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On ne tire pas sur une ambulance
Francis Mizio
Les Editions de l’Atelier In8, Quelqu’un m’a dit, novella (France), anticipation sociale, 64 pages, janvier 2011, 9€

Après « Liliane fais les valises » de Jean-Bernard Pouy, « On ne tire pas sur une ambulance » est le second volume de la nouvelle collection des Éditions de l’Atelier In8. Le principe de cette collection est simple : considérer une phrase au destin fulgurant (« Yes we can » ), humoristique (« À mon insu de mon plein gré ») ou simplement marquante, puis, sous forme de fiction à résonance sociale, la pousser vers des conséquences extrêmes ou inattendues.



C’est donc à partir de la phrase de Françoise Giroud (qui, lorsque Jacques Chaban-Delmas commence à baisser dans les sondages pour les élections présidentielles en 1974, contribue à sa chute en écrivant « On ne tire pas sur une ambulance »), que Francis Mizio imagine cette fiction sociale.

Nous sommes dans un futur proche où le catastrophisme a séduit la quasi-totalité de la population et où l’approche de l’apocalypse, qu’elle soit prédite par des farfelus ou par le calendrier maya, ne fait plus aucun doute pour quiconque. La crédulité a en effet été érigée en ligne de conduite, conduisant la population française à s’éloigner non seulement du centre, où les volcans ne sauraient que se réveiller, mais aussi de toute France côtière à l’évidence menacée par une vague d’une cinquantaine de mètres de haut. D’où un exode global vers l’intérieur de l’ensemble de la population française, une migration sauvage à côté de laquelle les ruées barbares et saisonnières des aoûtiens ne sont guère qu’une banale transhumance.

Il est difficile de détailler cette fiction, qui, avec ses soixante-trois pages, n’est guère plus qu’une novella, sans trop en révéler, et sans gâcher le plaisir d’un futur lecteur. Pour résumer, disons simplement qu’à contre-courant, un petit groupe d’irréductibles rationalistes a décidé de s’installer sur les côtes à l’abandon. Hormis eux, il n’y reste pratiquement plus âme qui vive. Tant qu’à faire, nos protagonistes ont décidé d’élire domicile dans les suites luxueuses du Negresco, à proximité de la Promenade des Anglais.

Avec humour, Francis Mizio décrit la vie paisible de ce petit groupe et leurs remarques sarcastiques envers la société des crédules. Si l’on peut voir dans ces existences atypiques au travers de géographies déshabitées une manière de faire à la James Graham Ballard, la réversibilité de cette situation permet à Francis Mizio d’explorer des prolongements nouveaux.

Car la fin du monde a une fois de plus été reportée, et il n’est pas certain que tous s’en réjouissent. Nos protagonistes en effet ont pris goût à ces villes désertes et au confort phénoménal du Negresco. L’apocalypse, à leurs yeux, est encore à venir : elle ne sera rien d’autre que cette « fin de fin du monde », lorsque les crédules reviendront prendre possession des régions côtières. Et si les quelques informations que nos sceptiques parviennent à prendre sur des chaînes télévisées défaillantes ne leur montrent qu’anarchie et massacres dans les zones surpeuplées, ils savent bien que les masses agglutinées dans ces régions finiront par se lasser d’y attendre une apocalypse qui se fait désirer.

Dès lors le petit groupe de sceptiques, qui comprend que même les meilleures choses ont une fin, commence peu à peu à se désagréger. Avec habileté, Francis Mizio prend le contrepied d’une figure classique de la fiction américaine, celle de l’illuminé de la religion qui se révèle au plus haut point délétère pour la communauté, attisant la méfiance, semant le doute, générant la discorde, et réveillant toutes les haines présentes à l’état latent. Ici, ce rôle est dévolu à la psychologue et à ses avis néfastes, autre forme de distorsion de la réalité qui ne se révèle rien d’autre que fausse rationalité, bêtise, déviance mentale et charlatanisme, et qui signera non seulement l’éclatement du groupe, mais bien pire encore. Car cette nouvelle plaisante et pleine d’humour ne manque pas de tourner au drame, et se terminera, comme il se doit, par la vision d’une poignée de personnages s’éloignant au loin sur les routes.

Voici ce qu’écrit l’éditeur au sujet de la collection : « De la SF sociale. Elle prend possession de notre environnement et de notre quotidien pour les transposer dans l’horizon le plus proche. Elle embarque le lecteur vers un espace fictionnel nouveau. Au-delà du noir pesant, totalitaire ou kafkaïen, ces nouvelles sont volontiers surréalistes, parfois poétiques. Toujours décalées. » Avec « On ne tire pas sur une ambulance », Francis Mizio a parfaitement suivi sa feuille de route. Ce n’est pas un malade qui dans cette ambulance agonise au gré des délires apocalyptiques, mais bel et bien la société toute entière.


Titre : On ne tire pas sur une ambulance
Auteur : Francis Mizio
Couverture : non créditée
Éditeur : Les Éditions de l’Atelier In8
Collection : Quelqu’un m’a dit : nouvelles d’anticipation sociale
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 64
Format (en cm) : 10 x 16
Dépôt légal : janvier 2011
ISBN : 978-2-916159-95-9
Prix : 9 €



Hilaire Alrune
4 août 2011


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