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Bibliothèques en flammes
L’histoire d’une barbarie intemporelle
De l’Antiquité à Ray Bradbury

Deux ouvrages facilement accessibles traitent d’un exercice ardemment pratiqué par les bienfaiteurs de l’humanité, y compris de nos jours : la destruction des livres. Fernando Baez, avec son « Histoire universelle de la destruction des livres » (Fayard) et Lucien X. Polastron, avec « Livres en feu » (Denoël, repris en Folio Essais), nous dressent de riches panoramas d’une discipline née bien avant les premiers Jeux Olympiques et dont la flamme ne semble aucunement prête à s’éteindre.



S’il nous semble intéressant de mentionner brièvement ces deux essais sur un site consacré aux littératures de l’imaginaire – point de véritable critique pour ces deux ouvrages si riches et si denses que le compte rendu en nécessiterait des pages et des pages – c’est parce qu’il nous apparaît difficile de nous départir de l’idée que les amateurs de littératures dites de genre sont plus attachés aux livres et plus fidèles aux lettres, plus indépendants des modes, aussi, que ne le sont ceux qui professent un attachement immodéré, exclusif, et bien entendu d’un ordre intellectuel supérieur, à la littérature tout-venant.

Une assertion que ces derniers ne manqueront bien entendu pas de discuter, mais peu importe : ces deux essais passionnants, érudits, fortement documentés, tous deux pourvus de volumineux index et d’une délicieuse profusion de notes de bas de page, raviront les amateurs de ces étranges territoires où depuis toujours cohabitent réel et fiction. Rien de déprimant dans ces autodafés sans fin, bien au contraire : cet incendie perpétuel de livres, cette destruction obstinée de la mémoire par des fous, des tyrans, des empereurs, des ignares, des auteurs qui eux-mêmes se transformèrent en pyromanes et en biblioclastes n’ont jamais réussi qu’à faire disparaître des ouvrages dont la connaissance eût été d’un apport inestimable. Quant à parvenir véritablement à leurs fins – détruire entièrement une culture ou la mémoire d’un peuple – ils ont pratiquement toujours échoué.

Et pourtant, « Ils sont parmi nous ». Les aficionados de la censure, les hystériques de la destruction, les haineux du passé, les maniaques du Zippo, nos alliés américains qui, s’en allant « civiliser » l’Irak, berceau de l’humanité et de l’écriture, furent responsables du pillage et de l’incendie de la Bibliothèque Nationale de Bagdad (dix millions de documents perdus, dont certains remontant à la période ottomane) et de la perte définitive de collections de bon nombre d’autres bibliothèques (dont le détail est donné par Fernando Baez, chargé en 2003 d’une commission d’investigation sur le sujet), bref, toutes ces personnalités charmantes nous entourent, nous conseillent, et parfois même nous dirigent. Soyons rassurés : les incendies ne sont pas prêts de s’éteindre.

Le caractère éternel de cette thématique ne pouvait échapper aux auteurs de genre. Les amateurs penseront bien évidemment au célébrissime « Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury, que Lucien X. Polastron et Fernando Baez bien évidemment mentionnent. Le second va jusqu’à consacrer un chapitre à la thématique des « Livres détruits dans la fiction ». On rencontrera dans ce chapitres des auteurs comme Miguel de Cervantès, Jan Potocki, Howard Philips Lovecraft, J.R.R. Tolkien, Walter M. Miller ou Jorge Luis Borges.

La permanence et la récurrence, depuis maintenant des millénaires, de ces incendies et de ces autodafés, leur constance au sein de toutes les civilisations, y compris celles qui s’autoproclament supérieurement éclairées, et la certitude de leur persistance dans les siècles futurs apparaissent en définitive parfaitement rassurantes. Rien de paradoxal dans cette réflexion : l’amateur de livres ne manquera pas de constater que plus les rayonnages brûlent et plus nombreuses sont les bibliothèques. Un constat fort appréciable alors qu’approchent les mois les plus froids de l’année. Il est en effet doux de penser que si la récession et le crise des combustibles fossiles perdurent, nous pourrons toujours alimenter notre cheminée en ayant recours aux bibliothèques les plus proches.

Titre : Livres en feu
Auteur : Lucien X. Polastron
Éditeur : Folio (édition originale : Denoël, 2004)

Titre : Histoire universelle de la destruction des livres (Historia universal de la destruccion de libros, 2004)
Auteur : Fernando Baez
Traduction de l’espagnol (Venezuela) : Nelly Lhermillier
Éditeur : Fayard


Hilaire Alrune
8 mars 2012


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