’humanité, les individus sont dotés d’ombres virtuelles, et divers courants s’affrontent : les Conservateurs, les, Accélérateurs et les individus réduits à l’état d’Activités Neurales Avancées, qui se dirigent peu à peu vers une existence post-physique.

C’est dans ce contexte déjà complexe qu’émergent les fidèles du Rêve vivant, adeptes de rêves collectifs qui seraient originaires de l’autre côté du Vide, singularité physique découverte par l’astronavigateur Wilson Kime quelques siècles auparavant, mais surveillée depuis plus de sept mille ans par les Raiels. Cette singularité est sujette à des phases d’expansion qui engloutissent des galaxies entières. Alors que des dizaines de milliers de fidèles désirent à tout prix pénétrer ce secteur, d’autres veulent les empêcher d’agir, car cette tentative entraînerait de nouvelles phases d’expansion, et la destruction de l’univers connu. Le dilemme, aussi bien du côté des humains que des autres races, n’est pas simple. Comme l’exprime un des personnages dès les premières pages du roman : “On en revient toujours au vieux dilemme des hommes : risquer un plongeon dans l’inconnu ou opter pour la facilité.”

Nous ne saurions résumer en quelques lignes, ni même en quelques paragraphes, ce volume à la fois énorme et foisonnant, dans lequel on retrouve les qualités, mais aussi les défauts récurrents de Peter F. Hamilton. Ainsi, l’on peut noter le caractère peu convaincant des dialogues entre élites quand sont prises les décisions les plus importantes, qui engagent l’avenir de mondes entiers. De même, l’on pourra – c’est selon – s’amuser ou s’irriter d’affirmations fantaisistes telles que “Plusieurs engins avaient sondé l’espace sur plusieurs années-lumière avec des hysradars perfectionnés – heureusement, personne n’était capable de détecter un ultraréacteur en suspension transdimensionnelle.” Hamilton, il est vrai, ne cherche nullement à donner le change : ses romans ne relèvent pas de la hard-science mais bel et bien du space-opera. La nature des particules de Gaïa, responsables d’une nouvelle forme d’empathie entre humains, la nature même du Vide restent assez fumeuses – mais on connaît la tendance de Peter F. Hamilton à introduire ses concepts par touches minuscules, presque par allusions, et à longtemps cultiver le mystère.

Pourtant, le souci du détail, le soin apporté à chacune des facettes des univers décrits finissent par convaincre. Les descriptions toujours efficaces, qu’elles concernent les paysages, l’architecture, la décoration, les vaisseaux high-tech ou même steampunk (“on aurait dit qu’il avait été construit par Isambard Kingdom Brunel pour la reine Victoria”) ou même la cuisine (“des crêpes de sarrasin aux œufs de canard, aux champignons d’Uban grillés, au bacon d’Ayrshire fumé, couronnées d’une délicate omelette de caviar”) sont immuablement présentes. Rien, ou presque, ne manque : là se situe, sans doute, la différence fondamentale entre Peter F. Hamilton et les tâcherons de l’écriture qui pour atteindre le nombre de pages requis tirent désespérément à la ligne en accumulant dialogues ineptes et psychologie de pacotille. Hamilton, lui, tisse, construit, empile, strate après strate, les multiples couches de ses mondes, et parvient peu à peu à donner cohérence à un univers auquel il prend, par ailleurs, toujours soin de conserver une part de mystère.

Près de huit cents pages pour un roman qui n’est que le premier volume d’une nouvelle épopée – un tel constat conduit inévitablement à se demander s’il n’aurait pas été possible de faire plus court. Mais une telle débauche de papier est aussi une caractéristique fondamentale de l’auteur. Et ce qui séduit chez Peter F. Hamilton, même si ce volume n’est peut-être pas tout à fait aussi dense que d’autres de ses opus, c’est une fois de plus cette concordance entre la générosité de l’écriture, l’ambition revendiquée du cadre, et l’absence totale d’inhibition vis-à-vis de la démesure. Grâce à une brochette de personnages malgré tout profondément humains, auxquels Hamilton parvient, dans la grande tradition du roman-feuilleton, à faire parfaitement prendre corps, l’alchimie fonctionne une fois de plus, et l’ouvrage laisse en suspens suffisamment de questions pour donner au lecteur l’envie de se plonger dans le second volume.


Titre : Vide qui songe (The Dreaming Void, 2007)
Auteur : Peter F. Hamilton
Série : La Trilogie du vide, tome 1 : Vide qui songe
Traduction de l’anglais (Grande-Bretagne) : Nenad Savic
Couverture : Manchu
Éditeur : Milady (édition originale : Bragelonne, 2008)
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 789
Format (en cm) : 11 x 17,9 x 3,4
Dépôt légal : février 2012
ISBN : 9782811206758
Prix : 10,70 €



Peter F. Hamilton sur la Yozone :

La critique de la tétralogie de Pandore tome I « Pandore Abusée »
La critique de Greg Mandel tome I « Mindstar »
La critique de Greg Mandel tome III « Nano »


Hilaire Alrune
4 avril 2012


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