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Rêves de Milton, l’intégrale (Les)
Maël, Féjard et Ricard
Dupuis

Le grenoblois Martin Leclerc, dit Maël, s’est définitivement imposé avec la superbe série « Notre Mère la Guerre » (trois volumes publiés à ce jour chez Futuropolis, sur scénario de Kris), par laquelle il revisite de l’intérieur et saupoudre de polar ce très long drame européen que fut la guerre des tranchées de 14-18. Ce dessinateur au tremblé très particulier n’a cependant pas surgi de nulle part, et la réédition de son dyptique « Les Rêves de Milton », concocté par Féjart et Ricard, permet de le voir à l’oeuvre dans un autre exercice où s’entremêlent documentaire social et psychologie des profondeurs.



Loin de la vieille Europe qui a actuellement la faveur de Maël, « Les Rêves de Milton » constituent une façon de fresque sociale dans l’Amérique des années 30, alors même que sévissait une des pires crises économiques du monde capitaliste. Une fresque en l’occurence presque intimiste, puisque l’intrigue se focalise sur les heurs et malheurs de la famille Cry, paysans que la disette contraint, ainsi que beaucoup de leurs semblables, à vendre leurs terres et à chercher ailleurs, dans une errance désabusée, ce qu’on leur a fait miroiter comme une hypothétique vie meilleure.

La famille Cry, au coeur de laquelle sont avant tout analysés et dévoilés les rapports de pouvoir et de sujétion, tempérés de tendresse et de complicité, qui unissent Billy à son frère Milton. Billy, adolescent haineux pour son milieu social et que taraude un désir imprécis de revanche, depuis qu’un voisin, coupable d’un meurtre dont il avait été le témoin, l’a estropié à vie. Milton, jeune géant débonnaire et attardé mental, qui croit comprendre le sens de sa propre existence, et distinguer le Bien du Mal, à travers le filtre des fantasmes de Billy.

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En contrepoint de la lente et implacable dérive des laissés pour compte de l’économie de marché, décrite de façon quasi-naturaliste, c’est donc aussi une fantasmagorie que cette histoire met en place, avec ces rêves emplis de violence - des cauchemars, ferait-on mieux de dire - qui habitent Milton et le laissent indécis au réveil, incapable qu’il est de faire la part des choses entre réel et imaginaire. Lui qui serait si doux, si pur au tréfonds de lui-même. Lui que la cruauté d’autrui risque de métamorphoser, à son insu ou presque...

Un projet audacieux projet et une belle réussite, que ces deux albums ici rassemblés, et dont les dominantes ocres et sépia restituent touffeur, sécheresse et illusions d’un monde révolu, soudain ressuscité : celui qui vit encore et toujours dans les romans de John Steinbeck, dont le fameux « Des souris et des hommes » (1937) avec lequel « Les Rêves de Milton » entretient un cousinage tout à son honneur.


Les Rêves de Milton, l’Intégrale
- Scénario : Féjard et Ricard
- Dessins : Maël
- Editions : Dupuis
- Collection : Aire Libre
- Dépôt légal : 10 novembre 2011
- Pagination : 152 pages couleurs
- Format : 17,5 x 24 cm
- Numéro ISBN : 978-2-8001-5094-9
- Prix public : 19 €


Illustrations © Dupuis et les auteurs (2011)



Alain Dartevelle
5 avril 2012




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