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Frontières de l’Aube (Aux)
Guillaume Fourtaux
Asgard, Reflets d’Ailleurs, roman (France), fantasy, 440 pages, mars 2011, 19,90€

La famille Milocescu règne sur la Translavynie. Comté unifié par Vlad Ier, il est aujourd’hui morcelé entre ses petits-enfants et quelques familles nobles aux ambitions grandissantes.
Reliée au monde de Faerie par des portails magiques, la Translavynie est prospère et relativement calme en apparence, bien que les luttes intestines entre les barons Milocescu n’attendent d’une étincelle pour s’enflammer.



L’ouverture d’un portail vers le monde des Ténèbres, et l’invasion de démons qui s’ensuit, va être cette étincelle. Tandis que Vlad III essaie de fédérer sa famille contre l’invasion des « démijs », chacun voit dans la bataille titanesque à venir l’occasion d’affaiblir ses rivaux et de prendre le pouvoir. Tous, c’est-à-dire les différents barons, descendants de Vlad Ier, les trois grands ordres religieux de Ghica (le Jésus local) et les femmes de la Schole, des devineresses toujours proches des puissants.

Premières armes

Mais tout commence par l’ouverture de ce portail. Des métamorphes de Faerie tuent 3 demi-dryades pour prendre leurs traits et traverser incognito le Comté. Anasthase, demi-dryade lui aussi et disciple du Gardien de l’Équilibre et des portails, est envoyé par son maître sur la trace des assassins. Témoin des premières attaques de démijs, qui rasent des villages entiers, il tente de prévenir les autorités de la cité de Bilurest. Cette première tentative de résistance est un fiasco, la ville est prise, quelques-uns parviennent à fuir jusqu’à la forteresse de Sainte-Clémence, où se rassemblent les troupes levées par Vlad III.

Ce « prélude » (la première partie, soit 140 pages) est l’occasion de se familiariser avec l’univers imaginé par Guillaume Fourtaux. Au vocabulaire employé, vous aurez très vite compris que l’Europe de l’Est, le pays de Dracula en particulier, est à l’honneur. D’ailleurs, on attendra très longtemps l’apparition des vampires. Trop, sans doute, et ils ne seront qu’un ultime rebondissement à la limite de l’anecdotique.
Le concept d’un monde humain relié aux univers des Ténèbres et de Faerie est bien trouvé. Il est malheureusement très sous-exploité. La baronnie de Mircea Milocescu, lui-même bâtard de dryade, est tout juste citée, alors que sa sympathie pour les Faeriques aurait pu être un élément majeur.
La différence même de ces demi-dryades (les « Mimouss ») passe à la trappe. On doit attendre plusieurs chapitres avant de réaliser qu’ils sont physiquement très différents (la peau marron et les cheveux verts, je crois), et un éventuel racisme pour ces Autres est évacué avant même d’être abordé. Alors qu’il y aurait eu matière à...

Tous ensemble ?

Les parties 2 et 3 sont consacrées à la bataille qui se prépare à Sainte-Clémence. Intitulées « les derniers jours » et « les dernières heures », elles annoncent la couleur. Et c’est peut-être leur défaut : 300 pages qui tiennent dans un mouchoir de poche, 300 pages de préparation de siège, de réunions stratégiques où chacun essaie de ne pas trop se mouiller, où les alliances et les trahisons fleurissent et fanent, avec un nombre de personnages hélas trop important. Dans la seule famille Milocescu, entre les vivants et les morts, les premier, deuxième et troisième du nom, on craint vite de se perdre (l’arbre généalogique en début d’ouvrage nous met la pression d’entrée).
Certains passent cependant tellement au second plan qu’on en vient à les oublier : même si l’action ne se déroule que dans un temps bref, cette profusion de protagonistes ne donne la parole (ou le point de vue narratif) à chacun qu’assez rarement, car si l’on suit surtout Anasthase et Vlad III, la pléthore de personnages « secondaires » (la voleuse Giorgina, le chevalier Dragu, sa sœur, le chef des paladins rédempteurs, l’inquisiteur au nom tellement bien trouvé de Rigor Mortis...) qui interviennent ne laissent que très peu de place pour les autres.

Trop en trop peu de temps

L’intrigue et les multiples complots (politiques, magiques, religieux) passent au premier plan dès la moitié du livre, balayant tout approfondissement des personnages, au final très stéréotypés. On peine à s’attacher à qui que ce soit, malgré des débuts alléchants : la mixité d’Anasthase, la déchéance et l’ambition sereine de Dragu, les principes de Giorgina... Tout est supplanté par la révélation (au lecteur, pas au grand jour) des différents complots, des tenants et aboutissants de certaines alliances, des conséquences potentielles de tel ou tel choix des uns et des autres.

À un moment, lorsque meurt le Gardien, j’ai eu peur : son successeur, en l’absence de passation de pouvoir, doit réunir les 5 clés de l’Équilibre. J’ai craint une énième quête dans tout le comté tandis que le siège tente de tenir. Il n’en est presque rien : les clés sont heureusement réunies au sein même de la forteresse. Il va néanmoins falloir les retrouver, se les échanger contre des faveurs immédiates (rien de scabreux) ou à venir, prendre celles du camp adverse, etc...

Je vous ai épargné le conflit entre les 3 branches de l’Église pour savoir laquelle doit avoir la primauté (autre sujet de discorde et de désunion) et la Schole de magie, école des devineresses qui sert aussi de réseau de pouvoir féminin (avec une seule technique : on fout la jolie voyante dans le lit du baron. C’est écrit, et dit presque tel quel par la Schole en chef...)

Au final, tout est (hélas) bien qui finit bien : les démons sont vaincus, les méchants morts ou punis, les gentils récompensés. Mais c’est à mon goût là qu’il aurait fallu commencer : avec cette redistribution imprévue des cartes suite à la grande bataille. Peut-être dans un second tome à venir ?

Le trop est l’ennemi du bien

Il me semble que Guillaume Fourtaux, élevé à l’école du jeu de rôles (voir sa présentation), et malgré le travail préparatoire de relecture de Cocyclics (voir ses remerciements), a voulu en faire trop d’un coup. Trop d’éléments (les 3 mondes, les différentes baronnies, les 3 églises, la magie, les démons, les vampires, les gitans, les clés de l’Équilibre...), bien trop de personnages, tout cela produit une intrigue trop dense (oui, c’est possible) où on se perd dans la complexité des intérêts des uns et des autres pour les différentes « quêtes » (entre la victoire militaire, la domination magique, politique, religieuse, et l’Équilibre). Bien qu’ayant lu son ouvrage en quelques jours, il m’est arrivé de zapper certains évènements, car trop nombreux, voire certains personnages, les croyant encore vivants ou déjà morts ! C’est dire si certains sont présents, malgré leur importance scénaristique...

En découvrant une histoire de bataille décisive, de siège, on pense tout de suite à « Légende » du regretté David Gemmell. Hélas, Guillaume Fourtaux ne joue pas dans le même tableau : le jeu politique se complexifie au détriment des personnages, auxquels on ne s’attache quasiment pas faute d’épaisseur.

On notera aussi une cinquantaine de coquilles.

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Aux Frontières de l’Aube - coquilles

Pour le premier roman inédit de l’éditeur, c’est à la fois beaucoup et finalement peu, et encourageant pour la suite.

Néanmoins, malgré tous ces défauts, les stéréotypes et la prédominance du jeu politique au détriment du reste, « Aux Frontières de l’Aube », grâce à un univers un peu plus original, se démarque de la production actuelle et n’est pas désagréable à lire, même s’il convient de s’y plonger totalement pour ne pas perdre le fil des intrigues. On aurait espérer peut-être 200 pages de mieux, pour concrétiser toutes les promesses attendues, creuser les personnages et « simplifier » l’intrigue simplement en la déconcentrant.

Un coup d’essai donc fort prometteur, à défaut d’une réussite flagrante.


Titre : Aux Frontières de l’Aube
Auteur : Guillaume Fourtaux
Couverture : Michel Borderie
Éditeur : Asgard
Collection : Reflets d’Ailleurs
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 440
Format (en cm) : 15,5 x 23,5 x 3,5
Dépôt légal : mars 2011
ISBN : 978-2-919140-03-9
Prix : 19,90 €



Nicolas Soffray
6 mai 2011


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