Publié originellement en deux tomes (« Ivoire 1 & 2 ») en 1991 puis réimprimé sous la même forme dans la défunte collection Présence du Futur (Denoël) en 1998 (couvertures légèrement différentes), ce roman de Mike Resnick connaît enfin une édition de poche en un seul volume grâce à la collection Folio SF de la grande maison Gallimard.

Souvent inspiré par l’Afrique et le Kenya (la suite de très belles nouvelles « Kirinyaga : Une Utopie Africaine »), Mike Resnick est aussi l’auteur de « Santiago : Un Mythe du Lointain Avenir » (1986), un roman étonnant et émouvant, que tout amateur de science-fiction se doit de lire.
Et ce n’est pas un hasard s’il est ici fait référence à ces œuvres profondément originales, démontrant qu’il est toujours possible d’intégrer un grand mysticisme doublé d’un talent poétique évident dans un récit de pure science-fiction -qui tient la route.
« Ivoire » tout comme « Santiago » (Folio SF n°137) et « Kirinyaga » (Folio SF n°24) sont d’ailleurs écrits et présentés sous des formes assez similaires.
On a tout d’abord l’impression que ces trois recueils ne sont qu’une compilation de nouvelles plus ou moins longues, puis l’on découvre que sur le fond aussi, une réelle unité stylistique et thématique agrège l’ensemble des textes dans un projet littéraire ambitieux d’où nulle artificialité gênante ne ressort.

Dans « Ivoire », le principe de l’enquête policière se double d’une recherche historique. Bien que perplexe quant à la mission confiée, Duncan Rojas se prend au jeu et va étudier les différentes pérégrinations des défenses à travers l’espace et le temps.
Mike Resnick aurait pu en rester là et boucler gentiment son histoire sans se compliquer la vie. Telles n’étaient pas ses intentions, ni ses motivations, « Ivoire » était destiné à prendre tout son sens à travers une conclusion métaphysique.
Le roman est donc aussi une allégorie venue du futur, non point centrée sur ce que l’on croît être les deux personnages principaux (Duncan Rojas, l’enquêteur et Bukoba Mandaka, le commanditaire), mais bien sur l’objet du désir, à savoir les défenses du dernier grand éléphant d’Afrique, trophées symboliques par excellence.

Travail réel d’adaptation de l’écrivain à la poétique du récit qu’il a imaginé, Mike Resnick déploie un talent de conteur certain, quasiment à la manière d’un griot, donnant du rythme à sa prose comme s’il n’était que le dépositaire de quelques millénaires d’histoires orales.
Ainsi, la science-fiction n’est que le vecteur central de l’intrigue, les objets de tous les jours marquant chaque époque explorée d’un sceau futuriste, alors qu’apparaît un profond dégoût des plus bas instincts humains.
Si les Sept Péchés capitaux n’y passent pas, il s’en faut de très peu. En effet, l’aversion de l’écrivain pour tout ce qui touche à la vie politique de l’humanité est flagrante.
Il y a dans ce roman une vision misanthropique certaine, mais pas sans espoir, car rachetée dans un final mystique par la puissance spirituelle qui imprègne toute chose.

D’une lecture aisée et très agréable, « Ivoire : Une Légende du Passé et du Futur » est incontestablement un roman sortant des sentiers battus dont la réédition en 2010 fait grand bien à la SF.

Titre : Ivoire (Ivory, A Legend Of Past And Future, 1988)
Auteur : Mike Resnick
Traduction de l’anglais (États-Unis) : Luc Carissimo, pour les éditions Denoël
Première édition (France) : Denoël, Présence du Futur
Éditeur : Gallimard
Collection : Folio SF
Numéro : 378
Catégorie : F9
Site Internet : Mike Resnick (en anglais), fiche roman (site éditeur)
Pages : 467
Format (en cm) : 10,8 x 17,8 x 2,1
Dépôt légal : août 2010
EAN : 9 782070 395873
ISBN : 978-2-07-039587-3
Prix : 7,70 €