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Meilleur des Mondes Possibles et autres nouvelles (Le)
Ray Bradbury
Gallimard, Folio 2€, nouvelles, traduites de l’anglais (États-Unis), fantastique, 116 pages, avril 2010, 2€

Un jeune tambour qui peine à trouver le sommeil à la veille d’une grande bataille, un marin qui ne s’est jamais remis de la disparition de son aimée, une femme plus que gironde qui sert d’impossible toile à tatouages à son époux, deux hommes qui se font toujours voler leurs bonnes idées par un troisième larron et deux voyageurs qui se racontent deux histoires de femmes dans un train.
Une sélection -bien vue- de cinq récits enclavés dans une évidente simplicité thématique et stylistique, mais dont la poésie sensible et humaniste n’a de cesse d’émerveiller le meilleur de l’âme de chaque lecteur.

Du 100% Ray Bradbury !



L’homme qui décrit la chute d’un noyau de pêche, et saisit votre attention durant un long paragraphe, suscite forcément admiration et respect. Ainsi est et sera toujours Ray Bradbury, capable de capturer un instant finalement anodin et de l’étirer dans toute l’éternité de son apparente simplicité sans ennuyer une seule seconde.

Parfait exemple de la grande prose bradburyenne, « Le petit tambour de Shiloh » (The drummer boy of Shiloh) retranscrit parfaitement en douze pages toute la substance contenue dans le monologue d’un général, un rien désabusé, tentant de rassurer le jeune tambour de son armée à la veille d’une grande bataille.
Demain, dans un lointain futur, le petit garçon mènera des soldats sans expérience vers une mort certaine et pourtant, il s’endort en serrant dans ses bras ce qu’il sait être un objet sacré du destin.

Second texte, « Et le marin, de retour de la mer » (And the sailor, home from the sea, anciennement traduit sous le titre « Retour de la mer ») est un récit tout aussi sombre.
Un capitaine a connu l’amour, le grand, le vrai, mais il a vu son épouse s’éteindre brusquement sur son bateau. Depuis, il n’a plus jamais navigué. Flanqué de son fidèle second, il s’est finalement établi en pleine campagne et regarde ses champs de blé dorés onduler sous la brise, venant se briser, vague après vague, sur sa maison qui craque comme un vieux navire.
Tout comme dans le premier texte de ce recueil, la mort pose une lourde empreinte sur cette nouvelle. Le tour de force de Ray Bradbury étant de parvenir à y instiller in fine une note d’espoir par la seule beauté de son style.

Plus incroyable, sinon surréaliste et fantastique, « La Femme Illustrée » (The illustrated woman dont la première traduction du titre fut « La Dame Tatouée Illustrée » !) narre l’étrange confession d’une femme de deux cent cinquante kilos à un psychiatre tétanisé par la grande question qu’elle lui soumet : comment peut-il l’aider à grossir encore afin que son petit mari (le monsieur est nain) puisse trouver un peu d’espace libre sur sa peau et y graver quelques tatouages supplémentaires ?!
Dans une ambiance qui n’est pas sans évoquer la série « Carnivale - La Caravane de l’Étrange » qui elle-même n’était pas sans nous faire penser aux ambiances de « La Foire des Ténèbres » du même Ray Bradbury, le conteur américain nous frappe par la force et l’inventivité de sa révélation finale.
Un psy au tapis et des lecteurs K.O !

« Un rare miracle d’ingéniosité » (A miracle of rare device dont le titre fut aussi « Un miracle d’architecture ») suscite dans ses premières pages une certaine perplexité quant à la crédibilité du récit. On est forcément dans l’allégorie, sinon dans le conte philosophique, et en aucun cas dans une possible « réalité » qui se teinterait d’aspects fantastiques.
Essayez un peu d’imaginer deux hommes en perpétuelle errance, dans l’impossibilité de se fixer en un lieu pour y vivre tranquillement parce qu’un troisième larron vient automatiquement leur pourrir la vie. Pourtant, un jour ils découvrent un endroit désertique où naissent des mirages incroyables... Mais à peine commencent-ils à exploiter le filon que l’empêcheur de tourner en rond arrive.
Cependant, rien n’est perdu car le rêve est bien dans les yeux de ceux qui ont la faculté d’y croire...

Franchement humoristique, « Le Meilleur des Mondes Possibles » (The best of all possible worlds) débute assez simplement par une discussion entre deux passagers dans un train. Le premier raconte à son voisin une histoire de femme « caméléon » qui va devenir l’épouse parfaite dont son époux (et tout homme) rêve.
Une histoire en entraînant une autre et mon second ne voulant pas être à la remorque de mon premier, il fallait bien que lui aussi y aille de son récit.
Une narration rafraîchissante et enlevée est le principal atout d’un texte qui a le mérite de proposer une conclusion en forme de clin d’œil malin et jubilatoire.

Si l’éditeur nous prévient aimablement que ces cinq récits écrits entre 1949 et 1964 sont tous issus du recueil « Les Machines à Bonheur » (Folio SF n°312), évitant gentiment un achat inutile aux lecteurs qui seraient déjà en sa possession dans ses anciennes éditions Denoël (Présence du Futur) comme dans sa plus récente, il n’en reste pas moins que ce Folio 2€ prouve en peu de pages à quel point Ray Bradbury est un auteur important.
La profonde empathie qu’il développe pour ses personnages est contagieuse, positive, et mon Dieu, que cette sensation fait du bien à celui qui avait eu tendance à oublier de quoi ce fichu bonhomme était capable !
Et par-dessus tout reste ce sentiment profondément agréable de toujours aimer le genre humain grâce à ces textes finement ciselés.

Seul bémol, la couverture, qui fait au mieux référence au dernier texte, mais s’avère quand même franchement réductrice et pas en phase avec l’humeur générale de ces cinq nouvelles.

« Le Meilleur des Mondes Possibles et Autres Nouvelles », du très bon Ray Bradbury qui convaincra tout autant un lectorat grand-public que les amateurs de SF.


Titre : Le Meilleur des Mondes Possibles et autres nouvelles (nouvelles, sélection, 1949 à 1964)
Auteur : Ray Bradbury
Nouvelles : Le petit tambour de Shiloh, Et le marin, de retour de la mer, La femme illustrée, Un rare miracle d’ingéniosité, Le meilleur des mondes possibles.
Première édition (France) : Présence du Futur (Denoël, 1965), réédition Folio SF (Gallimard, 2008)
Couverture (photo) : Michael Blann/Getty Images (détail)
Traductions de l’anglais (États-Unis) : Jean-Pierre Harrison
Traductions révisées par : Julie Pujos
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio 2€
Numéro : 5062
Site Internet : fiche recueil (site éditeur)
Pages : 128
Format (en cm) : 10,8 x 17,8 x 0,8 (poche)
Dépôt légal : avril 2010
Code Sodis : A43832
ISBN : 978-2-07-043832-7
Prix : 2 €



Stéphane Pons
15 mars 2011


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