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Mais l’Espace... Mais le Temps...
Daniel Walther
Fleuve Noir, Anticipation, n°1089, roman (France), science-fiction expérimentale, 213 pages, 3e trimestre 1981, épuisé

Labyrinthe de mots et de structure, « Mais l’Espace... Mais le Temps... » propose un kaléidoscope d’impressions, de situations, de ressentis. C’est un roman-dédale, rempli de petites trouvailles, de procédés typographiques et de montages poético-déstabilisants.
Mais la systématicité parfois gratuite, le lent dérèglement de tous les sens dont on sent qu’il est encore trop écrit par son auteur, et l’absence de maîtrise sur la durée, font de ce roman un témoignage intéressant d’un époque science-fictive, mais laisse un peu de marbre.



Il est difficile de proposer un semblant de résumé de ce livre. Une sorte de pitch qui vous donnerait l’idée principale, la ligne directrice. Tout ce qu’on peut en dire, c’est que le « héros » va se retrouver à croiser les métamorphoses du monde dans lequel il évolue, à errer dans un environnement changeant (aussi changeant que lui), et proprement instable. Le tout dans un champ lexical science-fictif.

Véritable production d’un moment bien spécifique de l’histoire de la science-fiction francophone, ce roman se caractérise totalement dans une littérature de genre lorgnant vers la littérature blanche expérimentale de l’époque. S’aveuglant dans le jeu structurel, « Mais l’Espace... Mais le Temps... » apporte un témoignage historique, à la fois intéressant et énervant, sur une époque de nos littératures.
Bien sûr, ces jeux structurels étaient déjà en place dans les œuvres antérieures de Daniel Walther. Mais ce roman, pour la première fois (et sur certains points de manière un peu ratée), inscrivait cette écriture sur une distance.
Jean-Pierre Andrevon a écrit un jour qu’ « un récit de Daniel Walther, c’est d’abord une typographie, tellement obsessionnelle qu’elle en devient topographie » : c’est par l’écriture en elle-même qu’était formé le monde dans lequel se déploie le récit. Le jeu sur les italiques, gras, majuscules, ou les mises en page éclatées, est ce qui permet le déploiement du monde.
Mais ici, ce déploiement et ces jeux, par trop systématiques et peu dosés, finissent par produire l’effet inverse à celui désiré : fuir plutôt qu’intriguer...
Sans oublier ces traits d’humour étranges, et cette utilisation consciente et régulière des pires poncifs science-fictifs, qui font se déployer le roman au sein d’un corpus, soit, mais de manière tellement lourde !

Le destin de cette œuvre, d’ailleurs, est intéressant sur ce point, et montre bien, finalement, le statut ambivalent du livre, qui intéresse et énerve : premier roman de son auteur, très attendu après des nouvelles remarquées, « Mais l’Espace... Mais le Temps... » avait connu une publication chez un tout petit éditeur en 1972 (Bodson, pour le nommer). Reçu de manière très critique, il avait tout de même, sous l’impulsion de Marianne Leconte, connu une réédition, en épisodes, dans la revue Horizons du Fantastique (numéros 30 à 34).
Et ce n’est qu’en 1981, après un petit retravail et un ou deux ajouts, notamment un chapitre, qu’il est paru dans la fameuse collection Anticipation du Fleuve Noir. Et là encore reçu de manière très mitigée par la critique et les lecteurs.
Ces publications successives montrent la place particulière accordée au roman dans l’esprit de Daniel Walther et des éditeurs-lecteurs-etc. Mais ceci, tout en l’exposant à bien trop de critiques et de remarques.

Il n’est pas aisé de conclure d’une manière simple une chronique consacrée à ce livre. Si vous êtes intéressé par l’auteur, ou l’époque, ou que vous avez envie de vous frotter à un texte déroutant (même si bancal), allez-y. Mais avec en tête que vous lirez une littérature science-fictive expérimentale. Et en tête aussi que toute expérience n’est pas obligée de réussir...


Titre : Mais l’Espace... Mais le Temps...
Auteur : Daniel Walther
Couverture : Ian Miller (Doc. VLOO)
Éditeur : Fleuve Noir
Collection : Anticipation
Numéro : 1089
Pages : 213
Format (en cm) : 11 x 18
Dépôt légal : 3e trimestre 1981
ISBN : 2-265-01728-0
Prix : épuisé


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Jérôme Charlet
7 décembre 2010


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La première édition (Bodson, 1972)



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