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Chien du Heaume
Justine Niogret
Mnémos, Icares, roman (France), fantasy médiévale, 222 pages, mai 2010, 18€

Chien du heaume est une guerrière. Elle n’a pas de nom, juste cette caricature qu’on lui a donné : comme une arme, comme un chien elle prend son ennemi à la gorge, de sa hache, et ne le lâche qu’après son dernier souffle expiré.
Mais Chien du heaume court après son passé qu’elle a oublié. Mercenaire lasse, elle tente de retrouver son père, grâce à la seule chose qu’il lui a laissée : sa hache, gravée de serpents entrelacés.
Du forgeron Rehegir à Bruec, le chevalier Sanglier du château des brumes, Chien du heaume rassemble quelques pièces éparses de ses souvenirs, mais découvre autre chose : la chaleur d’un foyer.
Hélas, la vie des gens de guerre est rarement calme...



L’histoire de « Chien du Heaume » est relativement brève. Le roman ne court que sur 200 et quelques pages, agrémentées d’un petit lexique, et pourrait se résumer à une tranche de vie d’une mercenaire au Moyen Âge.
Car la quête du véritable nom de Chien du heaume est un prétexte, comme la femme s’en rendra compte (et cruellement, dans les dernières pages). Sa soif de savoir se retrouve confrontée à son changement de vie, au contact de Bruec et de sa troupe. Finie, la vie seule sur les routes, à chasser ou mendier sa pitance, à craindre pour le lendemain. En l’accueillant dans son castel, Bruec lui donne un foyer.
Et une famille, également. La complexité des sentiments de Chien du heaume, sentiments qu’elle peine à exprimer, elle la bête de guerre, nous laisse planer dans un doute bien agréable. Loin de cette fantasy où tout lien entre un homme et une femme se termine dans un lit, la relation tout en non-dits de Chien avec Bruec ou le jeune Iynge tient plus de la filiation. Elle sans famille, elle s’est trouvée un père, et un fils.
Et, dans sa simplicité comme dans le silence où chacun conserve son cœur, c’est beau.

La langue déployée par Justine Niogret est également magnifique. L’auteure s’approprie le vocabulaire comme le phrasé médiéval, sans jamais tomber dans l’excès. On sourira en lisant son petit glossaire final, où à l’inverse elle adopte un langage contemporain, limite bloggeuse. Histoire de nous donner une idée de ce que sa gouaille naturelle pourrait donner hors de la fantasy.

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Justine Niogret en dédicace aux Imaginales 2010 (photo : N. Soffray)


Fantasy, ou pas fantasy, pour « Chien du Heaume » ? Les éléments merveilleux sont rares, à peine quelques druides, et un singulier méchant digne des légendes. On pourrait donc parler de roman médiéval, pour ne pas perdre de vue que “fantasy” a longtemps été traduit chez nous par “médiéval-fantastique” (aussi hérissant cela puisse vous sembler).

Avec Justine Niogret, c’est le réalisme qui prime. Point de guerriers infatigables, mais des hommes et des femmes qui souffrent, de l’âge comme des coups reçus. Aucun romantisme incongru, mais une profondeur de sentiments, entre ceux qu’on peut dire et ceux qu’on garde au fond de soi.
La vie est cruelle. Certains personnages le sont d’autant plus, dans « Chien du Heaume », à commencer par ceux qui semblent les plus innocents. Une des rares concessions à la forme romanesque sera de les voir punis pour leurs crimes. Mais par vengeance, non par justice. Parce que c’est l’acte qui s’impose aux héros de cette histoire, et non parce que le lecteur le réclame.

Certains n’aimeront pas « Chien du Heaume » car ce n’est pas une histoire faite pour être lue. C’est une histoire vécue. Et on ne décide pas d’être brave ou lâche, grand ou petit, beau ou laid. On est, c’est tout, et on fait avec. C’est peut-être bien la morale de cette histoire...

Très justement couronné du Grand Prix de l’Imaginaire et du Prix Imaginales 2010, encensé par les lecteurs (et les auteurs), ce premier roman de Justine Niogret est un coup de maître dans ses forces comme dans ses faiblesses.

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Lors de la conférence « Ce livre d’un autre... que j’ai lu pour vous », aux Imaginales 2010, Justine Niogret écoutant un extrait de son roman lu et encensé par Jean-Philippe Jaworski (photo : N. Soffray)


En dépit d’un retirage estampillé « GPI 2010 », il demeure quelques scories de forge, lettres manquantes et esquilles sans gravité.

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Chien du heaume - corrections

Titre : Chien du Heaume
Auteur : Justine Niogret
Couverture : Johann Bodin
Éditeur : Mnémos
Collection : Icares
Site Internet : page roman (site éditeur)
Pages : 222
Format (en cm) :
Dépôt légal : mai 2010
ISBN : 978-235408-099-0
Prix : 18 €



CITRIQ


Nicolas Soffray
23 janvier 2011


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