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Immergés (T2) Oskar Kusch
N. Juncker
Editions Glénat

Après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, un accord naval bilatéral entre le Royaume-Uni et l’Allemagne est conclu en 1935. Il stipule notamment que l’Allemagne peut augmenter sa production de sous-marin. Le premier U-boot de type II a été lancé le 11 février 1935. Le U-13 est un de ces sous-marins.
C’est dans ce bâtiment que l’on retrouve Oskar Kusch, jeune membre d’équipage et fervent protestant. Dans cet univers clos et purement masculin, le jeune homme, surnommé Grenouille par ses pairs, devra abandonner ses vieux principes de justice, charité et intégrité…



Historien de formation, Nicolas Juncker a été dessinateur de presse pendant sept ans. Il enseigne actuellement la bande dessinée au conservatoire des arts plastiques de Saint-Quentin en Yvelines. Il signe en 2003 chez Treize Étrange, un label de Glénat, sa première bande dessinée “Le Front”. En 2005 paraît “Malet” et en 2008 “D’Artagnan, Journal d’un cadet”.
Nicolas Juncker est un adepte des séries. D’ailleurs, lors de la phase préparatoire de “D’Artagnan, Journal d’un cadet”, il avait imaginé faire cinq tomes, avec chacun un narrateur différent : les quatre mousquetaires et Milady. Finalement, le projet s’est résumé à un one shot.
Peut-être un peu frustré, et fort de la reconnaissance acquise chez Treize Etrange après plusieurs albums, il semble se lancer maintenant dans une longue série. Une très longue série…
Immergé” est une série racontant l’Allemagne nazie à travers l’histoire de l’équipage d’un sous-marin allemand.
Selon l’auteur, cette saga sera constituée d’une vingtaine d’albums. Chaque tome sera présenté du point de vue de l’un des membres de l’équipage.
Deux volumes sont édités à ce jour : “Günther Pulst” (tome 1) et “Oskar Kusch” (tome 2). Grâce au nom des autres personnages, nous pouvons d’ores et déjà prévoir les titres des prochains volumes : Walter Kaeding, Albrecht Brandi, Paul Brasack, Alfred Eick, Helmut Möhlmann, Jost Metzler, Karl Thurmann, Kurt Dobratz, L-W Laüwerfus, Ernst Hechler, Viktor Schütze, Cornelius Piening, H-A Schroeteler, Helmut Witte, Hans Lehmann, Helmut Schmoeckel, Wilhelm Pelosi.
Tout un programme…

Pour info, le premier tome est paru en septembre 2009, le deuxième en août 2010. Un an par album…
A ce rythme là, le nombre de lecteur à suivre la série risque d’être très limité. Espérons que les albums suivants arriveront rapidement.
_ Dans tous les cas, sachez que chaque album peut se lire indépendamment, traitant de la vie d’un des 19 membres d’équipage de l’U-13. La série complète offrira au lecteur la vision globale de la trame et des relations entre les différents acteurs.

Dans ce deuxième volume, nous faisons la connaissance d’Oskar Kusch, alias Grenouille, l’un des veilleurs du sous-marin, et le plus jeune membre d’équipage.
L’histoire se déroule entre juin et juillet 1937. Le jeune Oskar se retrouve au milieu de marins aux origines diverses, dans un environnement clos, étriqué, puant la sueur, la cigarette, le vomi et le gasoil. Il est bien loin de son village allemand de Dahlem, une communauté bourgeoise protestante proche de la frontière belge. Le poids de cette communauté aura d’ailleurs eu raison de lui. Comme lui disait son père : « C’est sur les épaules de ta génération que repose l’avenir de ce pays, Oskar. Nous, nous n’avons su que nous faire humilier devant les français, ouvrir la porte aux juifs et aux communistes, et sombrer dans le gouffre de la démocratie ! »
Oskar a grandit avec l’amertume du diktat. C’est donc tout naturellement que, sur les traces du pasteur Niemöller, son mentor, il s’enrôla dans la Reichsmarine.
Mais ce monde n’est pas le sien. Son surnom, Oskar le doit autant à ses yeux globuleux qu’à sa ferveur religieuse, son côté grenouille de bénitier justement. Oskar est différent et moqué certes, mais il n’est pas le souffre douleur du groupe. Ce qui n’est pas le cas de Hans Lehman, le cuistot…
Devant les yeux d’Oskar, Hans est quotidiennement réprimé par les autres sous-mariniers, et, dans cet univers chargé en testostérone, les idées ne manquent pas. Hans aura ainsi le droit à la crêpe au vomi ou à la soupe à l’urine. Mais que faire ?
Oskar doit-il dénoncer ces harcèlements et risquer de passer pour un traître, une balance ?
Et pourquoi les responsables de l’équipage laissent-ils faire ?

Chaque case reflète parfaitement l’ambiance du sous-marin. Les images sont ainsi souvent masquées par le bruit ambiant du bâtiment ou les discussions « philosophiques » des marins. J’adore la case où l’on voit Grenouille dans sa paillasse en train de lire la Bible pendant qu’on entend, au loin « Cinq Reishsmarks la poignée de poils de chatte, c’est correct, non ? ».
A bord, les traits sont volontairement épais, étriqués, comme si, à l’image du sous-marin, les cases étaient trop petites pour les personnages.
Au début, ce rendu ne facilite d’ailleurs pas la lecture de la BD, lui donnant un côté brouillon et grossier. On ne se rend vraiment compte du talent de dessinateur de Juncker que lorsque celui-ci représente la jeunesse d’Oskar. On découvre alors des très fins, subtils, à l’intérieur de cases sans bordure. On respire enfin !
Vous devrez donc passer ce premier à priori pour profiter pleinement de l’ensemble.

La couverture de ce deuxième tome peut déranger certaines personnes. Pas facile d’avoir, dans sa bibliothèque, un livre avec une grande croix gammée sur la face avant ! Je me suis moi-même surpris à retourner la BD posée sur la table du salon lorsque des amis sont entrés chez moi…
Certes, ce symbole ne reflète aucune revendication politique et présente simplement un emblème national historique. Mais quand même… D’autant plus que, contrairement à “MAUS” par exemple (qui affiche également une croix gammée en couverture), cet album ne fait ni révélation ni critique politique. Le récit de ce deuxième tome s’apparente plus à un fait divers maritime qu’à une analyse historique. Finalement, cette histoire pourrait très bien se passer dans un vieux sous marins diesel russe, français ou britannique.

Malgré tout, Nicolas Juncker s’est indéniablement documenté avant d’attaquer sa BD. Un vieux reste de sa formation d’origine sans doute.
Par exemple, tous les personnages portent le nom de commandants sous-mariniers célèbres du 3ème Reich, au risque parfois de créer des anachronismes, tous ces commandants n’ayant pas pu servir ensemble sous le même bâtiment. Hans Lehmann à rejoint la Kriegsmarine, la marine de guerre du Troisième Reich, en 1938 et a commandé l’U-997 dès juillet 1943. Alfred Eick a commencé sa carrière navale en avril 1937 et a pris le commandement du U-510 en mai 1943. Albrecht Brandi est entré dans la marine allemande en avril 1935 et a commandé le U-617 en avril 1942. Et cætera…
Selon les faits historiques, Oskar-Heinz Kusch, le vrai, est né à Berlin en 1918 et a passé son adolescence au sein des jeunesses hitlériennes. Il est entré dans la Kriegsmarine en 1937. En 1940, il a intégré l’équipage du sous-marin allemand U-103. De juin 1941 à février 1943, il a pris le commandement du sous-marin U-154.
Les dates et le nom des sous-marins prouvent que la BD ne retrace pas exactement ces faits historiques. Néanmoins, ces clins d’œil, le souci du détail et les références historiques sont louables.

D’autres éléments du récit respectent parfaitement les évènements historiques.
Par exemple, le pasteur Niemöller a réellement exister et le personnage décrit est conforme à ce qu’il était. En effet, Emil Gustav Friedrich Martin Niemöller était un pasteur, théologien allemand et créateur de l’Eglise confessante. Niemöller a rejoint la flotte sous-marine en 1915 et a servi au sein de plusieurs sous-marins. Il a été ordonné en 1924 et est devenu pasteur à Dahlem en 1931. Au moment de la montée en puissance du pouvoir nazi, le pasteur Martin Niemöller, pourtant partisan du régime hitlérien et ancien des Corps Francs, a appelé les autres pasteurs à s’unir au sein d’une nouvelle organisation qui respecterait les principes de tolérance énoncés par la Bible. Niemöller, comme l’indique la BD, a été arrêté en 1937 et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen.

Les couleurs de Greg Salsedo mettent parfaitement en valeur l’environnement clos et terne du submersible. On retrouve un peu le travail, tout en subtilité, qu’il avait montré dans “Nous ne serons jamais des Héros”.
Les teintes pâles utilisées renforcent l’idée que, dans un sous-marin, la lumière du jour est inexistante.
L’utilisation du noir et blanc dans les flashbacks reste classique mais efficace.

Après avoir passé un premier aperçu mitigé, on rentre pleinement dans ce récit au cœur de la marine allemande.
A travers les yeux du jeune Oskar Kusch, on découvre l’ambiance étriquée, glauque, parfois hostile, qui règne à bord du sous-marin.
Le sous marin U-13, dans lequel se passe cette série, est un bateau de type 2B de la Kriegsmarine qui, selon les faits historiques, a été mis au service actif en novembre 1936. Il a sombré le 31 mai 1940 en Mer du Nord, détruit par un bâtiment britannique. Ce naufrage n’a fait aucune victime.
La suite de la série nous racontera peut-être ce détail de l’histoire…


(T2) Oskar Kusch :
- Série : Immergés
- Scénario : Nicolas Juncker
- Dessin : Nicolas Juncker
- Couleur : Greg Salsedo
- Editeur : Glénat
- Collection : Treize étrange
- Dépôt légal : août 2010
- Format : 240 x 320 mm
- Pagination : 57 pages
- ISBN : 978-2-7234-7260-9
- Prix Public TTC France : 13,50 €


Illustrations © Juncker et Glénat (2010)



Allison & Julien
28 novembre 2010




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